Maria Balducci (1758-après 1784)
On sait en revanche peu de choses sur Maria Balducci, qui semble pourtant avoir joui d’une certaine célébrité : Jérôme de
On a reparlé d’elle à l’occasion de la reprise de l’Europa Riconosciuta de Salieri, dont elle créa le rôle-titre lors de l’inauguration de la scala de Milan en 1778, occasion pour laquelle on avait forcément fait appel à des vedettes du chant. Dans cette même saison, elle brilla dans Calliroe d’Alessandri, Cleopatra d’Anfossi, Troja distrutta de Mortellari…
Elle remporte encore de grands succès à Venise, Naples, St Pétersbourg.
Il n’y a plus d’informations sur elle après 1785.
Vocalement, elle semble avoir eu une aisance stupéfiante dans les aigus, et on peut supposer, vue la typologie du rôle d’Europa, qu’elle était également une tragédienne de quelque mérite. Le rôle exige des coloratures culminant (encore en notes piquées) jusqu’au contre-fa dièse. Martin Y Soler, qui lui fit partager l’affiche du San Carlo avec Marchesi et le ténor Ansani dans Ipermestra et Ifigenia in Aulide, lui écrivit de diaboliques échelles en staccate à la tièrce jusqu’au contre-sol (sol5) dans l’air “Son fra l’onde”.
Josepha Hofer, née Weber (1758-1819)
Grande soeur de la plus fameuse Aloysia (Cf paragraphe suivant), on sait peu de choses d’elle, et elle ne compte certes pas parmi les interprètes de grand renom de son époque. De 1789 à 1805, elle chanta quasiment exclusivement à Vienne. Elle doit de rester à la postérité grâce au rôle de la reine de la nuit qu’elle créa, alors qu’elle était dans la troupe de Schikaneder.
Elle représente la vocalité typique de beaucoup de chanteuses de l’époque, avec ses aigus en notes piquées jusqu’au contre-fa (fa5). Il y en a cinq dans ses deux airs !
Aloysia Lange née Weber (1760-1839)
Dans la famille Weber, quatre filles : le seconde et plus jolie, Aloysia fut aimée de Mozart. Dès 1777-1778, il la fit travailler, et lui dédia de nombreux airs de concert, et fut véritablement son Pygmalion. En 1779, elle entre dans la troupe de l’opéra allemand à Vienne, et désespère Mozart en épousant Joseph Lange en 1780. Il se rabat sur sa sœur Constance, mais continue à écrire des airs de concert à Aloysia, ainsi que Mlle Herz dans Der Schauspieldirektor. Elle est aussi, étonnamment, Donna Anna à la reprise viennoise de Don Giovanni. Elle avait en effet rejoint la troupe de l’opéra italien en 1782.
Elle interprète aussi Sesto de
Les airs que Mozart lui composa sont bien représentatifs de l’époque, avec des dimensions volontiers concertantes, de longues mesures de colorature rapide, et des suraigus généreux, jusqu’au fameux contre-sol (sol5) de l’air par ailleurs dramatique “Popoli di Tessaglia”.
Elizabeth Billington née Weichsel (1765 (68?)-1818)
Elizabeth naît à Londres d’une mère chanteuse et d’un père hautboïste. Ainsi placée très tôt dans l’univers musical, elle épouse même en secret son professeur de chant Thomas Billington à l’âge de quinze ans. Ses débuts se font à Dublin dans une adaptation de l’Orfeo, mais c’est dans le rôle de Rosetta du très aimé Love in a village assemblé par Arne qu’elle remporte un succès foudroyant à Londres en 1786, ce qui lui octroie d’emblée le statut de star. Ses prestations suivantes la feront plus apprécier encore de ses compatriotes, incarnant Clara dans The Duenna de Shield, Rosina du même, ou Polly dans le fameux Beggar’s opera. Suite à ces reprises brillantes d’oeuvres chères aux Anglais, elle poursuit dans le répertoire national et crée de nouvelles oeuvres de Shield, et d’autres musiciens anglais.
Parallèlement, elle parachève son éducation musicale avec les musiciens installés à Londres, Mortellari et Sacchini.
Burney dit alors d’elle “nothing but envy or apathy can hear her without delight”, et loue son intonation précise, la brillance et le goût de son ornement, et sa tessiture fort aiguë – elle avait même tendance à octavier vers l’aigu les passages incommodant de ses rôles, car son grave était nettement plus faible. Déchéance de l’art belcantiste, elle faisait cependant partie de ces cantatrices incapables d’improviser les ornements, préparés à l’avance.
Auréolée de sa gloire nationale,
De retour à Londres, elle partage ses activités entre Covent Garden et Drury Lane, et se présente dans le rôle de Mandane dans le fameux Artaxerxes de Arne. Elle ne néglige pas non plus le King’s theatre, où l’on donne l’opéra italien, et y reprend
au peintre : “Mais vous avez fait une grave erreur
- Comment cela ? pourquoi ?
- Vous avez représenté Mlle Billington écoutant les anges ; vous auriez dû représenter les anges en train d’écouter Mlle Billington.”
M. Kelly, dans ses facétieux écrits, est plus moqueur vis-à-vis de cette chanteuse par ailleurs très douce et très aimée, et raconte par le menu les rivalités de la billington, notamment lors de sa confrontation d’une saison avec le fameux contralto Giuseppina Grassini. Cette confrontation fut à son sommet lorsque les deux prime donnne se retrouvèrent distribuées ensemble dans Il Ratto di Proserpina de Winter ! On dit que le style pathétique de la séduisante Grassini lui valut une courte victoire.
Moins amusant, il décrit la terreur de
Malheusement, après son retrait des scènes, elle décida malgré tout de le rejoindre en Italie, à Venise, avec toutes les richesses accumulées lors de sa carrière incroyable. Il semble qu’elle mourut des mauvais traitements qu’il lui infligea, en 1818.
Antonia Campi née Miklasiewicz (1773-1822)
Cantatrice polonaise, elle chante à Varsovie en 1789, puis Pragues. Elle y épouse le buffo Campi, et interprète des rôles mozartiens : la contesse, le reine de la nuit, ainsi que des œuvres de Paisiello, Salieri, avant d’être invitée en Italie. Elle chante en 1802, pour l’ouverture d’un théâtre viennois, l’Alexander de Teyber sur un texte de Schikaneder, et continue à se produire avec succès à Venise, Prague, Berlin, donnant même une tournée triomphale dans toute l’Allemagne de 1818 à 1819. Cela ne l’empêche pas de monter sur scène, notamment en Amenaide de Rossini. Elle est l’étoile du Hofoper de Vienne de 1818 à 1822, et la première cantatrice nommée « chanteuse impériale » par l’empereur d’Autriche. Elle meurt en 1822, laissant pas moins de dix-sept enfants !
On loua sa technique irréprochable, son contrôle total de sa voix, son staccato perlé… et son contre-sol ! Elle fut certainement une des interprètes à faire perdurer une technique hérité du dernier 18ème au siècle suivant.
Le fait qu’elle ait interprété Amenaide nous permet aussi de souligner combien ce rôle est proche, dans son écriture vocale, du bel canto du 18ème, avec par exemple les figures en notes piquées dans la cabalette de l’air “giusto ciel che umile adoro”, ou encore dans “Temer un danno” d’Adelaide di Borgogna. Ces deux rôles furent d’ailleurs créés par Elisabetta Manfredini, qui, à l’image de
Teresa Bertinotti-Radicati (1776-1854)
Comme
La chant de
Ce style très décoratif et peut-être un peu creux n’était pas du goût de tous, sans doute ; une anecdote amusante le rapporte : l’occupation française à Rome mit fin à environ deux siècle d’interdiction papale pour les femmes de se produire sur scène. En 1798, enfin, des femmes purent poser le pied sur les planches de théâtre Alibert, parmi lesquelles notre Teresa Bertinotti. Le public “traditionnaliste” n’apprécia guère sa prestation, et le fit bruyamment entendre (était-ce une partie du public habitué à l’art belcantiste plus fin des castrats ?) au point de faire interrompre la représentation. Bertinotti en rage répondit aux contestataires par un geste peu amène : je vous laisse la saveur du commentaire italien d’origine (trouvé sur romacityblog) : “La cantante non si perse d'animo e rispose facendo il gesto delle corna a chi la contestava”.
Angelica Catalani (1780-1849)
Evoquons enfin celle qui, plus légendaire que Campi, évoque véritablement le dernier avatar de la grande diva 18ème en ce début du siècle, prêt à s’abîmer dans le romantisme.
Ce n’est pas d'une grande tragédienne qu’il s’agit ici, mais d’un phénomène, qui se produisit surtout au concert, baladant ses airs brillants à travers l’Europe ébahie.
Elle débuta à dix-sept ans à
Elle se rend à Lisbonne, Madrid, Paris, où Paris voudrait bien la retenir… mais ce sera pour plus tard : elle doit se produire à Londres, notamment dans un de ses succès les plus brillants, l
Elle est alors contrainte de partir, et parcourt l’Europe de L’Italie à
En 1841, une fausse information annonçant sa mort permet à
En fait,
En outre, Giacomo G. Ferrarri, observateur musical, compositeur, arrangeur et accompagnateur qui eut l’occasion de collaborer avec
Les qualités et critiques qui la touchent sont celles que formulent déjà Métastase à propos du chant de Mazzanti, celles qui furent formulées à l’encontre d’Agujari, de Mara…
On pourrait les reproduire (avec d’infinies nuances - je tente de prendre de vaines précautions !) pour un certain nombre d’interprètes connues de nous : Melba, Patti, Galli-Curci, plus près de nous Sutherland, Devia, Vidal…
Remarques sur l’interprétation/la perception de ces rôles et types vocaux :
On a beaucoup glosé sur la reine de la nuit, et son écriture acrobatique et suraiguë, seul exemple resté au répertoire d'une vocalité de ce genre. On peut savoir à présent que ce rôle n’a finalement pas une écriture vocale exceptionnelle pour l'époque, et que de nombreuses partitions pour soprano suraiguë le dépasse en difficulté, et surtout en intérêt dramatique.
Notre regard est déformé par le 19ème, et le 20ème siècle, avec leurs écoles de chant très différentes de celles du 18ème. Le chant virtuose est tombé dans l’escarcelle du soprano suraigu (même les contraltos rossiniens), qui a monopolisé tout l’art belcantiste (surtout romantique) subsistant au répertoire, avec un timbre à l’ingénuité et la légèreté cultivée jusqu’à la niaiserie.
Le baroque, pendant sa longue renaissance et avec les maigres moyens de ses débuts, a bien souvent dû se contenter de petites virtuoses à voix légères et centrées sur l’aigu dans des œuvres où, comme on a pu le voir dans le début de cette présentation, elles n’avaient rien à faire : chez Haendel, Vivaldi, etc…On subit encore, de nos jour, l’insipide Simone Kermes dans les prime donne de ces compositeurs, alors qu’elle pourrait être bien plus convaincante dans les vocalités du second 18ème, armée de son contre-sol.
Il faudra bien prendre conscience un jour que, de la même manière que Rossini en 1820 n’utilise pas le même type de voix que Verdi dans Otello, il ne faut pas les mêmes chanteuses pour Haendel en 1720, et le Cimarosa serio de 1780.
Heureusement, nous savons depuis Callas, puis Sutherland, Horne, etc. que la virtuosité n’est plus l’unique apanage de soprano léger, et que si la partition indique soprano, un mezzo-soprano est bien souvent plus indiqué, les catégorisations vocales de l’époque étant assez imprécises. Nous disposons maintenant d'interprètes suffisamment variées pour coller au plus prêt des divers types vocaux, autant en profiter !
Par ailleurs, saluons certaines cantatrices récentes qui, par leur art, ont su prouver que le soprano léger pouvait être expressif, dramatique, émouvant, tout en délivrant un chant enivrant.
On peut actuellement tout particulièrement souhaiter y entendre (ou déjà apprécier) A. Massis, N. Dessay, S. Piau, E. Vidal, S. Kermes, M. Devia, D. Rancatore, D. Damrau, I. Siebert, P. Ciofi, I. Kalna, etc. Cela élargirait avantageusement le répertoire du soprano léger ou lyrique léger, qui après 1443 reines de la nuit, 134 Olympia, se demande bien quoi interpréter de "nourrissant" dramatiquement ! Sans pour autant se résigner à changer de tessiture (et finir dans des rôles quasi mezzo comme Susanna ou Despina !)
Discographie et bibliographie au prochain épisode.