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Psychologie

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Il catalogo è questo

8 décembre 2008 1 08 /12 /décembre /2008 00:38
Dido and Eneas
Purcell

Malena Ernman (Dido)
Christopher Maltman (Aeneas)
 Judith van Wanroij (Belinda)
 Hilary Summers (Sorceress)
 Lina Markeby (Second Woman)
 Céline Ricci (First Witch)
 Ana Quintans (Second Witch)
 Marc Mauillon (Spirit)
 Ben Davies (Sailor)
 Fiona Shaw (Prologue)

Les Arts Florissants
William Christie (direction)

Deborah Warner (mise en scène)
Chloe Obolensky (décors et costumes)
Jean Kalman (lumières)


L'entrée de Didon


A l'exception de la retransmission télévisée du très beau spectacle de Sasha Waltz, je n'avais encore jamais vu Didon et Enée mis-en-scène, j'attendais donc beaucoup de ce spectacle, et notemment d'apprécier une oeuvre qui ne me touche que ponctuellement (l'ouverture, les deux airs de Belinda au I, l'entrée de la sorcière et la mort de Didon). Et je n'ai pas été déçu.

Pourtant je fus d'abord sceptique: puisque la musique du prologue était perdue, on décida de nous en présenter le texte joué par Fiona Shaw, excellente au demeurant, entre le tragique et le dérisoire avec un anglais délectable, texte dont les différentes parties étaient signalées par quelques accords de musique intermédiaires. Façon de justifier aussi le fait de ne pas présenter une autre oeuvre en complément, 1h20 de spectacle cela reste tout de même un peu chiche. Mais j'avoue que la mise-en-scène ne m'a pas permi de faire le lien entre le mythe narré dans le prologue (Echo et Narcisse) et celui de l'opéra. Tout juste commençait-on à le comprendre à la fin du prologue avec cet étrange texte ironique sur la force de l'amour.

Au moins ai-je eu le temps de comprendre l'un des codes de la mise-en-scène de Deborah Warner, celui des costumes: à part les personnages principaux (Didon, Enée, Belinda, la suivante et la sorcière) tous sont en costumes contemporains extrêmement sobres contrastant avec la richesse des costumes d'époque dessinés par Chloe Obolensky. Quant à notre récitante elle porte jean, corset et épée. Il en va de même pour les ingénieux décors: sur les cotés des murs de brique avec projecteurs, en fond de scène la façade du palais voilée par un rideau de fils brillants et les frondaisons; au centre une mosaïque qui se transforme en marre sur laquelle tombent les feuilles au II,2 puis, symboliquement, en port avec voile marine deployée devant la façade au III. Le tout baignant dans les éclairages raffinés et puissants de Jean Kalman est une réussite visuelle extraordinaire: rarement le mélange des époques aura-t-il été réalisé avec autant de goût et de force suggestive.
Et pourtant, bien que belle, cette mise-en-scène se révèle assez creuse. On remarque quelques bonnes idées: l'effroi de Didon quand la suivante évoque le sort d'Actéon ici-même, alors même qu'elle en mimait l'instant d'avant la scène de métamorphose avec Enée; peu après, plutot qu'une tête de sanglier (so glam!), c'est un oiseau en cage que lui offre ce dernier; le personnage de la sorcière est très réussi également, survirilisée, fumant cigarette comme un voyou et menant ses consoeurs en laisse tout en mangeant de la barbe à papa lors du départ d'Enée. La direction d'acteurs se révèle donc très efficace: on pourrait également citer les acrobates qui s'agitent et s'entremèlent tels les vents furieux lors de la tempête avant de revenir, toujours suspendus depuis les cintres, pour être cette fois les marins, comme si la tempête qui chasse les amants de leur épisode champêtre était le prémisse du départ d'Enée, toujours poussé par les vents.
Et puis quelques idées moins heureuses: Didon se suicide en avalant un poison, sa mort en devient biologique et non plus mystique, elle ne meurt qu'indirectement d'amour, c'est moins beau; les enfants qui envahissent régulièrement le plateau en piallant, criant et tentant d'exécuter les danses baroques en suivant un maître d'école. L'image est un peu facile (les enfants qu'auraient pu avoir, mais n'auront pas Didon et Enée), et 2 ou 3 bambins eurent suffit, la vingtaine c'est un peu trop présumer de la fertilité de la reine de Carthage :o) On pense peut-être à une référence à la recréation posthume de l'oeuvre dans un pensionnat de jeunes filles, mais au moins le bruit de leur pas sert-il de basse continue à l'orchestre...
Un spectacle ravissant donc mais qui ne marque finalement pas, dont le charme n'est que présent. Ce spectacle est l'adaptation de celui monté à Vienne dans une salle aux dimensions plus vastes, je ne sais pas dans quelle mesure adaptation il y a eu, mais il convient très bien à l'intimité de l'Opéra Comique.


L'entrée de la sorcière


Coté musical, la satisfaction est aussi de mise. D'abord William Christie et ses Arts florissants sont bien moins chichiteux et pète-secs qu'au disque. Bien sur la basse continue est toujours aussi maigre et donc loin d'avoir le poids tragique ou comique qu'elle a chez Harnoncourt, on pourrait toujours souhaiter plus de couleurs, mais les passages intimistes et les lamentations furent véritablement enthousiasmants. Il faut dire que le plateau vocal assure le spectacle.

En Didon Malena Ernman semble d'abord mal à l'aise, le rôle met presque trop en lumière son medium un peu sourd et son investissement de chaque instant, l'empeche de colorer, comme si l'angoisse qui l'etreint la trouvait incapable de faire montre d'un chant épanoui, mais cela marche; et c'est d'ailleurs mourrante que la voix se libère, libérée de l'angoisse de voir son bonheur s'achever, les couleurs naissent, le souffle s'allonge avant de s'épuiser, l'effet est paradoxal et saisissant, jamais la splendeur d'une voix n'avait sonnée si morbide à mes oreilles. Et il faut mentionner son masque facial fascinant, jamais les paroles de Belinda n'auront étées plus ambigues: "her eyes confess the flame her tongues denies", la flamme est amoureuse, la voix s'étrangle, puis elle devient funèbre, les paupières se ferment et la voix se libère.
Face à elle l'Enée de Christopher Maltman est diablement séduisant physiquement (slurp!) mais la voix porte presque trop, sans grande attention au style. Le contraste avec sa royale amante n'en est que mieux souligné, et vu l'épaisseur du rôle, on lui sait grès d'avoir réussi à se faire remarquer.
La Belinda de Judith van Wanroij déçoit clairement: la voix est maigre, musicale mais avec une projection très limitée et incapable de rayonner face au trouble contraltisant de sa soeur.
Mais la plus contraltisante de tous ce fut bien sur la sorcière d'Hilary Summers, butch jusqu'au bout des doigts, singeant deNiro, sa voix épaisse et noire comme du camboui convient à merveille quand l'actrice est si assurée. Incompréhensiblement elle se fait huer au rideau, les gens s'attendaient à quoi? ma sorcière bien aimée?! qu'on leur envoit Trudeliese Schmidt pour les calmer!
Mention spéciale pour la suivante de Lina Markeby qui réussit lors des quelques phrases de la scène champêtre à émouvoir et justifier l'angoisse de Didon, c'est assez incroyable, je ne sais si c'est la densité de sa voix ou sa tristesse pudique, mais elle capte immédiatement l'attention, et sa présence auprès de Didon mourrante est tout à fait naturelle.
Les autres seconds rôles furent très bons, mais je m'étonne que l'on ait confié le rôle de l'esprit à un ténor: Marc Mauillon est toujours très bon, mais transformé en marin, ce mythe y perd décidemment toute puissance sacrée, comme si on avait voulu le laïciser, sans grand résultat.

Le spectacle a été radiodiffusé sur France Musique en direct dimanche 8 décembre et sera prochainement diffusé à la télévision.

La mort de Didon

Photos: Elisabeth Carecchio

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commentaires

C
<br /> Diffusion sur ARTE lundi prochain.<br /> <br /> <br />
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L
Ce qui est bien dans la critique d'art c'est que l'on a le droit d'être seul contre tous  Mais rassure-toi, j'ai aussi lu ou entendu d'autres  critiques négatives.<br />  <br /> La direction de la mise-en-scène me semblait au contraire bien tenue, mais quand on joue la carte du baroque bordélique, la frontière est elle aussi tênue (^^)<br />  <br /> Je ne me souviens pas que les acrobates arrivent lors de l'entrée des sorcieres, mais lors de la tempête, je me trompe peut-être.<br />  
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S
Bon, je me questionne sur mes goûts personnels tant les critiques comme les spectateurs semblent avoir adoré ce spectacle.Comme je l'ai dit dans mon compte-rendu, j'ai trouvé la mise en scène faible, sans direction, avec plein d'idées, mais peu de cohérence. Et surtout, démagogique comme pas possible.J'ai trouvé que les acrobates n'apportaient pas grand chose à l'ouvrage, si ce n'est de jolis torses musclés. Par exemple, lors de l'arrivée des sorcières, je n'ai pas bien compris ce que figuraient leurs mouvements... Peut-être l'orgie qui a lieu continuellement dans l'antre de la magicienne ?Je suis plutôt d'accord avec toi sur les trouvailles visuelles de la mise en scène et des décors, mais je trouve que ça ne sauve pas l'ensemble.
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L
En l'occurence Ernman jouait vraiment la mort physique, son dernier souffle se confondait parfaitement avec celui du violoncelle; je n'avais pas fait le rapprochement avec Isolde, mais ça me plait :)<br /> Et oui pardon, je m'a gouré avec les secondes, c'est bien Lina Markeby, je vais corriger.<br /> Et oui c'est bien Maltman que tu as entendu à la radio.
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B
J'oubliais : dans la scène champêtre, ce doit être Lina Markeby (Second Woman) qui chante, et non Ana Quintans (Second Witch).<br /> Non ?
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