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Il catalogo è questo

27 janvier 2008 7 27 /01 /janvier /2008 16:17

Cadmus et Hermione de Lully
Opera Comique 21 janvier 2008

Mise en scène Benjamin Lazar
Collaboration Louise Moaty
Chorégraphe Gudrun Skamletz
Scénographie Adeline Caron
Costumes Alain Blanchot
Lumières Christophe Naillet
Maquillage Mathilde Benmoussat

 

Cadmus André Morsch
Hermione Claire Lefiliâtre
Charite - Melisse Isabelle Druet
Amour - Pales Camille Poul
Arbas - Pan Arnaud Marzorati
Nourrice - Echion Jean-François Lombard

 

Solistes, danseurs et orchestre du Poème harmonique
Direction Vincent Dumestre

 

 

 

 

 

 

 

Monter une tragédie lyrique n'est jamais évident, tant ses codes peuvent sembler lointains pour nos conceptions dramatiques et théâtrales, saluons donc l'Opéra comique qui a eu cette excellente initiative partagée à Paris par le seul Théâtre des Champs-Elysées devant le desintéressement total de l'ONP. La tache est d'autant plus difficile qu'il s'agit ici de la "naissance" de l'opéra français codifié par Lully et Quinault. D'emblée je dois avouer que j'ai été un peu déçu par l'oeuvre (mais l'interprétation musicale a sans doute sa part dans mon jugement) tant pour le livret qui n'a rien d'inoubliable et se révèle plus souvent efficace que brillant, que pour la musique qui connait déjà de superbes fulgurances (l'ouverture, les danses, l'invocation à Mars...) mais qui semble encore trop timide dramatiquement (voire plate: le final). Je suis loin d'être un spécialiste de Lully ne connaissant qu'Atys, Alceste et Proserpine par ailleurs, mais pour le moment c'est de loin cette dernière oeuvre qui a ma préférence graçe à un livret superbe et à une musique captivante de la première à la dernière note. Cadmus et Hermione, bien que fondatrice, sonne tout de même balbutiante à mes oreilles comparée aux sommets atteints par la suite.

 

 

 

 

 

 

 

Il faut dire que ce soir là, le drame était plutot absent: le Poème Harmonique dirigé par Vincent Dumestre fait montre de sonorités luxueuses et d'harmonies ravissantes mais manque crânement des contrastes et de sens du drame qui font toute l'exhaustivité des interprétations du Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet. Ici l'oreille est sans cesse flattée, mais le tout manque de nerfs et se révèle incapable de susciter l'émotion. C'est le même reproche que l'on pourrait adresser aux chanteurs tous étudiants au CNSM: techniquement c'est souvent implacable mais on chercherait en vain l'engagement que ce genre tout en récitatif exige cependant: c'est plus appliqué qu'impliqué (© Clément). Personne ne se détache vraiment du lot, à l'exception d'Isabelle Druet et de Luanda Siqueira qui incarne Junon, dont la franchise vocale et dramatique dynamisait l'atonie vocale ambiante.

 

 

 

 

 

 

 

Mais le véritable intérêt de cette production me semble résider dans la mise-en-scène, ou plutôt dans le débat qu'elle soulève (ou du moins devrait soulever). Le parti pris de Benjamin Lazar depuis Le Bourgeois gentilhomme et Il Sant'Alessio est clair: pour jouir parfaitement des raffinements de cette musique et de ce théâtre, il faut en retrouver la présentation historique qui en constitue en quelque sorte l'écrin; conception à l'opposé des modernisations souvent outrancières dont on nous afflige pour mieux nous faire comprendre "l'actualité" des oeuvres, comme si le spectateur était incapable de le comprendre seul, comme si l'intérêt d'une oeuvre ne résidait que dans sa pertinence pour éclairer continument l'époque où elle est représentée et comme si les costumes d'époques nous "divertissaient" de l'oeuvre qui est elle même et restera toujours un divertissement comme toute oeuvre d'art. Ce sont de telles conceptions qui poussent souvent des metteurs en scène peu scrupuleux à torturer les récitatifs, à dénaturer les airs, et à substituer des gags à répétiton à un vrai travail de théâtre sur des oeuvres trop vites perçues comme inévitablement ennuyeuses à la scène. Le parti pris de Benjamin Lazar semble donc salutaire, il est surtout inattaquable et c'est bien là que se trouve la faiblesse de sa mise-en-scène.


Avant de détailler ma critique, je commencerai par contester le choix historicisant de la prononciation du vieux français: face à la splendeur de la superbe simplicité qu'obtiennent de leurs chanteurs Hervé Niquet ou Hugo Reyne, je ne peux que trouver cette prononciation poussiéreuse et éloignant du drame. C'est hautement subjectif, mais j'ai du mal à être ému par le désèspoère que l'on nousse présente ou impressionné par la gloère des dieuks et desse hérosse du drame... Alors on me dira qu'un opéra chanté en langue étrangère ne m'éloigne pas pour autant du drame, certes mais ici la résonnance de mots connus ainsi pronnoncés provoque le même effet comique que l'accent quebecois (plutot génant dans les parties tragiques!) et, contrairement à une langue étrangère que l'on prend tout de suite pour telle, on est ici constamment balloté entre le plaisir direct d'entendre chantée notre langue natale, et l'éloignement produit ponctuellement et de façon répétée par la pronnonciation historique de certains mots.


Ceci dit, saluons le remarquable travail de reconstitution qui illumine les décors, les costumes, les éclairages (à la bougie pour l'essentiel) mais aussi la direction d'acteur dont les gestes sont précisément réglés, tout ceci est du plus haut intérêt pour qui s'interesse à l'esthétique d'une époque, aux conditions de création, à l'Histoire de l'art... mais une reconstitution ne sera jamais une véritable mise-en-scène car elle ne fait preuve d'aucune créativité, d'aucune prise de risque, d'aucune initiative artistique. C'est au plus un extraordinaire travail de scénographie et de recherche universitaire, mais en aucun cas le travail d'une personnalité. Ici plus que dans Il Sant'Alessio d'ailleurs, où il se cachait moins derrière cet idéal de reconstruction et cherchait plus directement à symboliser une époque avec tout le goût, le savoir et la rigueur qui a manqué à Pier Luigi Pizzi par exemple, Benjamin Lazar se fait uniquement artisan d'une reconstruction et non artiste.


Alors évidemment je ne vais pas jouer la surprise, ce parti pris étant clairement affiché, mais je me permets de craindre ses prochaines productions si elles sont du même genre: et pour cause, la mise en scène étant un concept inexistant à l'époque, cela risque fort de tourner en rond et de tomber dans le déjà vu (ce qui n'est pas loin d'être déjà le cas). On me dira - oui on me dit beaucoup de choses :-) - que de grands metteurs-en-scène tombent souvent dans le déjà vu (Bob Wilson, Robert Carsen...) mais eux ont au moins eu le génie de créer leur univers, là où Benjamin Lazar n'a eu que le talent de le reconstituer. Mais surtout, ce qui me semble dangereux avec ces reconstructions, c'est qu'indirectement et sans doute involontairement, elles avalisent l'idée selon laquelle les oeuvres baroques ne sont pas représentables dans nos esthétiques contemporaines niant ainsi leur potentiel théatral pour les reléguer au rang de ce que seront par exemple les spectacles du Lido dans deux siècles: du folklore. Or le travail de metteurs en scène comme Jean-Marie Villégier, Jean-Louis Martinoty, David McVicar, Trisha Brown ou bien d'autres qui préfèrent jouer avec les codes d'une époque plutôt que de les reproduire fidèlement me semble infiniment plus fécond et passionnant que cette superbe mais creuse reconstitution qui n'est contestable que radicalement ou sur des points historiques mais jamais artistiques.

 

 

 

En conclusion, ce spectacle n'ennuie certes jamais (et c'est déjà une grande qualité) mais ne passionne jamais non plus faute de savoir susciter l'émotion. Lully et Quinault méritent tout de même mieux et j'espère que le Thésée présenté bientôt au Théatre des Champs-Elysées par Jean-Louis Martinoty saura dépasser ce genre de mise en scène certifiée historique, comme on certifie un produit issu de l'agriculture biologique.

 

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commentaires

L
"le disque O'Dette avec Crook chez CPO".<br /> <br /> Disque enregistré à Bouffémont! :o)
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D
@ Clément : si, tout de même, il reste des traces dans plusieurs tragédies, jusqu'assez tard, contrairement à ce qu'on dit parfois. Bien sûr Alceste, mais Isis également, et même éventuellement Atys, selon la façon qu'on a de le lire (Villégier forçait d'ailleurs le trait). Sinon, par rapport aux remarques de Bajazet, oui, une fois de plus l'argument de l'authenticité est un faux-nez pour vendre. Mais si on le considère comme un travail artistique avec l'authenticité pour prétexte, je trouve ça convaincant, du moins tant que ça ne se généralise pas démesurément. Mais je crois que le Regietheater a encore une avance raisonnable. Lazar a tout de même l'atout non négligeable de faire de la littéralité habitée, si j'en juge par son Alexis. Ca change de l'école Schenk, où le respect n'est que le prétexte de la paresse.
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D
J'ai donc été plus enthousiaste, même si Rousset, à la réécoute, dont je trouvais le maintien légèrement raide, est infiniment plus dansant. Concernant l'authenticité, il y aurait des romans à écrire, aussi bien sur la mise à distance par la prononciation restituée (qui a l'avantage de présenter des sonorités inédites et rendre plus intelligible le texte chanté avec toutes ses consonnes) que sur la justification de la prononciation un peu systématique et archaïsante de Green. Mais, ma foi, je marche sans la moindre peine. J'ai été un peu déçu par l'incarnation d'Arnaud Marzorati en revanche, dont toutes les intentions comiques étaient à contre-courant du sens du texte, amha. Enfin, non, Cadmus n'est pas du sous-Lully, c'est même l'une de ses fort belles réussites, mais étrangement, on entendait du Monteverdi ici ou là (à l'acte III en particulier), et ça a pu donner une autre image de cette oeuvre que celle qu'elle aurait si l'on proposait  une lecture façon "baroque français". Pour Thésée, musicalement, je suis un peu circonspect sur le choix des chanteurs, et sur la partition elle-même, du moins à la lecture. Livret faiblard de surcroît. Nous verrons bien, j'espère ardemment être détrompé !  Bajazet avait signalé le disque O'Dette avec Crook chez CPO,  qui est généralement un très bon chef.
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L
Qui a dit "Annie Cordy sort de ce coprs?"!!
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L
Pour l'exactitude de la restitution, mon ignorance quasi totale des codes de l'époque m'y a fait croire aisément comme beaucoup certainement, mais je veux bien croire aussi qu'il y ait des erreurs.<br /> <br /> Pour la prononciation du vieux françouè, faisions c' que pouvions, j'prétendons point parler com' c'tes dam' de la Cour, oui da!
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