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Il catalogo è questo

28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 18:19

2 – LA REFORME ET LES TENORS INSTALLÉS AU SOMMET
Des années 1750 à la fin du 18ème.

La réforme de l’opéra seria – interaction avec la tragédie lyrique française : 

Une nouvelle génération émerge, portée par les rôles que nous avons évoqués. Alors que nous parvenons à la seconde moitié du 18ème siècle, les ténors sont désormais quasi imposés sur scène, leur présence en tête des distributions paraît normale, auprès des castrats. Ces derniers, comme le genre opera seria de manière générale, sont assez malmenés : les idées des lumières, le triomphe de la raison particulièrement encouragé par les français peu amateurs de châtrés ne jouent pas en leur faveur – voir les perfides écrits d’Ange Goudar et d’autres observateurs français.

L’opéra français – la France est le seul pays ayant résisté sourdement aux charmes de l’opera seria, installé de Lisbonne à Stockholm en passant par Saint-Peterbourg - a toujours privilégié très largement le ténor « haute-contre », à la tessiture nettement plus aiguë et la virtuosité moins franche, au castrat. Le rationalisme français railla toujours les « incommodés » de la cour versaillaise, invités par Mazarin, et ne leur réserva pas de place lors de la création de la tragédie lyrique.

Cependant, Lully (et pour cause) mais surtout Charpentier, Campra, Mondonville ou Rameau tour à tour ne sont pas insensibles à l’école italienne, écrivant des « ariettes » vocalisantes pour leur dessus et haute-contre - ariettes sans commune mesure, tout de même, avec les impétueuses arias di bravura italiennes. Ainsi, les grands castrats et le ténor Raaff font sensation auprès du public en se produisant en récital au concert spirituel ! Et Gluck, Grétry, Piccinni renforcent l’influence italienne à l’opéra et l’opéra comique : que l’on pense à l’air « En butte aux fureurs de l’orage » du Roland de Piccinni, ou « Amour vient rendre à mon âme », d’Orphée de Gluck. La haute-contre Legros était suffisamment rompue à l’art vocal italien pour affronter ces airs qui sont, pour l’occasion, à la hauteur des meilleurs pages d’opéra seria. C’est bien normal du reste : Gluck avait simplement recyclé un de ses vieux airs italien, comme à son habitude. 

L’opera seria s’intéresse aussi à l’opéra français, en cette époque de recherche et de réforme : un sens de la continuité dans les enchaînements,  un peu plus de souplesse formelle, une implication accrue des chœurs, du ballet, de l’orchestre, des ensembles vocaux plus nombreux… Cependant, même si certains livrets sont repris, c’est en les adaptant aux typologies vocales italiennes ; hors de question de renoncer aux castrats : Hyppolite et Aricie devient Ippolito ed Aricia avec la Gabrielli , le soprano Filippo Elisi et le ténor Amorevoli en Teseo. Castor et Pollux devient I Tintaridi, avec cette fois-ci le ténor Panzacchi en Polluce. Les deux œuvres sont du grand réformateur Traetta, réforme également à l’œuvre dans son Ifigenia in Tauride…Mais c’est le contralto Guadagni qui est Oreste ! Jommelli met même en musique une adaptation du vieux Phaëton de Quinault, datant de Lully : Fetonte. La représentation est extrêmement luxueuse, mais avec avant tout une floppée de soprani masculins et féminins, là encore.

Cette réforme (souvent attribuée de façon trop simpliste à Gluck) se fait donc petit à petit de façon complexe, mais globalement la place donnée aux castrats tend à se réduire sensiblement, dans des rôles souvent dramatiquement moins riches. Néanmoins, lorsque Gluck donne des œuvres « réformées », épurées, c’est souvent le ténor qui est évacué pour se recentrer sur le couple d’amant, encore symbolisé par un castrat et une soprane : Paride ed Elena, Orfeo. Telemaco sera aussi confié au contraltiste Guadagni, premier rôle, le ténor Tibaldi étant Ulisse. En revanche, Alceste omet les castrats au profit de ce célèbre Tibaldi, tandis que la fin de carrière de Gluck, en France, exclut naturellement le castrat.

Le ténor reste l’apanage des rôles de rois, despotes finalement éclairés, les amants heureux, l’idéal de pureté et de vertu restant l’apanage du héros-castrat. Les ténors sont ainsi souvent gratifiés des pages les plus tourmentées et intéressantes ; ce sont des personnages agissants, de pouvoir et, amants malheureux, ils peuvent roucouler avec tristesse (mais plus souvent fulminer), et s’épancher dans les récitatifs accompagnés qui se font plus nombreux. 

Les nouveaux librettistes, comme Coltellini ou Verazi, écrivent ou adaptent des œuvres en phase avec ces nouvelles données dramatico-musicales, désormais bien assises. Par ailleurs, preuve du succès des ténors, les distributions en comprennent parfois deux : en tête caracolent le primo uomo (castrat), la prima donna et le ténor. Viennent ensuite le secondo uomo (castrat), la seconda donna, et, dans les derniers de la hiérarchie : le secondo tenore (Cf Aufidio dans Lucio Silla, Marzio dans Mitridate). N’oublions pas que les airs des seconds ténors parviennent pourtant largement à mettre en difficulté nos interprètes actuels !

Dès 1747, on pouvait voir des opéras afficher deux ténors, par exemple L’Adriano in Siria de Latilla, donné au San Carlo avec Pinacci et Babbi. En 1742, c’était l’Andromaca de Leo, donné avec Albuzzi et Barbieri.

L’opéra réformé par Jommelli, Traetta, Gluck, Salieri, Mozart, J.C. Bach, fait donc la part belle aux ténors, encore de tessiture centrale, apte à de très grands écarts sur un large ambitus, et souvent grands vocalistes. Les grands sauts d’intervalle sont toujours une spécialité, surtout pour les voix robustes moins aptes à la haute virtuosité et à la recherche de l’aigu, grande dérive du chant dès les années 1750 : cet aigu, chez les ténors, est toujours exploré en « falsettone », avec de plus en plus d’assurance, et peut se faire doux ou percutant. Mais il faut admettre que la tendance générale a porté vers une exécution toujours plus rapide des vocalises, et une chasse effrénée vers l’aigu, touchant particulièrement les soprani masculins et féminins, et entraînant la raréfaction du contralto (quasi-disparition des contralti féminins). Stylistiquement, effectivement, la réforme et les critiques à l’encontre d’un virtuosisme gratuit encouragé par le public et la surenchère des artistes trouve leur contrepoint dans un style plus mesuré. Certains chanteurs se font chantres d’un style plus épuré, teinté d’un sentimentalisme dolent, à la fin du 18ème, comme les castrats Pacchierotti, Guarducci, la soprane Todi, ou le ténor Babbini.

Le rôle de l’opera buffa :  

La parodie L’Opera Seria de Gassman, créée à Vienne en 1769 (au moment où le buffa prenait le pas sur le seria dans la ville), met en scène une troupe médiocre à la tête de laquelle se trouve un ténor caricaturé dans sa recherche gratuite de virtuosité et de suraigus (très aigus !!). On peut se dire que la caricature vise tout également les castrats, mais dans une troupe bouffe comme au Burgtheater, difficile d’en présenter un en rôle principal. Cela prouve de toute façon que le ténor avait acquis une légitimité qui le plaçait au premier rang des distributions. C’est sans doute aussi un facteur économique qui est aussi présenté : une compagnie incapable de s’offrir un primo uomo castrat, qui s’empêtre d’un ténor uniquement préoccupé d’exhiber ses triolets et ses aigus.

Signalons au passage que le développement de l’opéra bouffe a permis à des chanteurs moins doués vocalement de faire carrière, et sous le règne de la basse bouffe, castrats, cantatrices et ténors se sont fait une place. Les ténors, avec leur voix naturelle, pouvaient s’imposer sur tous les plans : comique et sérieux, et être enfin amoureux et aimés de retour, tandis que les castrats se voyait reléguer dans des rôles uniquement sérieux, qui paraissent souvent un peu fades. Les rôles de Lelio dans La Capriciosa corretta de Martin y Soler, Ferrando dans Cosi fan tutte,  Belfiore dans La Finta giardinera, Filindo dans La Fedeltà premiata de Haydn, Paolino dans Il Matrimonio segreto de Cimarosa ou Fenton dans le Falstaff de Salieri sont loin d’être des rôles faciles, et oscillent entre l’expression seria de leurs sentiments et leur participation à l’intrigue comique. De nouvelles cordes à l’arc des ténors, et une nouvelle place sur les scènes et dans le cœur du public, qui influence fatalement sur leur aura dans le « grand » genre. 

Le dernier souffle des castrats : 

Cette vague du buffa a une influence certaine, car comme nous venons de le voir les castrats y sont plus rares et en retrait. Et à Vienne, où l’empereur est plus amateur de buffa, peu de castrats sous la main. De même, le prince Esterhazy semble privilégier l’opéra buffa. Sa troupe compte donc des sopranos, basses et ténors. Si bien que lorsque son compositeur Haydn se lance dans la composition de sa première œuvre seria d’envergure, il n’a pas de castrats à disposition : dans Armida, de 1784, Rinaldo est ténor (un certain Jermoli, futur Almaviva de Paisiello), et la distribution compte encore deux autres ténors ! En comparaison, les Rinaldo de Salieri, ou Sarti, dans des œuvres datées respectivement de 1771 et 1786, sont des castrats. Pour Rossini, à Naples quelques trente années plus tard, la question ne se pose quasiment plus, et il ne recourt même pas à un contralto en travesti : son Rinaldo sera l’immense ténor Nozzari.

Tout n’est pas gagné, cependant, en ces dernières décennies du siècle : en 1778, la Scala de Milan est inaugurée avec un faste immense par un ouvrage original de Salieri, et on a recherché le luxe avec deux grandes prime donne prodigues en suraigus (Danzi-Lebrun, vocalisant sur l’accompagnement de son mari hautboïste dans « Quando irato freme », et la Balducci ) et deux célèbres castrats (Pacchierotti et Rubinelli), dans Europa Riconosciuta. Un ténor complète bien la distribution en méchant de service, mais il est clairement en retrait vocalement et dramatiquement. Les castrats n’ont pas encore laissé la place libre !

En revanche, La Fenice est inaugurée en 1792 avec I Giuochi d’Agrigento de Paisiello, où le ténor Giacomo Davide triomphe en Eraclide, un rôle de premier plan. En 1801, ce sera l’opéra de Trieste avec Ginevra di Scozia de Mayr (tout jeune) : le même Davide partage l’affiche avec une soprane et le castrat Marchesi, lui aussi dans les dernières années de sa carrière.

À la toute fin du 18ème, avec l’abandon de la pratique de la castration, la raréfaction des grands castrats (Marchesi touche à la fin de sa carrière, et seuls Crescentini et Velutti sont encore des étoiles du chant) et la critique de plus en plus marquée de leur présence en scène, les ténors prennent encore plus le devant de la scène.

Une anecdote connue montre bien que le castrat devait lutter pour garder ses prérogatives, de plus en plus osbolètes : Crescentini exigea qu’on échangeât son costume avec celui du ténor Brizzi un quart d’heure avant le lever de rideau lors d’une représentation de Gli Orazi ed i Curiazi de Cimarosa aux Tuileries, aussi mal ajusté qu’il fût, sous prétexte qu’il était plus brillant. Il était le primo uomo ! 

Velutti créé un dernier opéra d’envergure en 1824, Il Crociato in Egitto de Meyerbeer, mais il fait quasiment déjà figure de curiosité, lorsqu’il reprend l’œuvre à Londres. En revanche, les ténors belcantistes époustouflants sont légion : Mombelli, Donzelli, Vigaroni, Tramezzani, Siboni, Tacchinardi, Crivelli, Davide, Nozzari, Garcia, etc. 

On cherchera encore, dans les rôles d’amants, à substituer les castrats par des contralti en travestis, qui font leur grand retour après avoir été écartés des scènes dans la seconde moitié du 18ème, au profit des tessitures féminines aiguës. Néanmoins, elles ne survivront pas au romantisme.

Et il faudra attendre l’effacement du bel canto pour voir triompher les ténors, dans un nouveau triangle dramatique conventionnel ténor-soprano-baryton, et s’emparer définitivement des rôles d’amants. Tant pis pour eux : ce sont les barytons qui vont souvent récupérer les rôles les plus complexes et intéressants, dramatiquement, et dont les enjeux reprennent parfois ceux des grands ténors tyranniques métastasiens ! C’est sans doute à partir de ce changement que l’on a pu commencer à dire « bête comme un ténor »…

Les ténors glorieux de la seconde moitié du XVIIIème :

Anton Raaff : Acteur limité, mais chanteur mythique dans le panthéon des ténors et des belcantistes ; on pourra à son sujet se reporter au passionnant et très complet dossier consultable sur ODB .

L’avantage est de pouvoir suivre très précisément les types de rôles abordés par un ténor pendant sa longue carrière. On y notera, bien entendu, les habituels rôles métastasiens.

Gaetano Ottani, quant à lui, semble avoir mené une très belle carrière également, par exemple dans deux rôles différents (le roi Latino puis le méchant Turno) de deux versions d’Enea in Lazio de Traetta, mais relativement peu d’informations sont disponibles. Difficile de situer sa place dans le panorama de l’époque. Capable de succéder à Babbi à Naples, il est désigné par Burney comme "un maître dans sa profession, avec une voix excellente". Quelques détails supplémentaires dans ce dossier sur Le Feste d’Apollo de Gluck.

Domenico (De) Panzacchi chante Arbace aux côtés de Raaff dans Idomeneo, lui aussi en fin de carrière, ce qui lui assure aujourd’hui un minimum de notoriété. Ses airs proposent un style archaïsant avec des restes de virtuosité. Formé, comme son illustre collègue Raaff, à l’école de Bernacchi, Panzacchi semble avoir mené une carrière honorable dès les années 1740, incarnant le primo tenore de plusieurs opéras, sur diverses scènes européennes. Il est notamment Alessandro d’un Re Pastore de Guglielmi à Munich, auprès du même castrat Consoli qui participa aussi à la création du Re Pastore de Mozart. Il est en effet signalé « virtuoso de S.A.E. l’elettore di Baviera » dans les années 1760. Et il ne fallait pas être mauvais pour être invité par Farinelli à chanter dans la brillante troupe réunie par ses soins à Madrid, où il donne, en 1753, Semiramide Riconosciuta de Jommelli en compagnie de la Mingotti (rôle d’Ircano), et Demetrio du même. Il chante aussi à Dresde Romolo ed Ersilia de Hasse. L’occasion de noter que ces ténors faisaient souvent des carrières de trente à quarante ans sans sourciller ! La solidité à toute épreuve de l’école belcantiste…

Giuseppe Tibaldi fut incontestablement un chanteur de première importance, à l’échelle européenne. Il chanta dans plusieurs opere serie de Gluck : Admeto dans Alceste (1767), Ulisse dans Telemaco, Porsenna du Trionfo di Clelia pour l’inauguration du teatro Comunale de Bologne en 1763... Il crée le rôle-titre d’Antigono de Traetta, ou Marte dans sa Pace di Mercurio, et chante Toante (Thoas) dans son Ifigenia in Tauride à Vienne. On le retrouve sur plusieurs scènes vénitiennes avec les castrats Aprile ou Manzuoli dans les années 1760, dans les désormais habituels Antigono (Galuppi), Alessandro nell’Indie et Tito de la Clemenza (les deux de Scolari), ou Artabano dans les Artaserse de Scolari et Di Majo…Le plus modeste rôle d’Aceste dans l’Ascanio in Alba (1771) ne témoigne sans doute pas de tous ses talents, contrairement à Carlo Magno dans le Ruggiero de Hasse, créé en même temps, et fort exigeant techniquement.

Qu’aurait été le Lucio Silla de Mozart si le célèbre Arcangelo Cortoni, prévu à l’origine, avait pu en assurer la création ? Une toute autre œuvre, assurément. Cortoni était un très grand virtuose qui aurait pu stimuler l’imagination du jeune Mozart au même niveau que Rauzzini et De Amicis, avec les deux airs supplémentaires prévus à l’origine par le livret ! D’autant que Mozart avait déjà pu l’entendre dans l’Armida abbandonata de Jommelli. Quel dommage, vraiment. Cortoni a assumé une des toutes premières places en Europe, avec une technique d’une virtuosité hallucinante, à la hauteur d’un Raaff.

Giovanni Ansani était aussi un des ténors les plus en vue de son temps, voix douce et puissante (Burney), technique parfaite. Sa carrière fut essentiellement italienne, néanmoins il se fit entendre jusqu’à Copenhague et Berlin. Nul doute, à l’écoute des airs qui lui furent destinés qu’il était, comme ses collègues Raaff, Davide (son rival, qu’il remplaça avantageusement dans le Pirro de Paisiello) et Cortoni, un virtuose étonnant, dans des parties difficiles à soutenir aujourd’hui. Il fut l’interprète brillant des grands compositeurs de son époque : Anfossi, Cimarosa, Paisiello, avant de former la dernière grande génération belcantistes, dont Manuel Garcia, Luigi Labacle…

Matteo Babbini (Babini), élève de Cortoni, n’avait apparemment pas la facilité vocale de ses collègues, mais pouvait s’inscrire aisément dans une époque où les artistes sensibles étaient très prisés, pour la simplicité et la justesse de leur expression, aux côtés de grands virtuoses. Il fut Marco Orazio auprès des mythiques Crescentini et Grassini lors de la création de Gli Orazi ed i Curiazi de Cimarosa à Venise, en 1796. De passage à Paris, il chante aux côtés de Marie-Antoinette…L’anecdote (sans doute inventée) racontant qu’une femme, à sa mort en 1816, réclama qu’on déclouât son cercueil pour contempler une dernière fois son idole, témoigne du statut de star que les ténors avaient réussi à ériger.

Valentin Adamberger  est, à l’instar de Raaff, un exemple de grand ténor germanique qui sut s’imposer au niveau européen dans le genre italien. D’abord attaché à la cour de Munich, il parcourt l’Italie avec grand succès et va s’imposer jusqu’au King’s theatre de Londres à la fin des années 1770…. Ceci sans la permission de ses employeurs, ce qui lui vaut d’être renvoyé à son retour en Bavière. Il est alors immédiatement engagé au Wiener Hofoper, Vienne où il sera premier ténor jusqu’en 1798 ! Il y crée de nombreux rôles, souvent comiques, car c’était le répertoire principalement donné à Vienne. Néanmoins il se frotte au Tito de Giulio Sabino de Sarti, et Gluck réécrit pour lui Oreste pour ténor, dans la version viennoise d’ Iphigénie en Tauride. Mozart en parla comme d’un « chanteur dont l’Allemagne peut être fière ».

Giacomo Davide est une figure charnière de l’histoire du bel canto ; ténor à la présence intense, et au chant attaché à l’école belcantiste la plus brillante, il chanta tant des compositeurs ancrés dans le 18ème que la nouvelle école, à la fin de sa très longue carrière débutée en 1773 et encore en cours en 1813 (La Rosa bianca de Mayr à Gênes) ! Il interpréta Paisiello, Cimarosa, Sarti, Sacchini, et même Haendel, sans oublier les plus modernes Bianchi, Frederici, Zingarelli, et surtout Mayr au début du 19ème. Il faisait partie de ces vrais ténors, à la voix large mais conquérante dans l’aigu, toujours émis en falsettone. Bien qu’assez âgé il affronte encore des parties ardues dans Ginevra di Scozia, à l’inauguration du théâtre de Trieste en 1801. On fait encore appel à lui pour la première saison du teatro Carcano de Milan en 1803. Il aura pour élèves son propre fils, Giovanni, à qui il apprendra une hallucinante maîtrise de l’aigu et du suraigu et de la virtuosité la plus impétueuse, et le baryténor Andrea Nozzari, plus attaché à une certaine école du 18ème siècle. Ces deux ténors feront la gloire des opéras de Rossini, à Naples, et des premières œuvres de Pacini, Donizetti, Mayr…Ils transmettront au 19ème siècle l’art belcantiste, avant que le romantisme ne définisse un nouveau type de ténor, qui modifiera la technique et l’expression dans les années 1830 à 40.

Une page sera tournée, c’est une autre histoire.

 

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commentaires

B
Dans l'intégrale Dorati de cet Orlando de Haydn, le rôle de Pasquale est chanté par Domenico Trimarchi, impayable, et qui est nettement un baryton. Le rôle-titre y est confié au magnifique George Shirley, ténor barytonnant.
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L
Merci Clement pour cet article!! Je seme mes commentaires là où je peux dans ce monument d'érudition baroqueuse!<br /> <br /> Comme je l'avais dis ailleurs, il y a un air que j'affectionne particulièrement dans l'Orlando Paladino (1782) de Haydn, chanté par le valet (bouffe certes) d'Orlando, Pasquale (interprété par un certains Moratti). Il s'agit d'"Ecco spiano" dans lequel il s'amuse avec l'orchestre en commentant l'art incomparable de son chant. Il est assez interessant dans l'optique du recul des castrats, puisque notre tnéor lance de glorieux "Ah che un musico castrato/ come me non canta affè"(Ah ma foi un musicien castrat/ ne chante pas aussi bien que moi)avant de se lancer dans un ridicule passage en voie de fausset. M;Schäfer s'en sort pas mal du tout avec Harnoncourt (live avec Bartoli et non le somnifère sorti en cd récemment!).
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B
aaa aaa aaa a a a a a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a-a rrraaaaaargh !*<br /> <br /> <br /> * notte battue avec trémolo (Anfuso 47)
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