Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Psychologie

  • : Alma Oppressa
  • : Blog sur l'opéra
  • Contact

Articles à venir

Recherche

Archives

Il catalogo è questo

5 novembre 2006 7 05 /11 /novembre /2006 23:01

Maria Balducci (1758-après 1784) 

 

On sait en revanche peu de choses sur Maria Balducci, qui semble pourtant avoir joui d’une certaine célébrité : Jérôme de la Lande notait dans son Voyage d’un Français en Italie, publié en 1790, « Actuellement la Balducci passe pour la plus belle voix, comme Marchesi pour les castrats .»
On a reparlé d’elle à l’occasion de la reprise de l’
Europa Riconosciuta de Salieri, dont elle créa le rôle-titre lors de l’inauguration de la scala de Milan en 1778, occasion pour laquelle on avait forcément fait appel à des vedettes du chant. Dans cette même saison, elle brilla dans Calliroe d’Alessandri, Cleopatra d’Anfossi, Troja distrutta
de Mortellari… 
Elle remporte encore de grands succès à Venise, Naples, St Pétersbourg.
Il n’y a plus d’informations sur elle après 1785.
Vocalement, elle semble avoir eu une aisance stupéfiante dans les aigus, et on peut supposer, vue la typologie du rôle d’Europa, qu’elle était également une tragédienne de quelque mérite. Le rôle exige des coloratures culminant (encore en notes piquées) jusqu’au contre-fa dièse. Martin Y Soler, qui lui fit partager l’affiche du San Carlo avec Marchesi et le ténor Ansani dans
Ipermestra  et Ifigenia in Aulide
, lui écrivit de diaboliques échelles en staccate à la tièrce jusqu’au contre-sol (sol5) dans l’air “Son fra l’onde”. 

 

 

Josepha Hofer, née Weber (1758-1819)  

 

 

Grande soeur de la plus fameuse Aloysia (Cf paragraphe suivant), on sait peu de choses d’elle, et elle ne compte certes pas parmi les interprètes de grand renom de son époque. De 1789 à 1805, elle chanta quasiment exclusivement à Vienne. Elle doit de rester à la postérité grâce au rôle de la reine de la nuit qu’elle créa, alors qu’elle était dans la troupe de Schikaneder.
Elle représente la vocalité typique de beaucoup de chanteuses de l’époque, avec ses aigus en notes piquées jusqu’au contre-fa (fa5). Il y en a cinq dans ses deux airs !


Aloysia Lange née Weber (1760-1839) 

 

Dans la famille Weber, quatre filles : le seconde et plus jolie, Aloysia fut aimée de Mozart. Dès 1777-1778, il la fit travailler, et lui dédia de nombreux airs de concert, et fut véritablement son Pygmalion. En 1779, elle entre dans la troupe de l’opéra allemand à Vienne, et désespère Mozart en épousant Joseph Lange en 1780. Il se rabat sur sa sœur Constance, mais continue à écrire des airs de concert à Aloysia, ainsi que Mlle Herz dans Der Schauspieldirektor. Elle est aussi, étonnamment, Donna Anna à la reprise viennoise de Don Giovanni. Elle avait en effet rejoint la troupe de l’opéra italien en 1782.
Elle interprète aussi Sesto de La Clemenza di Tito en concert en 1795, puis se lance dans une série de concerts en Allemagne avec sa sœur Constance, avant son retrait en 1808.
Les airs que Mozart lui composa sont bien représentatifs de l’époque, avec des dimensions volontiers concertantes, de longues mesures de colorature rapide, et des suraigus généreux, jusqu’au fameux contre-sol (sol5) de l’air par ailleurs dramatique “Popoli di Tessaglia”.

 

 

Elizabeth Billington née Weichsel (1765 (68?)-1818)
 

 

Elizabeth naît à Londres d’une mère chanteuse et d’un père hautboïste. Ainsi placée très tôt dans l’univers musical, elle épouse même en secret son professeur de chant Thomas Billington à l’âge de quinze ans. Ses débuts se font à Dublin dans une adaptation de l’Orfeo, mais c’est dans le rôle de Rosetta du très aimé Love in a village assemblé par Arne qu’elle remporte un succès foudroyant à Londres en 1786, ce qui  lui octroie d’emblée le statut de star. Ses prestations suivantes la feront plus apprécier encore de ses compatriotes, incarnant Clara dans The Duenna de Shield, Rosina du même, ou Polly dans le fameux Beggar’s opera. Suite à ces reprises brillantes d’oeuvres chères aux Anglais, elle poursuit dans le répertoire national et crée de nouvelles oeuvres de Shield, et d’autres musiciens anglais.
Parallèlement, elle parachève son éducation musicale avec les musiciens installés à Londres, Mortellari et Sacchini.
Burney dit alors d’elle “nothing but envy or apathy can hear her without delight”, et loue son intonation précise, la brillance et le goût de son ornement, et sa tessiture fort aiguë – elle avait même tendance à octavier vers l’aigu les passages incommodant de ses rôles, car son grave était nettement plus faible. Déchéance de l’art belcantiste, elle faisait cependant partie de ces cantatrices incapables d’improviser les ornements, préparés à l’avance.
Auréolée de sa gloire nationale, La Billington se lance dans une tournée italienne triomphale, avec époux et frère, et crée des oeuvres de Paër, Bianchi, Paisiello, Nasolini...Citons par exemple Gli Sciti de Nicolini à la Scala avec Braham en 1799 (son grand rival à la scène, tout comme la Mara à Londres), ou précédemment le pasticcio Ines de Castro avec le ténor Mombelli et le castrat Domenico Bruni marquant ses début napolitains en 1796. Elle chante aussi devant Napoléon et ses troupes à Bologne.
De retour à Londres, elle partage ses activités entre Covent Garden et Drury Lane, et se présente dans le rôle de Mandane dans le fameux Artaxerxes de Arne. Elle ne néglige pas non plus le King’s theatre, où l’on donne l’opéra italien, et y reprend La Clemenza di Scipione de J.C. Bach, puis en 1806 chante Vitellia dans La Clemenza di Tito de Mozart – avec pour partenaire le ténor Braham en Sesto !Haydn, par ailleurs l’admirait énormément, et lui aurait fait un compliment rare, face au portrait de la chanteuse représentée sous les traits de Sainte Cécile :
au peintre : “Mais vous avez fait une grave erreur 
- Comment cela ? pourquoi ? 

- Vous avez représenté Mlle Billington écoutant les anges ; vous auriez dû représenter les anges en train d’écouter Mlle Billington.” 
M. Kelly, dans ses facétieux écrits, est plus moqueur vis-à-vis de cette chanteuse par ailleurs très douce et très aimée, et raconte par le menu les rivalités de la billington, notamment lors de sa confrontation d’une saison avec le fameux contralto Giuseppina Grassini. Cette confrontation fut à son sommet lorsque les deux prime donnne se retrouvèrent distribuées ensemble dans
Il Ratto di Proserpina de Winter ! On dit que le style pathétique de la séduisante Grassini lui valut une courte victoire. 
Moins amusant, il décrit la terreur de la Billington face à la violence de son second époux, le premier étant décédé lors de sa tournée italienne.
Malheusement, après son retrait des scènes, elle décida malgré tout de le rejoindre en Italie, à Venise, avec toutes les richesses accumulées lors de sa carrière incroyable. Il semble qu’elle mourut des mauvais traitements qu’il lui infligea, en 1818. 

 

 

Antonia Campi née Miklasiewicz (1773-1822) 

 

Cantatrice polonaise, elle chante à Varsovie en 1789, puis Pragues. Elle y épouse le buffo Campi, et interprète des rôles mozartiens : la contesse, le reine de la nuit, ainsi que des œuvres de Paisiello, Salieri, avant d’être invitée en Italie. Elle chante en 1802, pour l’ouverture d’un théâtre viennois, l’Alexander de Teyber sur un texte de Schikaneder, et continue à se produire avec succès à Venise, Prague, Berlin, donnant même une tournée triomphale dans toute l’Allemagne de 1818 à 1819. Cela ne l’empêche pas de monter sur scène, notamment en Amenaide de Rossini. Elle est l’étoile du Hofoper de Vienne de 1818 à 1822, et la première cantatrice nommée « chanteuse impériale » par l’empereur d’Autriche. Elle meurt en 1822, laissant pas moins de dix-sept enfants !
On loua sa technique irréprochable, son contrôle total de sa voix, son staccato perlé… et son contre-sol ! Elle fut certainement une des interprètes à faire perdurer une technique hérité du dernier 18ème au siècle suivant.
Le fait qu’elle ait interprété Amenaide nous permet aussi de souligner combien ce rôle est proche, dans son écriture vocale, du bel canto du 18ème, avec par exemple les figures en notes piquées dans la cabalette de l’air “giusto ciel che umile adoro”, ou encore dans “Temer un danno” d’Adelaide di Borgogna. Ces deux rôles furent d’ailleurs créés par Elisabetta Manfredini, qui, à l’image de la Camporesi créatrice de Bianca dans Bianca e Falliero, était une chanteuse « à l’ancienne ». 

 

 

Teresa Bertinotti-Radicati (1776-1854) 

 

Comme la Campi , Teresa Bertinotti mène sa carrière essentiellement dans le début du 19ème, avec un style et une technique largement hérités de l’art vocal du 18ème. Venue à Naples d§s l’âge de deux ans, elle y étudie d’abord avec une certaine Barbiera, puis débute au teatro fiorentino en 1788, puis dans d’autres théâtre. Elle y interprète Tritto, Guglielmi, Frederici (Virginia). Passant à la scala pour la saison 1794-1795, elle crée Le Danaidi de Tarchi, ainsi que la Rossana de Paër. En 1801, à Venise, elle épouse le violoniste Radicati, qui sera premier violon de l’orchestre local à Bologne, où le couple incarnera un passage obligé pour tout aspirant au cercle musical local, ce dont s’acquitte Paganini. La Bertinotti est alors reconnue comme prima donna dans toute l’Italie : Florence, Turin, Naples, Venise, tant pour son chant que pour sa beauté. Pour l’inauguration du teatro nuovo de Trieste, elle participe à la création de Ginevra di Scozia de Mayr, avec les célèbrissimes Luigi Marchesi et Giacomo David. Elle est aussi l’interprète d’Annibale in Capua de Salieri. Sa réputation s’étend jusqu’à Vienne où elle est très populaire, ainsi qu’à Münich, et en Hollande, où elle reçoit une invitation royale. Son passage londonien, en 1810-1812, est remarqué, et se distingue par son souci de faire produire des opéras de Mozart, tel Cosi fan tutte, où elle incarne Fiordiligi. Son époux lui écrit et fait représenter Castore e Polluce à Bologne en 1815. Néanmoins, peu après la mort accidentelle de celui-ci en 1823, elle se retire de la scène et se consacre à l’enseignement.
La chant de la Bertinotti tel qu’interprété par Vidal dans Ginevra di Scozia de Mayr, est très virtuose, et réclame un suraigu d’une facilité déconcertante – les contre-sols sont ensuite des interpolations de Mlle Vidal. Cependant il faut un contre-mi aisé, ce qui donne une idée des moyens de la jeune Bertinotti.
Ce style très décoratif et peut-être un peu creux n’était pas du goût de tous, sans doute ; une anecdote amusante le rapporte : l’occupation française à Rome mit fin à environ deux siècle d’interdiction papale pour les femmes de se produire sur scène. En 1798, enfin, des femmes purent poser le pied sur les planches de théâtre Alibert, parmi lesquelles notre Teresa Bertinotti. Le public “traditionnaliste” n’apprécia guère sa prestation, et le fit bruyamment entendre (était-ce une partie du public habitué à l’art belcantiste plus fin des castrats ?) au point de faire interrompre la représentation. Bertinotti en rage répondit aux contestataires par un geste peu amène : je vous laisse la saveur du commentaire italien d’origine (trouvé sur romacityblog) : “La cantante non si perse d'animo e rispose facendo il gesto delle corna a chi la contestava”. 

 

 

Angelica Catalani (1780-1849)

 

Evoquons enfin celle qui, plus légendaire que Campi, évoque véritablement le dernier avatar de la grande diva 18ème en ce début du siècle, prêt à s’abîmer dans le romantisme.
Ce n’est pas d'une grande tragédienne qu’il s’agit ici, mais d’un phénomène, qui se produisit surtout au concert, baladant ses airs brillants à travers l’Europe ébahie.
Elle débuta à dix-sept ans à la Fenice dans Lodoiska de Mayr en 1797, et séduit suffisamment pour être engagée les années suivantes, interprétant Zingarelli, Nasolini…Dès 1801, elle est prima donna, à la Scala , puis Florence, Rome.
Elle se rend à Lisbonne, Madrid, Paris, où Paris voudrait bien la retenir… mais ce sera pour plus tard : elle doit se produire à Londres, notamment dans un de ses succès les plus brillants, l a Semiramide du compositeur Portogallo. Elle donne aussi la Vitellia et la Susanna de Mozart. Acclamée, elle reste jusqu’en 1813, donnant même des versions ornées des populaires Rule Britannia, ou God save the King. Le retour de Louis XVIII au pouvoir marque son retour en France : il lui confie la direction du théâtre italien (salle Favart), toujours à prix d’or, qu’elle ne tarde pas à faire couler par sa gestion désastreuse.
Elle est alors contrainte de partir, et parcourt l’Europe de L’Italie à la Russie , avec le compositeur Pucitta, donnant des concerts où elle étale sa virtuosité sans égale et son timbre sublime. Elle finit néanmoins par se retirer, la voix altérée et devant l’affirmation de nouveaux styles : on lui préfère les interprètes de Weber, à Berlin en 1827.
En 1841, une fausse information annonçant sa mort permet à la Revue et Gazette musicale de Paris de publier une notice nécrologique : on y lit notamment « …Et pourtant la voix de la Catalani n’avait pas la puissance qui touche et attendrit, mais elle avait au suprême dégré celle qui éblouit et qui étonne. Pour l’élévation, pour l’agilité, cette voix ne connaissait pas de rivale ; elle montait jusqu’au contre-sol et lançait les gammes chromatiques (…) avec une facilité, une précision dont on ne se fait pas l’idée… »
En fait, la Catalani vint mourir du choléra à Paris huit ans plus tard, touchée par l’épidémie italienne.
En outre, Giacomo G. Ferrarri, observateur musical, compositeur, arrangeur et accompagnateur qui eut l’occasion de collaborer avec la Catalani à Londres, laisse dans ses Annedoti un témoignage énamouré de l’art de cette cantatrice, la comparait aux gloires nouvelles et anciennes (le texte, en italien, est reporté en annexe).
Les qualités et critiques qui la touchent sont celles que formulent déjà Métastase à propos du chant de Mazzanti, celles qui furent formulées à l’encontre d’Agujari, de Mara
On pourrait les reproduire (avec d’infinies nuances - je tente de prendre de vaines précautions !) pour un certain nombre d’interprètes connues de nous : Melba, Patti, Galli-Curci, plus près de nous Sutherland, Devia, Vidal… 


Remarques sur l’interprétation/la perception de ces rôles et types vocaux :

On a beaucoup glosé sur la reine de la nuit, et son écriture acrobatique et suraiguë, seul exemple resté au répertoire d'une vocalité de ce genre. On peut savoir à présent que ce rôle n’a finalement pas une écriture vocale exceptionnelle pour l'époque, et que de nombreuses partitions pour soprano suraiguë le dépasse en difficulté, et surtout en intérêt dramatique. 

Notre regard est déformé par le 19ème, et le 20ème siècle, avec leurs écoles de chant très différentes de celles du 18ème. Le chant virtuose est tombé dans l’escarcelle du soprano suraigu (même les contraltos rossiniens), qui a monopolisé tout l’art belcantiste (surtout romantique) subsistant au répertoire, avec un timbre à l’ingénuité et la légèreté cultivée jusqu’à la niaiserie.

Le baroque, pendant sa longue renaissance et avec les maigres moyens de ses débuts, a bien souvent dû se contenter de petites virtuoses à voix légères et centrées sur l’aigu dans des œuvres où, comme on a pu le voir dans le début de cette présentation, elles n’avaient rien à faire : chez Haendel, Vivaldi, etc…On subit encore, de nos jour, l’insipide Simone Kermes dans les prime donne de ces compositeurs, alors qu’elle pourrait être bien plus convaincante dans les vocalités du second 18ème, armée de son contre-sol.

Il faudra bien prendre conscience un jour que, de la même manière que Rossini en 1820 n’utilise pas le même type de voix que Verdi dans Otello, il ne faut pas les mêmes chanteuses pour Haendel en 1720, et le Cimarosa serio de 1780.

Heureusement, nous savons depuis Callas, puis Sutherland, Horne, etc. que la virtuosité n’est plus l’unique apanage de soprano léger, et que si la partition indique soprano, un mezzo-soprano est bien souvent plus indiqué, les catégorisations vocales de l’époque étant assez imprécises. Nous disposons maintenant d'interprètes suffisamment variées pour coller au plus prêt des divers types vocaux, autant en profiter !

Par ailleurs, saluons certaines cantatrices récentes qui, par leur art, ont su prouver que le soprano léger pouvait être expressif, dramatique, émouvant, tout en délivrant un chant enivrant.

On peut actuellement tout particulièrement souhaiter y entendre (ou déjà apprécier) A. Massis, N. Dessay, S. Piau, E. Vidal, S. Kermes, M. Devia, D. Rancatore, D. Damrau, I. Siebert, P. Ciofi, I. Kalna, etc. Cela élargirait avantageusement le répertoire du soprano léger ou lyrique léger, qui après 1443 reines de la nuit, 134 Olympia, se demande bien quoi interpréter de "nourrissant" dramatiquement ! Sans pour autant se résigner à changer de tessiture (et finir dans des rôles quasi mezzo comme Susanna ou Despina !)

Discographie et bibliographie au prochain épisode.

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2006 7 05 /11 /novembre /2006 21:44

Merci Clément!

The soprano aigu is back:

Le soprano aigu au XVIIIe siècle

 Aux origines – la théorie belcantiste  :

 

À la naissance de l’opéra, toutes les voix, basses, ténors, soprani ou contralti, sont limitées dans l’aigu. Jusqu’à la fin du 17ème, les soprani (femmes ou castrats) n’atteignent le la4 voire le si4 pour que de façon exceptionnelle, à l’exemple du prologue de Il Pomo d’oro de Cesti en 1668, contenant un si bémol 4, ou le protagoniste du Sant’Alessio de Landi, qui doit même donner le contre-ut (do5). L’art vocal belcantiste privilégie alors nettement l’homogénéité des registres, un chant pathétique et élégiaque – nombreux lamenti – ce qui implique des aigus émis en fausset, jamais forcés, doucement intégrés au reste de la tessiture, tout comme les graves. En 1474, Conrad Von Zabern décrivait déjà dans son traité De modo bene cantandi les qualité d’une voix ayant « une sonorité ample et puissante dans les graves, réservée dans le medium, et de plus en plus douce dans les aigus ». La virtuosité est exécutée avec précision et délicatesse. Plus tard, et dans une période pourtant caractérisée par une chasse à l’aigu, Johann Adam Hiller, cantor à Leipzig rappelle ces préceptes idéaux (Anweisugen zum musikalisch-zierlichen Gesange, 1780) et qu’il ne faut autoriser les aigus à une jeune chanteuse que lorsque « les notes basses sont pleines et rondes, le chant se faisant plus doux en montant dans les aigus, pour éviter de forcer la voix… Gagner un degré dans les basses vaut mieux que d’en gagner deux dans les aigus qui sonnent comme le sifflet d’un oiseau ». 

 

Les aigus sont donc au départ limités, et le plus souvent effleurés dans un cadence ornementale.

 

 

La conquête de l’aigu  :

 

Au tournant des 17ème et 18ème siècles, cependant, de grands compositeurs, annonçant l’opera seria à venir, contribuent à hausser l’ensemble des tessitures vers l’aigu, à l’exemple d’Alessandro Scarlatti, ou Agostino Steffani. Ces compositeurs influencèrent notablement Haendel. Avec eux, le soprano se mit à donner plus fréquemment la4 voire si4, tandis que la virtuosité s’intensifiait. 

 

Néanmoins, Haendel, dans son motet « Saeviat tellus inter rigores », écrit pour un castrat d’église romain, exige des contre-ré (ré5). Pour le soprano dramatique Pilotti-Schiavonetti, spécialisée dans les sorcières amoureuses, il note un contre-ut (do5), dans Armida de Rinaldo, en 1711. 

 

En effet, la génération suivante, avec Lotti, Haendel, Vivaldi, Porpora, Vinci, etc. constitue un sommet de l’art belcantiste ; dès les années 1720, la tendance à étendre les voix vers l’aigu s’est généralisée, et un nouveau type de chant, porté notamment par l’école de Porpora et ses élèves illustres, fait son apparition : plus en force, plus virtuose, appuyé sur une émission de poitrine jusque dans l’aigu pour des effets de bravoure plus percutants, avec des vocalises à pleine voix. Farinelli est l’exemple-type de cette tendance, avec de grands sauts mettant en valeur les différentes couleurs et la puissance de son immense registre vocal, du do2 au do5, et d’interminables coloratures... Les sopranes sont invitées à suivre cette tendance, bien entendu, et de vraie voix féminines aiguës font leur apparition : Francesca Cuzzoni, au trille inimitable, à la voix d’or, possède encore un style centré sur l’élégiaque, l’ornementation délicate, mais est capable d’assumer une tessiture de vraie soprano lyrique, les appuis sur le la4 étant même typiques de son style, ce qu’on peut noter dans les airs que lui écrivirent Haendel, Bononcini… 

 

Sa grande rivale Faustina Bordoni présente une tessiture « à l’ancienne », limitée dans l’aigu et finalement assimilable à nos mezzo-sopranos actuels, comme la plupart des rôles de soprano du 17ème.

 

Suite à la Cuzzoni , d’autres cantatrices présentent un aigu plus aisé, et l’écriture vocale les porte toujours à plus de vaillance dans l’aigu, avec les compositions d’un Hasse par exemple, qui étend encore les tessitures. Le rôle de Cleopatra écrit par C.H. Graun pour la fameuse Astrua en 1742 demande une vraie soprane à l’aise dans l’aigu, tout comme, plus tard, l’Eupaforice de son Montezuma destinée à la célèbre Aschieri. Mais les suraigus ne sont pas encore écrits… 

 

Difficile, étant donné la grande rareté de témoignages discographiques d’œuvres des années 1740-1760, de donner une idée plus précise de l’évolution vers le suraigu, mais il y a à cette époque un nouveau basculement du style, audible entre les premières œuvres de Hasse et les dernières. Par exemple Cleofide de 1731 écrit pour le soprano grave Bordoni, Il Ruggiero riche en colorature et aigus en 1771, tant pour les soprani Girelli et Falchini que pour le castrat Solzi.

 

 

Des voix légères et véloces : toujours plus haut  !

 

L’élévation des tessitures et l’infléchissement du style vers la bravoure et la vocalise, et une maîtrise absolue du souffle, n’ont pas laissé le public indifférent. Une surenchère dans ces figures impressionnantes finit par s’installer, ce que beaucoup d’amateurs comme de théoriciens verront comme un dévoiement des principes du bel canto, du goût et de l’opera seria. De fait, la seconde moitié du 18ème n’est pas traitée en profondeur dans L’Histoire du bel canto de Rodolfo Celletti, que nous citons ici : « En définitive, la seconde moitié du XVIIIe siècle, quoiqu’appartenant de plein droit au belcantisme, en atténue l’un des traits caractétistique, à savoir l’ardeur expressive, la sensibilité, en le compensant par une technicité exaspérée .» 

 

En effet, la recherche d’une exécution toujours plus rapide des traits virtuoses d’une grande longueur et difficulté exige le retour à une émission plus légère, moins appuyée. L’extension vers l’aigu se fait aussi avec un retour au registre du falsetto. Les voix-stars sont indéniablement devenues les ténors (baryténors), les sopranos femme, et les castrats soprano (voir le fil sur le ténor serio). Caffarelli, puis Luigi Marchesi, castrats virtuoses et capricieux de très haut vol, étalent leur tessiture qui va allègrement jusqu’au contre-ut pour l’un (Sesto dans La Clemenza di Tito de Gluck), jusqu’au contre-ré pour l’autre (chez Martin Y Soler, ou G. S. Mayr). D’autres castrats comme Gizziello (pour qui Haendel écrit plusieurs contre-uts, notamment dans Arminio), puis Guarducci, Pacchierotti, Crescentini, sont plus connus pour leur finesse d’exécution, leur goût et leur art du cantabile, tout en imposant des tessitures larges et étendues dans l’aigu. 

 

Une anecdote, douteuse, reflète en tout cas parfaitement les tendances de l’époque et ses fantasmes : on raconte qu’en 1765, le jeune castrat soprano Luca Fabbris (créateur de Merione dans Il Telemaco de Gluck la même année), faisant l’effort d’atteindre une note extrêmement aiguë et absolument exceptionnelle, s’abattit sur scène et mourut, à la grande consternation du compositeur Guglielmi qui l’avait encouragé à tenter l’exploit.

 

Citons aussi Metastase, écrivant de Vienne à son « Caro gemello », après une représentation du Re Pastore de Gluck en 1756 : « le premier soprano est monsieur Mazzanti, grand joueur de violon en fausset ; il ne manquera pas d’admirateurs, car nous avons des palais pour toutes les sauces. Moi, quand j’entends chanter, je ne me satisfais pas de n’être qu’ébahi, je veux que mon cœur prenne sa part au bénéfice des oreilles. Mais c’est là une science qui n’est accordé qu’à un petit nombre ; et la nature ne fait pas fréquemment l’effort de produire des Farinelli ».

 

Le même Metastase soulignait encore dans une lettre à Mattei de 1770 que les chanteurs « au lieu de s’employer à rendre leurs voix fermes, robustes et sonores, s’appliquent à les faire devenir légères et flexibles. Cette nouvelle méthode a permis d’atteindre à cette prodigieuse vélocité de gorge qui surprend, et exige de bruyants applaudissements des spectateurs. Mais une voix amoindrie, et par conséquent affaiblie dans les arpèges, dans les trilles et dans les volate, peut bien causer le plaisir qui naît de l’étonnement, et doit être précédé d’un syllogisme ; mais jamais cet autre qui est immédiatement produit par la vigoureuse impression physique d’une voix claire, ferme et robuste, qui ébranle avec une force égale à la jouissance les organes de notre ouïe et en pousse les effets jusqu’à les faire pénétrer dans l’âme .» 

 

Remarquons au passage que l’on a trop souvent le tort de faire de Métastase le chantre d’un opera seria sur-orné, vide de sens et de sentiments, face à un « pur » opéra réformé alla Gluck et Calzabigi.

 

Les Français, prompts à condamner l’art vocal italien, ne manquaient pas de souligner l’extrême légèreté, souvent un peu creuse, des chanteuses italiennes, surtout comparées aux grandes tragédiennes françaises, d’une tout autre densité vocale et dramatique, mais à la technique parfois bien défaillante ! 

 

Sur ces constats, avouons tout de même que de bien belles œuvres ont pu naître à cette époque, passionnante à plus d’un titre. De très grandes cantatrices ont su se faire une place dans le panthéon des rossignols suraigus, certaines louées pour leur art complet de virtuose époustouflante et de tragédienne, d’autres stupéfiantes par leur technique mais moins convaincantes en scène.

 

Une discographie nous permettra de voir si nos interprètes actuelles, dans ces parties très exigeantes, sont capables d’ébranler « avec une force égale à la jouissance les organes de notre ouïe .» 

 

 

Grandes prime donne aiguës du 18ème :


 

Caterina Gabrielli (1730-1796)


 

Cette immense cantatrice est une des plus connues de son siècle, et sans doute la plus fêtée de son époque. On peut aisément trouver des descriptifs très détaillés de sa carrière, et surtout les nombreuses anecdotes qui émaillèrent sa vie, dues à son esprit libre et son caractère fantasque, qui choqua ses contemporains. Elle fut exclue de plusieurs villes italiennes pour « mauvaise conduite » !
O
n suppose qu’elle débuta vers 1754, probablement dans un second rôle de l’Antigona de Galuppi à Venise. Prenant conseil auprès de Porpora, un des plus prestigieux maître de chant, elle poursuit une carrière vite brillante qui l’amène à Vienne où elle chante des œuvres de Gluck (L’Innocenza Giustificata, L a Danza , Il Re Pastore, Tetide) entre 1755 et 1760. Metastase, dès 1755, la décrit comme « l’astro novello del cielo musicale ». Elle parcourt toute l’Italie : Lucques, Turin, Milan, Naples, Rome, Venise, Palerme… En interprétant les meilleurs compositions de l’époque, signées Sacchini, Hasse, J.C. Bach, Piccinni, Jommelli, et ses compositeurs de prédilection : Traetta, et Myslivecek. Elle fera un passage remarqué à St Petersbourg, où elle défie Catherine II par ses prétentions financières immenses et son effronterie. Elle enchante aussi dans les rôles que Traetta lui écrit là-bas : Antigona, Lucio Vero, Amore e Psiche… 
M
ozart l’entend en fin de carrière, en 1778, et en tire des commentaires perfides. Mais il avait en tête une autre soprane, du nom d’Aloysia…
Elle finit ses jours à Rome, dans l’opulence, après son retrait des scène en 1782.
Sa voix était d’une virtuosité sans faille, stupéfiante, avec des capacités d’improvistion à la hauteur des grands chanteurs de l’époque. Les parties écrites pour elles ne présentent pas, pour ce que j’en connais, beaucoup de suraigus, mais il exige un aigu facile et souple, et l’on peut supposer que c’est dans l’ornementation qu’elle faisait valoir ce registre : Lalande, dans son Voyage en Italie, lui prête une étendue du si bémol 3 au la5 (contre-la) !

 

Anna De Amicis (1733-1816)

 

Son nom est connu des amateurs mozartiens pour avoir été la première interprète de Giunia dans Lucio Silla. C’est sans doute pour cette raison qu’il est également aisé de trouver des informations précise sur cette chanteuse, très fêtée en son temps. 
Elle débuta assez tôt en troupe avec ses parents, chantant dans des opéras bouffes à Paris, Amsterdam, Bruxelles, en Italie, en Irlande. Le tournant de sa carrière viendra avec la création des opéras Orione et Zanaide de JC Bach. Elle restera fidèle au genre seria. 
Elle aussi interprète Myslivecek, Anfossi, Galuppi… Lorsque, à l’occasion du mariage de l’archiduc Leopold, elle crée Romolo ed Ersilia de Hasse sur un livret de Metastase, ce dernier la couvre de fleurs.
La De Amicis partage surtout sa carrière entre Milan, Naples et Venise. Une complicité particulière la lie au compositeur Jommelli, qui lui écrit de nombreux rôles, et c’est d’ailleurs dans Armida Abbandonata de celui-ci que Mozart découvre sa future Giunia.
Léopold et Wolfgang, à l’occasion de cette collaboration, se pâment : « Dans son grand air, Wolfgang lui a donné des passages très nouveaux et d’une difficulté insensée ; elle chante merveilleusement et nous sommes aussi amis que possible avec elle », puis « La De Amicis est notre meilleure amie ; elle chante et joue comme un ange .» L’air en question est “Ah se il crudel periglio” ; le succès est considérable.
En fin de carrière, à Bologne, elle participe à la première en Italie de l’Alceste de Gluck, ce qui implique certainement des libertés avec la partitions…Elle se retire l’année suivante.
Son art fut unanimement admiré, et les rôles qui restent témoignent de ses capacités techniques et de ses spécificités : Burney, un des témoins les plus renommés et sévères de la vie musicale de l’époque, affirme qu’elle fut la première à introduire dans son chant les staccate colorature (échelles de notes piquées). Effectivement, on retrouve ces figures dans l’Armida abbandonata de Jommelli (“Odio, furor, dispetto”), reprises par Mozart (“Parto, m’affretto” dans Lucio Silla).
Ces figures en notes piquées seront la marque de fabrique des sopranes aiguës de l’époque, et permettent d’atteindre des notes très aiguës sans avoir à les tenir ou les pousser en force, ce qui respecte l’esthétique belcantiste.
Mozart, par exemple, reproduit ses éléments virtuoses dans des airs de concerts (il fit travailler “Parto, m’affretto” à sa chère élève Aloysia Weber), ou pour la Bernasconi dans Mitridate (“Nel grave tormento”).


Lucrezia Agujari (1743-1783)

 

Ses origines illégitimes lui durent l’encombrant surnom de « la bastardella ». Elle débute en 1762 à Florence, puis se produit dans plusieurs autres villes italiennes. Pour le prestigieux mariage du roi Ferdinando IV à Naples, elle chante dans Peleo e Tetide de Paisiello, triomphant d’airs effroyablement difficiles. Elle participe aux Feste d’Apollo de Gluck, ou le castrat Millico interprète l’Orfeo, couplé avec Bauci e Filemone et Aristeo. Elle rencontre le compositeur Colla, artiste mineur, avec qui elle entretient une relation amoureuse, et qui sera dorénavant son compositeur attitré. Très active dans les années 1770, elle vient stupéfier le public parisien au concert spirituel en 1774, et se produit pour des fortunes au Pantheon Concerts de Londres. On en parle beaucoup à cause de la forte impression qu’elle fit sur Mozart, qui l’entendit en concert le 24 mars 1770, à Parme, et nota l’étendue extraordinaire de sa voix, du sol2 au do6 (contre-contre-ut) : il note « C’est la fameuse Bastardella qui possède premièrement une belle voix, deuxièmement un gosier galant, troisièmement une élévation de voix incroyable » et de retranscrire une cadence de plus de vingt mesures qu’elle chanta en sa présence, avec trilles en échelle du contre-ut au contre-fa, et vocalises enchaînées du do3 au do6.
Léopold trouva ces passages « aussi beaux qu’un son d’orgue.»
Néanmoins, la perfide française Sarah Goudar notait sévèrement « l’Agujari est le rossignol de la scène, mais n’est qu’un rossignol. Son chant exprime peu dans sa brillante exécution. Elle frappe d’abord par des accents étrangers à la nature, qui ramènent trop souvent des sons aigus. On l’appelle la Bastardina (sic), nom qui lui convient, car il n’y a rien de légitime dans sa musique ; tous ses airs sont bâtards !» Burney, pour autant, confirme les qualités vocales de la chanteuse, mais aussi son manque d’expressivité, plus virtuose que musicienne.
Elle meurt à seulement quarante ans, de la tuberculose.


Gertrude Elisabeth Mara née Schmeling (1749-1833)

Fille d’un violiniste, elle souffre d’être exposée très jeune comme prodige de cet instrument, et en garda une santé vacillante. Etudiant finalement le chant, elle parfait son éducation en Angleterre et Allemagne. Là, elle récolte ses premiers succès, ainsi que des vers admiratifs de Goethe. Elle s’impose dans les ouvrages de Hasse et Graun à l’opéra royal de Berlin, sous la férule implacable de Frédéric II, où elle épouse le violoncelliste Mara. Il lui fallut maints caprices et ruses pour d’une part, obtenir la permission de ce mariage, d’autre part pouvoir enfin quitter Berlin et briller dans d’autres ville allemandes et autrichiennes. Mozart l’entend sans enthousiasme en 1780, à Münich. 
Nous gardons de nombreux témoignages de son passage en concert aux fameux concerts spirituels de Paris, avec notamment une description précise dans « Le Mercure » de 1782 : « Mme Mara est en effet étonnante par l’étendue de sa voix qui a presque trois octaves et par sa souplesse et sa hauteur ; elle s’élève à l’octave de sol et s’élance avec justesse des sons les plus graves aux sons les plus aigus .» Si sa virtuosité ne fait aucun doute, la qualité d’émotion de son cantabile laisse les auditeurs plus partagés.
Puis, se rendant à Londre, Mara se produit aux Pantheon Concerts, avec rien moins que le castrat Pacchierotti, puis sur scène a King’s Theatre. Elle participe aussi au festival Haendel de Westminster, interprétant la Cleopatra de Giulio Cesare. Son style dans Haendel, compositeur quasi officiel et fort respecté, est généralement loué – que dirait-on aujourd’hui ? Rejoignant la troupe italienne, elle ne néglige pas pour autant les ballads opera de Storace, renforçant sa popularité : elle y reprit même The Beggars’ opera, alors meilleur moyen de se faire aimer du public de Londres toujours féru de cette pièce. Elle y soutient la comparaison avec l’immensément populaire Billington, ou Mlle Crouch, de même que dans le rôle de Mandane d’Artaxerxes.
Ses activités centrées à Londres ne l’ont pas empêchée de se produire sur le continent, où elle s’établira après avoir laissé Brigida Banti conquérir le théâtre italien en 1791. Elle finit bien mal sa vie en Estonie, en 1833, non sans une triste tentative de retour au King’s Theatre en 1820, alors qu’elle était réduite à donner des leçons de musique pour vivre. Goethe avait tout de même eu le temps d’honorer son art une fois de plus, dans le poème « Sangreich war dein Ehrenweg  ».


Francisca Danzi-Lebrun (1756-1791)

 

Cette artiste née à Mannheim sous le nom de Danzi est une des cantatrices saillantes de son époque, mais aussi compositrice de sonates. Elle étudia le chant avec les artistes locaux, non des moindres, et notamment Dorothea Wendling. En outre l’abbé Vogler lui enseigne la composition. À seize ans, elle débute dans La Contadina in corte de Sacchini à Schwetzingen, puis à Mannheim. Elle y créera le Günther von Schwarzburg d’Holzbauer en 1777. Sa carrière passe aussi par Londres, centre musical incontournable à la fin du XVIIIème : c’est là qu’elle rencontre et épouse en 1775 le hautboïste virtuose Ludwig August Lebrun, également compositeur. Tous deux se produisent souvent en concert, mêlant avec art voix et instrument. En 1777 elle chante avec le ténor Adamberger au King’s Theatre, et en 1780 participe à un concert de gala au bénéfice du célèbrissime castrat Pacchierotti, avec qui elle interprète des extraits de L'Olimpiade mis en musique par divers compositeurs, soirée décrite dans le détail par Susan Burney. Elle prend part, avec la Balducci , à l’ouverture triomphale de la Scala dans l'Europa Riconosciuta de Salieri en 1778, où elle interprète la reine Semele, et participe aux autres productions de la saison toujours avec Balducci et/ou le castrat Rubinelli. De là commencent ses succès italiens, sans oublier Münich, Londres... 
En 1789, elle est invitée par Reichardt à Berlin, mais son époux décède de façon inattendue, ce qui sera un coup dont elle ne pourra se remettre, malgré le soutien de son public de toujours à Mannheim, où Carl Theodor lui assure de quoi subsister. Elle suit son mari dans la mort en 1791.
Les rôles de soprano dans Europa riconosciuta de Salieri sont également exigeants. Virtuose parfaite, suraigus aisés… Sa spécialité, remarquées dans les témoignages au disque de ses créations, était bien entendu de chanter avec l’accompagnement soliste de son époux : dans chaque opéra, la Danzi-Lebrun interprétait un air avec hautbois obligé, que ce soit “Quando irato freme” dans Europa, ou “Mi sento Oh Dio ! Nel Core” de L’Olimpiade de Cimarosa, “Der glänzende Himmel” de Günther von Schwarzburg ou dans La Clemenza di Scipione de J.C. Bach. Avec des incursions attendues dans le suraigu, où l’instrument ne peut pas suivre. Le public savait bien qu’il s’agissait d’une interprétation « conjugale », et raffolait de ce genre d’effet.

 

 

Partager cet article
Repost0
4 novembre 2006 6 04 /11 /novembre /2006 12:38
Semaine du 4 au 10 novembre :
 
 
 
TELEVISION:
 
 
        ¤¤  Messe en si mineur de Bach (Notre-Dame de Paris, mars 2006): samedi 4 à 22h30  (ARTE)
Dir.: John Nelson - Maîtrise de Notre-Dame, dirigée par Nicole Corti, et les solistes Ruth Ziesak (soprano), Joyce DiDonato (mezzo-soprano), Daniel Taylor (alto), Paul Agnew (ténor), Dietrich Henschel (baryton basse).
Réal.: Olivier Simonnet
 
 
        ¤¤  Requiem de Mozart (à Chartres): lundi 6 à minuit 55  (France2) 
                       
 
        ¤¤  Dessay fait sa promo chez Duault : vendredi 10 à minuit 25  (France3)
 
 
 
RADIO:
 
 
        ¤¤  Les Troyens de Berlioz (en direct de Bastille) : samedi 4 à 18h  (FM)
(c'est ici pour les commentaires) 
 
        ¤¤  Requiem de Frank Martin : dimanche 5 à 9h05  (FM)
Elisabeth Speiser, soprano; Ria Bollen, contralto; Eric Tappy, ténor; Peter Lagger : basse
L'Union chorale et Choeur des dames de Lausanne - Orchestre de la Suisse Romande dirigé par le compositeur.
 
 
        ¤¤  Joan Sutherland, soirée spéciale anniversaire : dimanche 5 à 21h  (Radio Classique)
Interview et airs d'opéras
 
 
        ¤¤  Les enfants du baroque: Eduardo Lopez Banzo: lundi 6 à 19h07  (FM)
                       
 
        ¤¤  L'autre côté de Bruno Mantovani (donné le 23 septembre à Strasbourg) : lundi 6 à 20h  (FM)
Opéra fantastique en deux actes d'après le roman d'Alfred Kubin "Die andere Seite"
Fabrice Dalis : Kubin; Maryline Fallot : Madame Kubin; Lionel Peintre : l'Américain; Avi Klemberg : le Coiffeur; Sylvia Vadimova : l'Editeur; Robert Expert : Lampenbogen, le Médecin; Jean-Loup Pagesy : Son Excellence, Patéra
Choeur de l'Opéra National du Rhin - Orchestre Philharmonique de Strasbourg - Les Percussions de Strasbourg
Direction : Bernhard Kontarsky
 
 
        ¤¤  Zaïde de Mozart (Salzbourg le 8 août 2006): nuit de mardi à mercredi à 1h du matin  (FM)
(détails sur 'Vivace') Dir.: J. Kalitzke
                 
 
        ¤¤  Jean-Christophe Spinosi, l'invité du quart d'heure : mercredi 8 à 8h15  (FM)
 
 
        ¤¤  Airs et suites d'Ariane et Bacchus, et d'Alcyone de M. Marais (Opéra Royal du Château de Versailles, le 14 octobre 2006) : mercredi 8 à 20h  (FM)
Ricercar Consort - Céline Scheen : dessus; Guillemette Laurens : bas-dessus; Cyril Auvity : haute-contre; Stephan MacLeod : basse-taille
Direction : Philippe Pierlot
 
 
        ¤¤  Mozart: Sonate d'église n°16 en ut Majeur K.329 (317a) et Davide penitente K.469 - Bartok: Concerto pour alto et orchestre Sz.120 (Leipzig le 15 octobre 2006) : vendredi 10 à 20h  (FM)
Iride Martinez : soprano; Judith Howarth : mezzo-soprano; Christoph Genz : ténor
Choeur de la Radio de Leipzig - Orchestre Symphonique de la MDR (Leipzig) - Direction : Thomas Zehetmair
 
 
        ¤¤  La Betulia liberata de Mozart (le 18 août 2006 à Salzbourg):  nuit de vendredi à samedi à 1h du matin  (FM)
(détails sur 'Vivace') M. Mijanovic; F.J. Selig; R. Trost; J. Kleider... Dir.: C. Poppen
Partager cet article
Repost0
2 novembre 2006 4 02 /11 /novembre /2006 01:15

Un petit sujet encore plus bordélique pour indiquer ce que j'aimerai bien faire culturellement parlant ce mois de novembre. S'il y a des bonnes âmes parisiennes qui veulent m'accompagner, elles seront les bienvenues. ;-)

Les expos:

- Les nus masculins de Rodin au Musée du même nom (plus que 10 jours!) parce qu'il n'y a pas que des femmes à poils dans l'art, il y a aussi des mecs!

- Disney au Grand-Palais, parce que c'est une idée en or!

- Titien au Luxembourg: parce que c'est à cote de chez moi et que le Titien à sa mémère (blague de mon père!).

- Maurice Denis à Orsay: pas pour le plafond du TCE mais pour tout le reste!

- L'Expressionisme allemand à la Cinémathèque française: en plus de l'expo ils passent l'intégrale de Murnau, et des films archi rares de Lang!!!! je craque!

- Klein à Beaubourg: parce que je connais pas du tout sauf son bleu!

- Les dessins de Rembrandt au Louvre: parce que j'aime beaucoup l'affiche et que j'ai du mal avec les couleurs de Rembrandt.

- Les Perses sassanides à Cernuschi: parce que quand on aime l'opera seria, on s'interesse à l'histoire orientale!

- Venise et l'Orient: parce qu'en ces temps de chocs des civilisations, c'est une excellente initiative.

- L'Or des Thraces: O dieux! que de bijoux! Est-ce un rêve charmant qui m'éblouit?

- Desiderio (le sculpteur) et Hogarth au Louvre: parce que je connais pas du tout! (bis)

Les concerts:

Y a presque rien ce mois-çi! Alors qu'en décembre faudra courrir dans tous les sens!

- Phiphi au TCE (9)c'est une grosse redite de son récital au Chatelet et à l'ecoute de son disque, cela ne me dit rien.

- La Somanmbule avec Dessay (TCE le 12), c'est archi plein et je crois que je n'aurai pas le courage de poireauter 5 heures pour une place à 60€ au lieu de 120!

- Le Stabat Mater de Pergo par Piau et Mingardo (TCE le 16), pourquoi pas, mais ce n'est pas compris dans les abonnement jeunes (grrr!).

- Le week-end portes ouvertes "Orient" à Radio France a l'air pas mal : Le livre de la jungle de Koechlin avec Lemieux et Ragon (ne me demandez pas qui fait Balloo! - le 17) et Paul et Virginie de Lesueur le 18. 

- La Morte d'Orfeo de Landi à Gaveau (22) ça va couter trop cher pour moi.

- Par contre Into the little Hill de Benjamin avec Hilary Summers à Bastille, je veux vraiment le voir!

- Le récital Lemieux/Nelson au TCE (27), je l'attends avec impatience, en plus il y a aura la 7ème de Beethoven je crois, ma préférée!

- L'hommage à Garrido et son ensemble à Gaveau pourrait être pas mal du tout (30).

 

Pour le ciné, je verrai au fur et à mesure; ça fait des semaines chargées tout ça!

 

Partager cet article
Repost0
2 novembre 2006 4 02 /11 /novembre /2006 00:37

En vrac:

La Sémélé de Marais au TCE par Niquet m'a enchanté, je vous renvoie au fil de Baja sur son blog.

Pour ce qui est de Paladins du Chatelet, tout a déjà été dit sur cette production, je ne vais pas en rajouter une couche: j'ai beaucoup aimé cette reprise et je trouve  sévères ceux qui considèrent que les Arts flo étaient moins bon qu'à la création (si tant est que le dvd me permette d'en juger).

Je n'ai pas beaucoup apprécié Keith Jarrett à Pleyel: dans cette grande salle cela ne prenait pas, j'y aurai sans doute été plus sensible confortablement assis dans un bar avec un verre; et puis cette façon de faire des petits râles de jouissances à tout va, ces allures d'autiste et ce public qui s'empresse d'hurler un "youhou" avant même que la dernière note n'ait fini de raisonner, ça m'agace.

Une très bonne surprise au cinéma: L'Homme de sa vie de Zabou Breitman, pas du tout la niaiserie à laquelle je m'attendais après la bande annonce, mais un film très bien monté, poétique et très intelligent sur l'amour et les rapports qu'il entretient avec l'illusion, le complexe d'Oedipe et donc le narcissisme. Revisez un peu votre Freud avant d'y aller tout de même.

Dans Paris de Christophe Honoré n'est pas son meilleur film, mais est très finement mené, avec beaucoup d'allusions à la Nouvelle Vague, sur un thème plus qu'interessant: l'impuissance face au malheur d'autrui.

Une vérité qui dérange, c'est à voir, on y apprend beaucoup de chose: l'effet miroir du pôle nord, la mécanique des courants océaniques, la façon dont les autorités politiques ont inventé un débat scientifique de toute pièce... et ce n'est pas du tout pessimiste; mais en VO c'est un peu dur à suivre entre les sous-titre et les graphiques. Le tout est cependant un peu entaché par des passages sur la vie d'Al Gore (notamment son echec aux présidentielles qui n'a pas beaucoup de rapport).

Le Parfum est très bien réalisé, des scènes vraiment impressionnantes et un soucis réel de la part du réalisateur de créer une esthétique "olfactive". Mais la réussite du film se limite à ça.

Je vais bien ne t'en fait pas est un film pour fillette névrosée (on m'a forcé à aller le voir!).

Le Diable s'habille en Prada n'est pas aussi cruche qu'on aurait pu le croire, c'est une comédie très bien menée et pas manichéenne avec une Méryl Streep épatante qui retrouve certaines intonations de la voix off de Aout auf Afwica.

Little Miss Sunshine, c'est sympatoche avec une scène finale vraiment très drole et puis c'est celle qui jouait le rôle titre de Muriel qui fait la mère, donc à voir ;-)

 

Voilà! oui j'ai pris la carte illimitée Gaumont/Mk2 :-)

Partager cet article
Repost0
1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 23:15

Allez j'ai pas mal de compte rendu en retard, au boulot le Licido!

Giulio Cesare in Egitto de Handel au TCE

18 octobre 2006

Irina Brook, mise en scène

Christophe Rousset, direction musicale
Les Talens Lyriques
   
Andreas Scholl, Giulio Cesare
Rosemary Joshua, Cleopatra
Sonia Prina, Cornelia
Alice Coote, Sesto
Franco Fagioli, Tolomeo
Mario Cassi, Achilla

Bon ce n'était pas la représentation du siècle, on s'en doute, mais je ne serais pas aussi sévère que beaucoup sur internet.

Tout d'abord parce que cet opéra ne m'apparait franchement pas comme le plus réussi de Handel: dramatiquement la pluspart des scènes après l'acte I arrivent sans être motivées , l'inspiration n'est pas égale tout au long de l'ouvrage qui atteint pourtant des sommets musicaux, le contraste est donc souvent grand. Ainsi à moins d'un metteur-en-scène connaissant bien les règles du genre et leurs raisons d'être et qui pourra interroger tout à la fois les notions de tragique, d'ironie, de divertissement et d'élégance sur scène, cette oeuvre est déstinée à être un flop en scène: je ne connais pas non plus beaucoup de mes de cet opéra, mais je trouve que Wernicke et Sellars (pourtant pas des débutants!) s'y sont cassés les dents, seul McVicar réussit brillament avec une équipe soudée et excellente musicalement.

Irina Brook signe une mes agréable à regarder mais sans rien de neuf, on frise même le plagiat avec de nombreux emprunts de çi de là: les danses de Cléopatre, l'impossible jonction des mains du duo Sesto-Cornelia du I ressemblent fort à du McVicar, le Sesto mal dégrossi, les militaires contemporains à du Wernicke, Nireno est le clone du Tolomeo de Sellars... Aucune reflexion n'est développée, la driection d'acteur sans force, les personnages réduits à leur cliché - Tolomeo libidineux dégeulasse bisexuel évidemment - ou pas du tout saisi - le changement du caractère de Cléopatre, tout droit sortie de la Minute Blonde, n'est même pas traité, rendant ses lamenti incompréhensibles. Bref je ne parlerai pas de série B mais plutot d'amateurisme. Il y a bien quelques idées - le diner empoisonné du "Va tacito", les pétales qui tombent au final - des passages émouvant - "Cara speme", "Son nata a lagrimar" - mais bon...

Christophe Rousset et ses Talens lyriques n'étaient manifestement pas en forme: ouverture un peu plate, bon "Presti omai", "Empio diro" trop mécanique... mais superbes "Cara speme", "Son nata a lagrimar" et "L'angue offesa". D'une façon générale ce sont les lamenti qui furent le mieux joués. Mais le sommet de la soirée fut un mémorable "Va tacito"!! On a beaucoup glosé sur ce cor qui enchainait les pains au point de gacher tout l'air; la raison, on l'a dit, était que le corniste jouait comme au 18ème siècle, sans mettre la main dans le pavillon: la démarche était louable, le résultat fut exécrable. Une telle sonorité aurait encore pu passé dans une scène de bataille dirigée de façon enflammée (un peu comme la bataille du I de Radamisto par Christie à Zurich), mais pas dans un tel moment où le cor dialogue avec le chanteur, encore moins avec un chef comme Rousset dont on connait le manque d'ampleur, et surtout pas avec un corniste aussi peu aguerri à une telle technique! En tout cas, Rousset est très loin ici de ses superbes Serse (dvd), Arianna  in Creta ou Tamerlano. Peut beaucoup mieux faire, et je le dis en rappelant que c'est à lui que je dois ma passion pour le baroque et Handel!

Andreas Scholl en Cesare! Mais pourquoi pas Piau en Turandot tant qu'on y est! Quand comprendra t'on qu'un role écrit pour un castrat ALTO, et pas n'importe lequel, Senesino, ne pourra jamais être convenablement chanté par un contre-ténor (sauf Cencic! ;-) ), surtout s'il ne cherche pas du tout à developper ses graves! Déjà que pour les rôles de castrats sopranos ce n'est pas toujours gagné...Bref là c'est le ratage total, j'étais juste au bord de la scène, j'entendais à peine, les airs de fureurs ressemblaient à des caprices de gamins, "Aure, deh, per pieta" était long, long, long avec une tentative de messa di voce au da capo qui s'est cassé la gueule sur la descente, et puis toujours cette monotonie dans tous les airs pas différenciés pour un sou! Malgrè sa renommée, Andreas Scholl n'a recueilli que bien peu d'applaudissements au rideau final. Ce n'est tout bêtement pas fait pour lui, il est bien meilleur dans les mélodies et chansons baroques, c'est-à-dire la musique de chambre adaptée à ses moyens.

Rosemary Joshua m'a beaucoup séduit, si certains ont pu lui reprocher un manque de virtuosité en souvenir de ses délirantes Poppea ou Semele (je n'ai pas entendu cette dernière), c'est sans doute que Cleopatre N'EST PAS UN SOPRANO LEGER (le rôle a été crée par la Cuzzoni puis repris par Anna Strada del Po). Kozena, Troyanos, Kenny...sont donc bien plus indiquées pour le chanter. Alors quand un soprano léger aborde le rôle, cela peut très bien rendre si l'actrice est bouillonante (Deniese avec McVicar) ou bien si elle affronte cranement le bas de la tessiture sans caracoler dans l'aigu, c'est le cas de Joshua. A de nombreux instants on remarque que c'est trop grave pour elle, mais au moins elle n'escamote pas! Le "Fra tempeste" commence sur la bonne note bien grave (je suis incapable de dire laquelle!) avant de décoler. Si l'on ajoute que l'actrice est superbe et crédible, les récitatifs parfaitement campés et les lamenti très émouvants, on obtient une très bonne Cleopatre, un peu génée dans le costume de gourde que lui impose Irina Brook.

J'attendais Sonia Prina avec impatience, vous vous en doutez. Alors bien sur Cornelia c'est trop grave pour elle et le "Priva son" s'en ressent cruellement. Mais il reste que l'actrice est toujours aussi séduisante et l'on comprend pourquoi tant d'hommes se battent pour elle. Si vocalement je préfere Bardon absolument idéale dans ce role, tant son timbre fait merveille dans des airs pas toujours du meilleur tonneau, Prina s'en sort très bien grace à ses talents d'actrice, un peu entachés tout de même par des tics de chanteurs (menton planté dans le cou et les yeux qui décollent façon l'exorciste, la vache il est si loin que ça ce grave?!). Elle excelle pour animer les récitatifs et son timbre est miraculeux dans le duo du I avec Sesto, sommet d'emotion de la soirée.

Alice Coote en Sesto ne mérite pas à mon sens tous les éloges qu'on a pu lui adresser. Dramatiquement c'est rudimentaire (mais peut être est-ce la mes qui le veut) et ce n'est surtout pas élégant à de nombreux moments. La voix a beau être la plus sonore et bien projetée de la soirée, "Svegliate vi" est completement raté, chanté façon "bourrin", avec une cadence finale qui se limite à un beuglement disgracieux; cela manque grandement de sens du phrasé et de la déclamation. Par contre "Cara speme" fut très beau ainsi que le "L'angue offesa" (même si les vocalises, c'était pas ça...) grace à un orchestre qui la soutenait parfaitement. Mais ce timbre rocailleux et épais m'a toujours, il est donc logique que les moments où elle n'a pas à donner de la voix soient plus réussi à mon gout. Au final on est tout de même très loin de l'intelligence de von Otter ou de la sensibilité de Kirschlager.

Franco Fagioli chantait Tolomeo de façon...bizarre! Il a le grand merite de poitriner pour trouver des graves (ce que Scholl serait bien inspiré de faire!) mais tout le monde n'est pas Cencic et les registres sont mal soudés, d'où une certaine boullie assez éloignée de l'idéal du bel canto. C'est très bien campé, bien phrasé et vocalisé, mais c'est moche! C'était tout de même supèrieur à Scholl qui a excatement les qualité inverses mais pas les dons d'acteurs (Fagioli a aussi chanté Cesare à Zurich avec Minko/Bartoli/Bonitatibus).Ses récitatifs avec Prina étaient les moments les plus emportés et vifs de la soirée.

Mario Cassi s'est bien sorti d'Achilla, mais son "Tu se il cor" ne m'a pas plus marqué que ça.

Pour conclure la soirée fût donc sauvée de la catastrophe par d'excellents acteurs (Scholl excepté et Coote dans une moindre mesure), seuls Joshua et Prina sauvèrent le tout musicalement avec un orchestre irrégulier.

 

Dans la salle il y avait Piau et la tragédie lyrique (quelle classe cette d'Oustrac! ;-) ), j'ai trouvé ça vraiment bien de leur part de profiter d'un jour de relâche des Paladins pour venir écouter leur ami Rousset!

Je pense qu'Ariodante dans quelques mois sera plus réussi musicalement.

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2006 5 27 /10 /octobre /2006 12:31

LA GRISELDA

 

Opera seria en trois actes de Vivaldi,

Ecrit pour Venise, teatro San Samuele, 1735

 

Livret de Zeno révisé par Goldoni.

 

Cette intégrale, je l’attendais au tournant…j’étais revenu du concert du TCE avec des sentiments mitigés, déplorant le massacre inacceptable (et non communiqué) des récitatifs réduits à la portion congrue, et rendant l’intrigue incompréhensible, privant les airs de support dramatique et l’opéra de son rythme. J’avais aussi déploré la qualité inégale de la direction de Spinosi, et de son ensemble, sans doute trop fameux en regard de leur qualité réelle.

La distribution réservait des plaisirs tout aussi inégaux : Cangemi capable du meilleur comme du pire (le célèbre « Agitata da due venti »), Prina un peu répétitive mais engagée (la faute aux coupes et une direction uniformément agitée), Ferrari scolaire mais bien chantant, Staskiewicz en magnifique découverte malgré les limites compréhensibles dans une partie extrême, Jaroussky en pilotage automatique, Davies, jeune falsettiste à jolie voix sans graves…

Quelques moments magiques pour beaucoup qui nous laissèrent sur notre faim.

 

Les changements de distribution annoncées pour le disque furent à la fois intéressants (Lemieux à la place de Prina) et inquiétants (Kermes à la place de Staskiewicz).

 

Après maintes hésitations, pourtant, j’ai craqué ; je l’ai acheté.

 

La couverture du coffret est dans le plus pur style Naïve, figurant une anorexique voilée sur fond bleu…

 

Je n’attendais pas grand-chose du disque, et si je ne saurais le placer au sommet de la discographie vivaldienne, force est de constater que je suis plutôt agréablement surpris, sur plusieurs points.

 

L’œuvre, d’abord.

J’avais réservé mon jugement à la suite du concert, qui ne présentait, en gros, que les airs. Comme le souligne opportunément la notice de présentation, comme toujours documentée et éclairante, de Frédéric Delaméa, « …le récitatif n’est pas en reste dans la réussite de cet opéra : âme du théâtre vivaldien, il demeure un élément capital de ce langage de haute maturité du compositeur, terre dramatique inaliénable que celui-ci se réserve en toute circonstance. Face à ses rivaux, Vivaldi savait demeurer inégalable sur ce terrain, lui que l’on applaudissait y compris dans des scènes toutes entières récitées ». Je suppose que Spinosi et D. Meyer auraient dû lire ce texte avant de donner le concert du TCE…

Pourtant, les récitatifs, et leur qualité dramatique, Spinosi les aime, et sait les exalter, c’était particulièrement le cas dans son beau disque de La Verità in Cimento.

Ici donc, on retrouve enfin l’intégralité des scènes, et l’opéra reprend sa force dramatique, animé par un chef attentif et des chanteurs investis. On suit les longues scènes récitées sans ennui, et les airs judicieusement sertis dans la trame dramatique recouvrent tout leur impact, au delà de la pure beauté musicale. Elément capital, ils permettent avant tout de différencier avec finesse les divers affects traversant le rôle-titre, auquel sont dévolus cinq airs enlevés, et qui, hors contexte, paraissaient par trop univoques lors du concert.

Significativement, ici, Marie-Nicole Lemieux et Spinosi présentent des airs soigneusement différenciés de ton ; la direction est beaucoup plus contrastée d’un air à l’autre, et ainsi souvent notablement ralentie.

C’était une idée un peu étrange de confier à la bouillonnante Anna Girò le rôle de la soumise Griselda, d’autant que dans son calvaire, elle n’a pas l’occasion de s’épancher doucement, hormis un arioso au II inspiré du sublime « Sonno se pur sei sonno » du bien antérieur Tito Manlio. Mais, nous l’avons dit, l’équipe musicale a eu soin, ici, de rendre leur subtilité aux différents airs agités de Griselda. Lemieux, plus que Prina (et nous mettrons ceci sur le compte des différentes « éditions » de la partition qu’elles eurent à interpréter), donne une image féminine du personnage, rend son côté doux et soumis, ses plaintes et sa douleur. Elle sait tout autant fulminer et exprimer la rage et la révolte du personnage, qui ne se cabre contre son traitement qu’au travers de ses confrontations avec Ottone, finalement exutoire bienvenu.

 

Le personnage de Costanza paraît assez proche de celui campé par Scarlatti : Cangemi incarne la jeune princesse dans les deux œuvres, au disque. La version vivaldienne est d’une difficulté effroyable, mais les trois airs sont des joyaux, « Agitata da due venti » ayant déjà été chanté par Poulenard, Kirby, ou Bartoli avant la renaissance des opéras de Vivaldi. L’air « Ombre, larve » du III est un de ces moments suspendus et magiques, d’une grâce mélancolique typique des années 1730, qui font chavirer… oserais-je trouver que Vivaldi, ici comme dans Bajazet, a avant tout cherché à gâter son interprète, l’ahurissante Giacomazzi, et que les deux derniers airs ne tombent pas parfaitement en situation, ou plutôt la dépasse un peu dans l’expression. C’est en tout cas faire la fine bouche, car, au disque, Cangemi est excellente. On sait qu’elle peine, c’est peu dire, dans « Agitata da due venti » sur le vif, mais les facilités du studio lui permettent une interprétation quasi sans faille. Le volubile « Ritorna a lusingarmi » du I et le « Ombre, larve » du III ont perdu, passant en studio, de leur charme et de leur magie, question d’ambiance et de direction. Vocalement, cela reste très bon, et dans l’incarnation tout à fait convaincant. Ajoutons que Cangemi s’invente des ornements assez riches allant chercher dans l’aigu. Ornements nouveaux par rapport au concert, où cet aspect avait de manière générale été assez négligé (au disque, Damien Colas a fait des suggestions aux chanteurs, indique la notice. Suggestions pas forcément toujours d’un goût parfait, mais souvent prenantes et finalement bienvenues et efficaces).

 

Le rôle de Gualtiero est ici un peu en retrait, mais il faut sans doute en accuser le ténor Stefano Ferrari, qui manque là encore de personnalité et de charisme. A part un certain manque de grave, on en voit guère ce que l’on pourrait reprocher à se prestation vocale, surtout vu la façon dont il enlève le redoutable « Se ria procella » et ses interminables passages. Cet air ne manque pas de charme et d’aplomb, cependant le reste est parfois un peu scolaire : le dernier air n’est guère marquant. Par rapport au concert cependant, on le sens plus serein et régalien, et il tient son rang très honorablement au sein de la distribution.

 

J’ai déploré dans le rôle du rival Ottone qu’on ait évincé Blandine Staskiewicz, qui m’avait profondément séduit, de style, de caractère, de timbre, de maîtrise – malgré les graves limites au III et les aigus limites au II, mais à sa décharge l’écriture est assez paroxystique en terme de tessiture.

Dans ce que je connaissais d’elle, Kermes s’est toujours révélée fade, mauvaise diseuse (cantabile guimauvesque), chanteuse aux moyens intéressants, mais utilisés avec un goût bien discutable. Un premier extrait m’avait laissé dubitatif. Et bien je dois avouer qu’elle m’a ici assez surpris, au final. Plusieurs raisons à cela : je pense, tout simplement, que jouer les méchants travestis l’a beaucoup plus amusée que de jouer les prime donne en souffrance, et qu’elle a trouvé à s’exprimer dans le côté « too much », toutes notes extrêmes dehors, d’Ottone. Par ailleurs, entourée de tempérament dramatiques de la trempe de Cangemi ou Lemieux, et cornaquée par le bouillant Spinosi (on est loin de la politesse anglosaxonne de Curtis, son chef et pygmalion), elle a certainement pu sortir de certaines habitudes, facilités, et de sa réserve.

Studio oblige, elle assure des graves globalement sonores et correctes, le reste ne lui posant pas de problèmes : elle va bien sûr chercher des suraigus percutants dans des da capo hardis ; Avouons que pour une fois, cela se prête bien au rôle. On entend, bien sûr, d’autres défauts habituels : consonnes trop effacées dans les mouvements lents, souffle parfois très audible sur certaines attaques, mais l’incarnation, notamment dans les récitatifs, est tout à fait convaincante, et on lui pardonnera pour cette fois.

Ajoutons enfin que ses trois airs sont parmi les plus beaux de Vivaldi, surtout le très napolitain de style « Vede orgogliosa l’onda » du I, ondoyant et mélancolique, et le « Dopo un’orrida procella » déchaîné du III. Pour ce premier air, cependant, je chéris toujours l’interprétation enivrante de Staskiewicz en live…

 

Peu à dire des falsettistes, ici. Roberto est un rôle qui convient bien à Jaroussky, sorte d’antihéros vaguement sympathique, et un peu énervant par son côté victime, propre à beaucoup de rôles de castrat soprano – l’interprète a ici sa part de responsabilité, évidemment : il s’écoute toujours un peu chanter.. Que l’on songe à Selim de La Verità in Cimento, par exemple. La tessiture lui convient assez bien, le studio lui procurant des graves plus faciles et séduisants qu’en live. Sa partition n’est pas inoubliable, mais tout à fait plaisante, tout de même, comme « Estinguere vorrei la fiamma », auquel l’art délicat de Jaroussky se prête bien.

 

Les airs de Corrado sont également agréables, mais le poli Lestyn Davies ne dépasse guère, dans toute ses interventions, la joliesse châtiée. On croit peu à son rôle, tout de même assez secondaire. Son timbre clair est par ailleurs relativement séduisant, mais comme beaucoup de ses « congénères », il manque cruellement de graves, même en studio !

 

La direction de Spinosi, enfin, se distingue comme souvent par son souci de souligner le dramatisme de la partition, notamment via les effets rythmiques. Connu et populaire pour son côté survitaminé, souvent excessif dans les mouvements rapides, décharnant trop la substance sonore afin de souligner le squelette dynamique des airs, il trouve ici une certaine modération. Je persiste à trouve que l’ensemble Matheus sonne un peu sec, et manque de plénitude. Spinosi pourrait encore polir les phrases musicales, les couleurs être soulignées encore. Il a un peu perdu, et c’est dommage, le charme qu’il est capable de distiller sans crier gare dans certains cantabile magiques, même après un récitatif grossièrement enlevé, comme c’était le cas en concert. Les airs rapides et de demi-caractère sont en revanche mieux rendus, et nous avant déjà remarqué combien le rôle de Griselda y a gagné. Les reprises richement ornées contribuent, en outre, à donner plus de substance à l’œuvre.

Les excès entendus ça et là dans Orlando Furioso ou dans le concert de Griselda me semblent maîtrisés et aplanis en studio, c’est peut-être une impression trompeuse mais c’est tant mieux.

Par ailleurs, je pense que Spinosi aurait intérêt à s’attaquer à des compositeurs de style galant, car je pressens que la grâce et l’épanchement d’un Porpora ou d’un Hasse pourrait, finalement, mieux lui correspondre que la furie la plus typiquement vivaldienne ; c’est du moins ce qui ressort de l’écoute de ses plus belles réussites à mon sens chez le compositeur vénitien, et qui touche souvent les airs les plus « napolitains ».

 

Finalement, l’intégrale n’est pas honteuse du tout, et donne enfin de l’œuvre une image cohérente et séduisante, qui dépasse les pures splendeurs répandues par cette partition de la maturité Vivaldienne. Quelle période faste que ces années 1730 !

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2006 5 27 /10 /octobre /2006 12:26
Semaine du 28 octobre au 3 novembre :
 
 
 
TELEVISION:
 
 
        ¤¤  Requiem de Maurice Duruflé (Allemagne, 2006, 43mn): dimanche 29 à 19h00  (ARTE) 
enregistré lors du concert annuel donné en hommage aux victimes des bombardements de Dresde en 1945
Réalisateur TV: Elisabeth Malzer
Chef d'orchestre: Fabio Luisi - Orchestre: Sächsische Staatskapelle Dresden
Interprètes: Jane Henschel, Christian Gerhaher, Chor der Sächsischen Staatsoper Dresden
  
 
 
 
RADIO:
 
 
        ¤¤  Festival de Royaumont (Concert donné le 1er octobre 2006) : samedi 28 à 9h05  (FM)
Hugo Wolf : Mörike Lieder
Clémentine Margaine : mezzo-soprano; Edwin Crossley-Mercer : baryton
Emmanuel Christien et Michaël Guido : pianos
 
 
        ¤¤  La femme sans ombre de R. Strauss (donné le 6 ["Non, le 12!"] octobre 2006, Théâtre du Capitole à Toulouse) : samedi 28 à 19h07  (FM)
(pour les détails voir l'article de Bajazet)
 
 
        ¤¤  Récital de Leontina Vadura (le 29 [ou le 1er ??] septembre 2006 à Tours): dimanche 29 à 12h07  (FM)
Fauré, Debussy, Ravel, Alessandresco, Enesco, Massenet, Poulenc...
Leontina Vaduva : soprano - Anne-Marie Fontaine : piano
 
 
        ¤¤  On the town de Bernstein : dimanche 29 à 21h  (Radio Classique)
F. von Stade; T. Hampson; S. Ramey - Direction: M. Tilson Thomas
 
 
        ¤¤  Grandes journées Marin Marais (Versailles le 15 octobre 2006) : lundi, mardi et jeudi à 15h02  (FM)
(oeuvres instrumentales et transcriptions, notamment d'Alcide)
 
 
        ¤¤  Les enfants du baroque: René Jacobs : lundi 30 à 19h07  (FM)
                       
 
        ¤¤  Mitridate, re di Ponto de Mozart (Salzbourg le 23 août 2006): nuit de lundi à mardi à 1h du matin  (FM)
(détails sur 'Vivace') I. Bohlin; R. Croft; B. Mehta; N. Or; M. Persson - Minkowski - Les Musiciens du Louvre
[n'était-ce pas déjà la même affiche en 2005?] 
 
 
        ¤¤  Antonio Caldara (20 octobre 2006 Radio France) : mardi 31 à 10h02  (FM)
Elena Monti : soprano - Violoncelle et direction : Christophe Coin - Ensemble Baroque de Limoges
Introduzione, recitativo, aria di Lusinda, extraits de l'opéra Sancio Pansa governatore de la Isla de Baratara; Recitativo, aria di Maddalena; Recitativo, aria di Lisinga 
+ Giuseppe Tartini: Concerto pour violoncelle et orchestre en ré Majeur; Georg Matthias Monn: Concerto pour violoncelle et orchestre en sol mineur; Marc Antonio Ziani: Sinfonia a 4; Johann Josef Fux: Rondeau a 7
 
 
        ¤¤  Alcyone de M. Marais : mercredi à 4h du matin  (FM)
Minkowski - J. Smith; G. Ragon; J.P. Fauchécourt; V. Le Texier; V. Gens
(détails sur 'Vivace') [je crois que c'est une redif (?)]
 
 
        ¤¤  Ercole amante de Cavalli, ballets de Lully (le 9 octobre 2006 salle Gaveau): mercredi 1er à 20h  (FM)
Solistes, choeur et Orchestre de l'Académie Baroque d'Ambronay
Direction : Gabriel Garrido
 
 
        ¤¤  Tonos y Tonadas (22 octobre 2006 à Radio France): jeudi 2 à 10h02  (FM)
Musique baroque espagnole et chansons populaires sud-américaines
Barbara Kusa : soprano ; Raquel Andueza : soprano ; Luis Rigou : flûtes sud-américaines; Luth, vièle, guitare et direction : Eduardo Egüez - La Chimera
 
 
        ¤¤  La vie baroque: Philippe Jaroussky : jeudi 2 à 21h  (Radio Classique)
                       
 
        ¤¤  Bastien et Bastienne et Le Directeur de théâtre de Mozart (le 30 juillet 2006 à Salzbourg):  nuit de vendredi à samedi à 1h du matin  (FM)
(détails sur 'Vivace')
Partager cet article
Repost0
27 octobre 2006 5 27 /10 /octobre /2006 12:14

Terfel à Pleyel  (15 octobre 2006)

**************************************************************************

PROGRAMME du concert de Bryn Terfel avec l’ONF dirigé par Yannick Nézet-Séguin :

WAGNER :

- Die Meistersinger : Ouverture et « Was duftet doch der Flieder »

- Tannhäuser : « O du mein holder Abendstern », puis l’ouverture.

- Der Fliegende Holländer : « Die Frist ist um »

Entracte

MOZART :

- Don Giovanni : Ouverture, puis « Madamina, il catalogo è questo »

- Le nozze di Figaro : « Non più andrai »                                                                                         

- Air de concert : « Io ti lascio, oh cara, addio »

VERDI :

- La forza del destino : Ouverture

- Falstaff : « Ehi ! Paggio !… L’onore ! Ladri ! »

BERNSTEIN :

- Candide : Ouverture

RODGERS :

- South Pacific : « Some enchanted evening »

LEIGH :

- Man of La Mancha  : « Impossible dream »

Rappels :

- MOZART : Don Giovanni : La serenata
- BIZET : Carmen : « Toréador »

*************************************************************************

Diffusion prévue sur France Musique jeudi 26 octobre à 20h.

*************************************************************************

 

 

D’autres, je l’espère, nous feront des comptes-rendus détaillés sur ce qu’ils auront entendu et développeront les aspects musicaux de ce concert ; pour ma part, je tenterai simplement de vous faire partager ce que j’ai observé et ressenti.


Impressionnant. C’est le premier mot qui me vient. Impressionnant le bonhomme, la voix, la maîtrise, et puis aussi l’éclectisme du programme (dans 4 langues, en plus).

C’était la première fois que j’allais voir Terfel en concert et pour le voir, je l’ai vu, puisque j’étais placée au 2e rang d’orchestre, juste devant lui. Je donne cette précision parce que d’une autre place mon attention se serait assurément portée sur d’autres choses et mes impressions auraient été sans doute bien différentes. Là, j’ai pu l’observer tout mon soûl.

 

 

Il a une présence sur scène assez incroyable, presque magnétique ; on ressent dès son entrée en scène une sorte de puissance du dedans, si je puis dire (sans doute renforcée par l’aspect du dehors évidemment !), mais cette force que l’on sent en lui, cette puissance qui passera par la voix, on le sait, est utilisée aussi scéniquement et dramatiquement. C’est une sorte de force potentielle que l’on devine là, que l’on ressent là, et qui fait trembler d’avance à l’idée qu’à un moment cette énergie se libérera et fatalement nous engloutira par sa puissance. Il va constamment jouer avec cela et tout particulièrement dans les Wagner. Dans son premier air, cette énergie est totalement contenue, retenue ; cela est rendu par une immobilité parfaite : bien droit, les bras pendants le long du corps, mais sans rigidité, il n’a pas eu le moindre mouvement (même du petit doigt, j’ai vérifié !) ; seule la tête a droit à un minimum de mobilité, mais c’est surtout le regard qui porte le jeu et l’enjeu du personnage.

Pour l’air de Tannhäuser, il a gardé la même position, mais a serré les doigts de la main gauche ; c’est tout.

Ensuite il s’est assis et est resté sur scène pour écouter l’Ouverture de Tannhäuser [Peut-on d’ailleurs m’expliquer pourquoi l’ouverture a été jouée après l’air ?… y aurait-il une raison qui m’échappe ?…]. C’était encore très peu d’expression, prenant soin de ne pas trop observer le chef, ou les musiciens, mais en les surveillant tout de même du coin de l’œil.

Puis, l’air du Hollandais. Toute la sobriété, toute la retenue précédente était sans doute nécessaire pour faire retentir cet air et laisser ‘exploser’ le personnage. Je n’ai aucune habitude de Wagner (je n’en suis pas encore là), donc je ne peux guère comparer ou juger s’il a chanté cela comme il convient ; ce que je peux dire, c’est que c’était magnifique, de la résignation à la colère, en passant par le désespoir, tout était prenant et parfois même terrifiant. La voix y était pour beaucoup bien sûr, mais c’est aussi qu’il avait bougé. Son premier geste, toujours le bras le long du corps, a été de serrer le poing (et quel poing !!), et quand enfin il a avancé un pied et écarter les bras, c’était une montagne qui avait bougé et qui défiait les enfers ; c’était effrayant, il semblait redoutable et en même temps désespéré. J’ai vraiment beaucoup aimé cette interprétation et vocalement et dramatiquement, si je puis dire.

 

 

Après l’entracte, changement de répertoire, on passe à Mozart. [L’orchestre était un peu moins fourni, mais toujours très… bruyant.] Terrain bien plus connu il me semble. De nous, de lui, et de nous avec lui. Donc il s’est amusé, très à son aise, un peu trop peut-être puisque, mine de rien, il s’est tout de même bien emmêlé les pinceaux dans les paroles de « Non più andrai » ; mais il avait déjà mis le public dans sa poche avec l’air du catalogue, jouant avec le programme de Pleyel, mimant le « vecchie » ou la « piccina » en valet insolant et cabotin en l’absence de son maître.

Pour l’air de concert, « Io ti lascio », il a retrouvé sobriété et douceur ; cet air était très beau et très touchant, donné tout en émotion retenue et tendresse. Il l’a chanté face au public placé derrière l’orchestre, montrant son dos pendant 3 minutes à une salle devenue plus silencieuse pour mieux entendre. [petite parenthèse : que va donner la captation de Radio France ?… souffle, es-tu là ?… j’y ai pensé aussi lorsqu’il est resté quelques instants accroupi sous les micros lors de l’air du catalogue ; il m’étonnerait que la prise de son ait suivi...]

Pour l’air suivant, il était devenu… Falstaff ! Un Falstaff tonitruant, gras, fat et… jubilatoire. Comme on était loin de la délicatesse du petit air de Mozart ! et pourtant on y croyait tout autant.

Les 2 airs de Broadway ne m’ont guère réconciliée avec ce répertoire que je ne goûte guère, il est vrai ; je n’ai pas été très convaincue et il m’a semblé que la salle non plus. Les applaudissement m’ont paru plus mous… ou étaient-ce juste les miens ?

 

 

 

 

Ensuite le luth a annoncé le rappel en venant s’installer sur scène pour jouer la sérénade de D. Giovanni, mais Terfel, lui, est allé se promener à l’orchestre, jouant avec une rose rouge et les femmes qui se trouvaient sur son passage ; sur son passage il y avait Mme Sarkozy, bien en vue, alors il s’est avancé vers elle et… à chanter pour la dame d’à côté. Il a réservé sa rose pour une petite fille, qui s’en souviendra, c’est sûr, puisqu’elle était totalement terrorisée, recroquevillée sur son siège, détournant la tête, n’osant pas même regarder cette montagne à la voix qui se faisait pourtant douce, mais à laquelle elle faisait signe de s’éloigner complètement désespérée et voulant qu’on la laisse tranquille.

Il m’a semblé que ce passage dans la salle avait fait frémir le public de contentement (mais c’est sans doute parce que j’étais très près du lieu de passage…).

En fait les rappels ne furent pas une troisième partie de concert, mais un « bonus », une petite friandise, un petit moment pour s’amuser et se quitter avec le sourire aux lèvres et un air dans la tête. Tout le concert a été construit ainsi, du reste, allant du ‘sérieux’, du ‘lourd’, à la légèreté, c’est-à-dire à la musique légère. Et qu’y a-t-il au delà de ces airs dits ‘populaires’ ?… eh bien, vous et moi qui massacrons Carmen dans notre salle de bain. Alors, allons-y ! Allons jusqu’au bout puisque le concert est terminé, que les choses sérieuses ont été faites, entonnons « Toréador » tous en chœur ! J’avoue que le clin d’œil m’a amusé.

De l’immobilisme par lequel il avait commencé à la salle Pleyel qu’il fait chanter en mesure, la performance est remarquable et l’ironie pas loin…

 

 

Je suis très contente de ma soirée ; Terfel a été tel que je l’imaginais (et même un peu au delà…) et je suis même prête à regarder son Falstaff et à entendre le Hollandais en entier !

 

 

Ah, oui, je n’ai rien dit de l’orchestre… Je n’étais sans doute pas à la place idéale pour cela. Ce que je peux dire, c’est qu’Y. Nézet-Séguin était très enthousiaste et l’orchestre était très… bruyant.

 

 

C.

Partager cet article
Repost0
21 octobre 2006 6 21 /10 /octobre /2006 16:10

Richard STRAUSS / Hugo von HOFMANNSTHAL

La Femme sans ombre

Direction musicale : Pinchas Steinberg
Mise en scène : Nicolas Joel
Décors : Ezio Frigerio
Costumes : Francesca Squarciapino
Lumières : Vinicio Cheli

 

 

L’Empereur : Robert Dean Smith, ténor
L’Impératrice : Riccarda Merbeth, soprano
La Nourrice  : Doris Soffel, mezzo
Barak : Andrew Schrœder, baryton
La Femme de Barak : Janice Baird, soprano
Le Messager des Esprits : Samuel Youn, basse
La Voix du Faucon / Le Gardien du Seuil : Silvia Weiss, soprano
L’Apparition du jeune homme : Martin Mühle, ténor
Une Voix d’en-haut : Qiu Lin Zhang, alto
Le borgne : Hans-Peter Scheidegger, baryton
Le manchot : Gregory Reinhart, basse
Le bossu : Ricardo Cassinelli, ténor
Les 3 servantes : Gersende Dezitter, Zena Baker, Elsa Maurus


Chœur et Maîtrise du Capitole
Orchestre du Capitole

Toulouse, Théâtre du Capitole, 18 octobre 2006

  

***************************************

  

Dernière représentation de la série dans un théâtre plein à craquer et très grand succès pour ce qui constitue globalement une réussite exceptionnelle, musicalement surtout. Tous les rôles, à une exception discutable près, trouvent des interprètes admirablement adéquats, jusque dans les petits rôles : Youn est un Messager tellurique, Sylvia Weiss donne à la Voix du Faucon un grand pouvoir d’évocation, et Martin Mühle est sensationnel de beauté vocale et d’ascendant (et accessoirement propre à incarner scéniquement ce fantasme commandé qu’est l’apparition du jeune homme). Pinchas Steinberg, habitué des lieux pour Wagner et Strauss, offre un mélange de tension et de netteté au service du tranchant des passages les plus dramatiques comme des lignes chambristes des passages méditatifs, et jamais il ne couvre les chanteurs, veillant à ne pas saturer une acoustique flatteuse. Du grand art, dont la fin de l’acte I et celle, apocalyptique, de l’acte II, ou encore le monologue de l’Empereur à la fauconnerie, auront offert des exemples impressionnants. 

 

Rarement la collaboration de Frigerio et Squarciapino au Capitole aura donné un résultat aussi convaincant. L’opposition du monde d’en-haut et du monde d’en-bas qui structure le livret et le sens même de la fable est représentée par un basculement ingénieux du décor, constamment utilisé dans les 3 actes avec modifications selon les tableaux. Le spectacle présente ainsi à la fois une grande cohérence et un caractère évolutif particulièrement sensible pour les scènes du monde des Esprits.

Au lever du rideau, situé sur la terrasse du palais impérial, un cube minéral monumental (Frigerio aime ça manifestement) est rempli symétriquement par quatre volées de degrés qui alternent au sol avec de grandes grilles carrées, sortes de soupiraux qui suggèrent le monde des humains, celui de la sueur et de la servitude dont la teinturerie de Barak, flanqué de ses frères infirmes, est l’allégorie. On retrouvera ces grilles carcérales en ombres portées au début de l’acte III quand Barak et sa femme se désolent séparément (et symétriquement). Lorsque la Nourrice descend avec l’Impératrice dans le monde des humains, les escaliers s’élèvent pour former le toit de l’antre de Barak, espace noirâtre éclairé en fond de scène par trois grandes ouvertures rondes, en hauteur, d’où émane une lumière désolée et surtout d’où vient tomber par moments ce qu’on devine être des paquets de tissus trempés, agrégés les uns aux autres en morceaux informes, de sorte que ces rejets excrémentiels, résidus du monde du travail, reçoivent une charge symbolique qui est une trouvaille particulièrement heureuse. À la fin de l’acte II, pour la scène de cataclysme (« Übermächte sind im Spiel ! » crie la Nourrice ), c’est une brume tourbillonnante que crachent avec fureur les trois trouées rondes : spectacle magnifiquement réglé.

Si au cours des va-et-vient entre les deux mondes, la teinturerie ne change guère, en revanche la scène d’en-haut présente des métamorphoses fort bien conçues, qui en laissant la structure de départ parfaitement reconnaissable, ajoutent des éléments toujours plus monumentaux, librement inspirés du Jugendstil, mais sans l’excès qu’on pouvait craindre. La scène de la fauconnerie reprend le décor d’escaliers initial mais avec trois piliers plans disposés symétriquement, avec effet d’écume bleuâtre dans leur partie haute. L’arrivée de l’Impératrice au Temple reprend une partie des escaliers, surplombée par la double porte, tandis que pour le grand monologue « Vater, bist du’s ? » la scène semble avoir dilaté la structure en degrés, surmontée du trône et encadrée par deux énormes piliers bombés décorés de motifs floraux à la Klimt qui permettront grâce aux éclairages des variations de couleur et de climat pour toute la seconde partie de l’acte III. C’est alors que le monde d’en-haut se pare de couleurs chaudes, alors que depuis le début c’était un clair-obscur lunaire, dans les bleus, gris et violets, qui régnait. Ce jeu sur les éclairages et le clair-obscur me semble d’ailleurs une réussite du spectacle en ce qu’il met en valeur les climats de rêve ou d’effroi essentiels à cet opéra : par comparaison, la mise en scène d’Andreas Homoki au Châtelet il y a 12 ans péchait par le choix systématique d’une lumière blanche et crue. De façon générale, la machinerie du merveilleux est excellement réalisée, avec une grande beauté plastique : Nourrice emportée sur sa barque, apparitions tentatrices à l’acte II, scène narcissique du miroir.

  

Bref, le spectacle a le mérite (souvent souligné) de la lisibilité, jouant la carte d’un merveilleux raffiné. On n’en est que plus surpris et déçu de trouver la Teinturière rivée à sa TV, assise sur une chaise de camping, feuilletant un magazine pour bovary moderne, fumant et descendant une bouteille de whisky avec affectation… Comme dans le récent Crépuscule des dieux toulousain, où les Nornes étaient des SDF avec caddy déglingué et vieille TV, on se demande ce que cherche exactement Nicolas Joel, en dehors du cliché non seulement grossier mais hétérogène au reste du spectacle (Barak et ses frères ont l’air de sortir des bas-fonds de Dickens ou de la forêt de Sherwood, eux !). L’image est particulièrement appuyée puisque le spectateur doit essuyer les grimaces de Janice Baird en pauvresse frustrée non seulement à l’acte I mais encore au II. Je sais bien qu’il faut faire quelque chose de la Teinturière scéniquement, mais pour le coup on n’est pas loin de tomber dans une simplification assez grossière dont le personnage finit par pâtir, sans parler de l’incohérence esthétique. 

 

Cela dit, la faiblesse du spectacle réside dans la défaillance de la direction d’acteur : refrain connu. Les interprètes de l’Empereur et de l’Impératrice ont beau être vocalement fantastiques (du point de vue de l’art du chant et de la beauté vocale, ils dominent la distribution à mon sens), ils sont aussi assez gauches scéniquement, surtout lui, et on les sent livrés à eux-mêmes. Le prix de la présence scénique revient cependant à la Nourrice  : le rôle est certes payant théâtralement, mais on sent chez Doris Soffel un investissement dramatique permanent, un port admirable, et une réelle finesse dans la gestuelle maléfique requise. La prestation de Janice Baird me laisse en revanche sceptique, j’y reviendrai. 

 

Venons-en à l’interprétation vocale. Peu applaudi au rideau final (le rôle n’est pas payant comme d’autres, de fait), Robert Dean Smith m’a paru exceptionnel : la voix est solide mais jamais lourde ni forcée, le chant musical, précis et nuancé (j’ai rarement entendu le monologue du II aussi magistralement chanté). L’allemand est d’une netteté parfaite. Il a juste ce qu’il faut d’héroïsme, mais aussi et surtout cette délicatesse expressive absolument nécessaire. Il forme ainsi un couple particulièrement assorti avec Riccarda Merbeth, qui a offert pour moi la performance vocale la plus accomplie de la soirée. Ce qui peut gêner (c’est le cas d’une amie rencontrée à l’entracte), c’est sa prudence : l’actrice est certes timide, mais on sent peut-être trop qu’elle négocie ses sauts de registre vertigineux dans le suraigu en les préparant soigneusement, comme un athlète attend avant de se lancer. Le suraigu, parfaitement assuré, ne transperce pas non plus comme une torche : les amateurs de sensations fortes seront déçus. En conséquence, on peut trouver qu’il lui manque cette flamme et cette fièvre qui rendent Rysanek inoubliable. Et pourtant… le timbre, idéalement lumineux, juvénile et moelleux (volupté à lui seul !), rappelle parfois la toute jeune Rysanek, ou plutôt une sorte d’hybride de Rysanek et de Reining. Eh oui, j’ose le dire : après une entrée un peu en retrait, l’art de Merbeth à l’acte III m’a rappelé Maria Reining. Si elle n’a pas ce feu et cet effroi qu’exhalaient Varady ou Rysanek, la splendeur juvénile et confiante de la voix, un chant d’une tenue et d’un naturel impressionnant, la rondeur « blonde » de la voix, quelque chose aussi de vulnérable et d’immédiatement touchant. Le monologue dans le Temple a été un sommet musical et poétique. 

 

La Nourrice de Doris Soffel, quant à elle, est un régal. Je connaissais cette mezzo par des disques de musique sacrée naguère ( la Messe de Ste-Cécile de Haydn avec Popp, Moll et Kubelik), je savais qu’elle avait remplacé Rysanek morte en Clytemnestre à Salzbourg (elle avait essuyé des critiques peu flatteuses), je ne m’attendais pas à une incarnation aussi forte. Son gros point faible, c’est le grave qu’elle n’a pas : même en parlando, que c’est dur… Mais pour le reste, la caractérisation, l’intelligence, le refus de l’univocité, le mélange d’âpreté saisissante et de nuances insinuantes, elle s’approche de près de ce qu’on imagine de Fassbaender dans le rôle. Vraiment une incarnation de première force. 

 

Enfin, le couple des humains est assez nettement contrasté. C’est un peu la configuration Fischer-Dieskau/ Borkh dans le live de Keilberth (DG) : un baryton assez léger apparié à une Elektra. Andrew Schrœder a souvent chanté au Capitole (Billy Budd, Onéguine, Mandryka la saison dernière) : si sa voix n’a pas l’âpreté ni la noirceur qu’on associe généralement au rôle (voir Schöffler ou Berry), il s’impose par l’humanité, la douceur douloureuse et la tenue musicale du chant (la ligne !). C’est magnifique. La voix passe d’ailleurs sans problème mais sans éclat : mais l’éclat est-il une qualité première ici ?  

 

Reste le cas de Janice Baird, grande triomphatrice au rideau final, et qui une fois de plus me laisse très perplexe. Grande voix, projection phénoménale, femme svelte et séduisante ; dans l’aigu, c’est magnifique, un peu métallique comme il sied à un soprano dramatique mais d’une liberté et d’une aisance que n’avait guère Varnay (que sa voix peut en effet évoquer parfois). Mais ce qu’avait Varnay, pour garder cet exemple, et qu’elle n’a désespérément pas, c’est la noblesse et la tenue vocale. J’avoue une allergie chronique aux sonorités de Baird dans le grave et le bas medium : ça sonne hommasse, gros, grossi, assez vulgaire, et en conséquence le texte devient incompréhensible (son allemand est par ailleurs très moyen). Qu’on ne vienne pas me dire que la femme de Barak est une pauvresse en haillons et que donc… Ce manque de classe déparait déjà sa Brünnhilde. Qu’en sera-t-il de son Isolde ? On verra bien : personnellement, je n’irai pas vérifier, mais entendre Baird se débattre avec les grandes phrases lyriques de la Teinturière à la première scène du III, ici dépourvues de ligne (constamment hâchée), d’élégance et perdant parfois la justesse, ne prédispose pas à l’optimisme.

Mais le problème n’est pas seulement vocal, il touche aussi au jeu scénique de l’interprète. On va répétant que c’est une bête de scène, que sa présence est stupéfiante, etc. Je m’estime d’autant plus à même de juger que j’ai vu Gwyneth Jones dans le rôle. Or c’est peu dire qu’elles ne boxent pas dans la même catégorie : le jeu de Baird relève plus souvent du cinéma muet le plus convenu que de l’art de la tragédienne. Il est d’ailleurs étonnant que ses mouvements corporels soient si raides, et sonnent si j’ose dire faux, mais passons. Ce qui est fondamentalement gênant, c’est l’impression d’assister à une gamme binaire d’expressions de sitcom : je fais la gueule / je souris à la caméra. À preuve, son jeu à la fin du II, sourire large et béat « à l’américaine », passe par trop à côté de l’humanité du caractère et de son ambiguïté. Manque d’humanité, tout simplement : une belle femme, dotée d’une grande voix, fait un numéro un  peu épais. Disons que l’organe a englouti le personnage. Quitte à paraître excessif, je soupçonne en fait qu’elle n’est pas très intelligente, ni musicalement, ni dramatiquement. Cela ne change rien de toute façon au fait qu’elle est la plus applaudie, venant recueillir les acclamations avec une complaisance appuyée.

Partager cet article
Repost0