Critique de la Faculté de juger par le Sieur Licida
J'écris cet article inintéressant esthétiquement pour répondre aux critiques que j'ai pu essuyer sur ce blog pour avoir eu l'audace de juger, voir de critiquer en mal des oeuvres ou des interprétations. Voilà donc les quelques grands principes que je m'attache à suivre dans mes critiques, désolé par avance pour le sérieux de la chose:
1. Je ne suis pas dogmatique.
En d'autres termes, je n'ai jamais raison car personne n'a raison. Ce n'est pas de science dont il s'agit ici, mais d'art et donc de polysémie entremélée de subjectivité. Inutile donc de se prévaloir d'une orthodoxie critique: les critiques publiées dans les grands médias et les médias spécialisés ne sont pas plus légitimes que d'autres. Je ne suis personne pour juger, mais il n'est pas besoin d'être autre chose qu'un être humain capable d'émotions et de sentiments pour le faire en la matière. Conséquemment je suis ouvert à la discussion et à la critique; tout avis contraire sera ici aussi entendu qu'un avis concordant avec le mien; de même mes avis peuvent être ici même démontés en règles et attaqués par qui les trouvent excessifs ou infondés.
2.Mon gout évolue mais j'argumente mon propos et suis poli.
Ce que je n'ai pas aimé hier, je peux l'adorer demain: l'opéra n'est pas du domaine de l'alimentaire et la discussion esthétique est justement là pour faire évoluer le goût. Si vous jugez que des goûts et des couleurs, on ne discute pas, ne me lisez pas. Que mes critiques soient élogieuses ou pas, j'argumente mon propos sur des exemples aussi précis que possibles; je reste poli sans donner dans le béni oui-oui, mes éloges délirantes pour tel artiste sont à la mesure de mon dépit profond pour tel autre. Pour qui a la politesse d'argumenter et de garder un ton courtois, je suis tout à fait diposé à corriger ses excès où m'emporte ce genre passionné et passionnant.
3. La connaissance ne légitime pas le goût esthétique.
J'ai beau avoir de plus grandes connaissances dans le répertoire du XVIIIème siècle que dans celui du XIXème siècle finissant, je ne m'interdis pas de critiquer du Wagner ou du Strauss, mon avis sera cependant moins fouillé que pour du Handel, il n'en est pas pour autant moins valable, mais simplement moins défendable. Chacun a le droit d'aimer ou de detester du moment qu'il argumente autant qu'il lui est possible. De fait l'avis d'un spécialiste n'est pas absolument plus "vrai" que celui d'un dilettante ou d'un néophyte, il est simplement plus solide.
4. Je critique des interprétations ou des oeuvres et non des êtres humains, ni des biographies, ni des réputations.
Je me fiche qu'un tel soit encensé par la presse, qu'un tel ait chanté sur les plus grandes scènes du monde, qu'un autre soit le protégé de tel grand chef... Peu m'importe qu'un tel ait une vie dissolue, que celui-ci soit insuportable avec ses collègues, que tel autre soit un fumiste, celui-là un acharné de travail... C'est le résultat sur scène que je juge: je prétends me soustraire à tous les "on dit" et ce n'est pas toujours évident (je vous renvoie au blog de Friedmund, qui cite la vision de la foule par Sénèque qui sera aussi celle de St Augustin). Dans la même perspective, je me fiche qu'un tel soit un ancien drogué, tel autre alcoolique, tel autre chaud lapin, tel autre séropositif... les moeurs et l'etat de santé n'excusent ni ne justifient en rien de l'indulgence ou de la hargne envers un travail esthétique. Je suis pourtant friand d'anecdotes et de rumeurs, mais je me garderai bien de les divulguer et de les tenirs pour autre chose que des détails "pipoles". Le plus grand honneur que l'on puisse faire à un artiste, c'est de discuter son art; le faire eu égard à sa situation morale ou physique, c'est l'humilier en refusant d'argumenter sur ce qui fait l'intérêt ou le désintéret de son oeuvre/interprétation.
5. Je n'arrive pas à la cheville des artistes que je fustige.
En critiquant je n'ai aucun intérêt ni aucun mérite esthétique et Florence Foster Jenkins aura sur ce terrain toujours plus de mérite que moi, celui d'être monté sur scène et d'avoir (essayé de) chanter.
6. Je publie mes critiques dans le but d'engager une discussion esthétique.
C'est pourquoi, je vais même jusqu'à mettre à la disposition des lecteurs de ce blog des morceaux musicaux du concert afin qu'ils puissent juger par eux-même et répondre à ma critique. Malheureusement je ne peux le faire pour tout par manque de temps et me limite aux morceaux que j'apprécie: le cas ici même du "Scherza infida" de Kozena encensé par certains et rejeté par d'autres est la preuve même que ce système fonctionne.
7. Je me base sur ce que je vois et j'entends, pas sur de la communication périphérique.
Je le répète l'avis de la presse, de l'artiste ou du directeur d'opéra m'interessent peu: quelque soit l'inintérêt que présentent les commentaires de Natalie Dessay pour son DVD "Le Miracle d'un voix", il n'en reste pas moins que ses prestations sont le plus souvent géniales à mon goût; quelque soit le simplisme des commentaires musicologiques de Gérard Mortier, voire la démagogie de sa communication, je juge sa direction de l'Opera national de Paris à partir de ses spectacles et non de ce qu'il en dit ou de ce que la presse en dit; etc.
8. Je ne suis pas parfait et il m'arrive de déroger à ces règles.
Ainsi j'accepte tout à fait que l'on me reproche, en les démontrant, mes exagérations, erreurs manifestes, sous-argumentation... mais pas mon manque d'objectivité, c'est un reproche non valide ici: encore une fois il s'agit d'art et non de science (hors musicologie bien sur).
9. On peut très bien se taire.
Vouloir traduire dans le Verbe une oeuvre et une interprétation dont la richesse est musicale, théatrale et parfois littéraire, c'est inévitablement l'appauvrir. Les sentiments et les émotions ressenties au spectacle n'étant pas forcément transposables dans l'univers plus ou moins logique du langage, je respecte tout à fait le mutisme de certains devant une oeuvre d'art: pourquoi l'apophatisme serait-il uniquement religieux? Mais dans ce cas que l'on ne vienne pas attaquer le littéreux que je suis.
10. Je ne suis pas sérieux.
La preuve: "pouët!" <8-)
Ce qui nous fait 10 Commandements! Maintenant je vais me raser, c'est fou ce que j'ai la barbe qui pousse vite!