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Psychologie

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Il catalogo è questo

28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 18:53

3 - Témoignages sonores des rôles écrits pour les ténors cités :

Malheureusement, on ne peut que déplorer la pauvreté des références disponibles, évidemment due au manque d’enregistrements d’œuvres qui ne soient pas de Haendel, Vivaldi ou Mozart (où les références sont rarement multiples). Il y a, bien entendu, beaucoup des lacunes, et je n’ai pas vraiment étendu mes recherches à la musique sacrée, où l’on peut trouver beaucoup de choses. Il peut manquer des choses en seria, et je n’ai pas entendu tous les enregistrements que je cite, et je ne le fais pas, je le confesse, avec une précision immense ; néanmoins ceux qu’une référence intéressera pourront aisément retrouver sa trace sur internet. Et beaucoup de références n’ont pas fait l’objet d’une publication officielle, mais qui sait, on peut peut-être en retrouver une trace…

Par ailleurs, trop d’interprétations sont médiocres, voire catastrophiques, alors qu’on l’a vu, il s’agit d’œuvres écrites pour des chanteurs d’exception, à la technique belcantiste superlative. Cette école de chant a aujourd’hui complètement disparu, même si, à partir du regain d’intérêt pour Rossini, on  a pu faire ressurgir une forme de ténor virtuose. Mais ce sont trop souvent des ténors légers, qui ne peuvent pas soutenir les tessitures larges et centrales requises. Le public serait-il prêt à accueillir, cependant, une voix barytonale prodigue d’aigus en voix mixte ? 

J’ai listé ici une discographie comprenant les airs et rôles intégraux, classés selon les interprètes d’origine. On pourra ainsi essayer de reconstituer, à l’écoute de ces divers témoignages, la vocalité de tel ou tel artiste.

Je me suis permis d’y ajouter quelques appréciations : ainsi le point d’interrogation est attribué à des œuvres que je n’ai pas entendues, ou peu attentivement. Les étoiles, de une à trois, sanctionnent l’intérêt du ténor dans le rôle interprété (dans LA version disponible) dans l’opéra. Ainsi, même si le rôle de Tito de Gluck est beau, l’interprétation plate d’A. Thompson et Langrée ne soulève pas un enthousiasme fou.

À l’extrême les rôles de ténor que l’on devine très beaux et intéressants mais qui sont trop mal chantés sont désignés par les lettres DOC (ce qui évoquera quelques souvenirs aux lecteurs d’Opera international). C’est particulièrement le cas pour des rôles comme le superbe Temistocle de JC Bach, ou Eraclide dans I Giuochi d’Agrigento de Paisiello, trop mal interprétés pour donner satisfaction à un non passionné – même si dans chaque interprétation, on peut trouver de beaux moments.

Voici donc ce panorama sonore : 

G. Paita :

- Air « Gelido in ogni vena » de Cosroe dans Siroe, de Vinci (Ernesto Palacio en récital avec T. Pal) *

F. Borosini :

- Retransmission radio du concert d’Innsbruck, Don Chisciotte in Sierra Morena (1719) de Conti (Nicolas Rivenq avec Jacobs). ?

- Grimoaldo dans Rodelinda (plusieurs versions) ***

- Bajazet dans Tamerlano de Händel (plusieurs versions) ***

- Sesto (reprise de 1725) dans Giulio Cesare de Händel (airs par Richard Conrad avec Bonynge) DOC

- Sans doute beaucoup de musique sacrée composée par Fux pour la cour de Vienne. ?

G. Pinacci :

- Haliate dans Sosarme de Haendel. Parution sous le titre Fernando chez HWM (Rankl avec Curtis) DOC

- Massimo dans Ezio de Haendel ?

- Retransmission radio de L’Olimpiade de Pergolesi (Beaune 2004 avec Stefano Ferrarri) : rôle de Clistene. *

A. Barbieri :

- Retransmission radio des concerts de la Partenope de Leonardo Vinci (excellent Makusarada avec Florio) : rôle d’Armindo. **

- Airs tirés de La Candace, airs alternatifs de L a Verità in cimento (Vivaldi) chantés par P. Agnew dir. Sardelli (Arie d’Opera chez Opus 111). *

- Mamud dans La Verità in Cimento de Vivaldi (A. Rolfe Johnson avec Spinosi) **

- Vitaliano dans Il Giustino de Vivaldi (deux versions disponibles) ?

On peut supposer aussi qu’il fut le premier Ercole sul Termodonte de Vivaldi, car l’œuvre a été créée à Rome l’année avant Giustino, avec certains éléments de distribution commun (le castrat travesti Farfallino par exemple). Il s’agit d’une hypothèse. Il existe une captation radio d’une version dirigée par Curtis avec Zachary Stains en Ercole.

- air « Gelido in ogni vena » de Cosroe dans Siroe (Ernesto Palacio dans son récital, ou Zanasi dans la version ténor de Farnace, avec Savall) ***

A. P. Fabri (Fabbri) :

- Niso dans La Silvia de Vivaldi (Elwes avec Bezzina ou Agnew avec Sardelli) ?

- Dario dans L’Incoronazione di Dario de Vivaldi (Elwes avec Bezzina) **

- Berengario dans Lotario de Haendel (Davislim avec Curtis) *

- Emilio dans Partenope de Haendel (plusieurs versions) ?

- Alessandro dans Poro, re nell’Indie de Haendel (Sandro Naglia – très médiocre – dir. Biondi) DOC

- Tamese dans Arsilda de Vivaldi (Cornwell avec Sardelli) ?

- Retransmission radio du Telemaco d’A. Scarlatti (K. Spicer avec Hengelbrock) ?

G. Babbi :

- Gualtiero dans La Griselda de Vivaldi (Stefano Ferrari avec Spinosi) *

J. Beard :

- Disque hommage de Kobie Van Rensburg direction W. Katschner (Berlin Classics) ***

- Voir toute la discographie haendelienne ! Chanta dans Alcina, Ariodante, Arminio, Atalanta, Berenice, Giustino et de nombreux oratorios : Semele, Hercules, Theodora, Saül, Jeptha, Belshazzar (rôle-titre)... Superbe Richard Croft en Lurcanio d’Ariodante, dans Theodora, Semele, Hercules… ***

- Artabanes dans Artaxerxes de Arne (Partridge chez Chandos, dir. Goodman) *

- Alfred dans Alfred de Arne (MacDougall avec McGhegan) **

G. Ottani

- Rodoardo, re di Norvegia dans Ricimero du compositeur piemontais Giacinto Calderara : totalement inconnu pour moi, il existe un enregistrement d’un concert de 2003 accessible via http://www.ibmp.it/calderara.htm.  À la création, les renommés Potenza (castrat soprano) et Masi-Giura (soprano) témoigne d’un bon niveau. ?

- Ati et Giove dans, respectivement, Aristeo et Filemo e Bauci de Gluck, tirés des Feste d’Apollo (Magnus Staveland avec Rousset) **

- Tito dans La Clemenza di Tito version Gluck, datée de 1752 ; c’est une supposition ; il était alors le primo tenore de la troupe, et la même équipe créa peu de temps auparavant un opéra de Cocchi. Adrian Thompson l’a interprété au TCE, sous la direction de Louis Langrée, représentation captée par France Musique. *

O. Albuzzi (Albuzio) : rien ! 

F. Tolve 

- Osroa dans Adriano in Siria de Pergolesi (Ezio di Cesare avec Panni, apparemment peu recommandable, chez Bongiovanni). Notre Licida a écouté et commenté l’œuvre pour nous, en détails. Le rôle dédié à Tolve est plutôt du genre haute bravoure majestueuse ! ?

- air « Non so donde viene » de Clistene dans L’Olimpiade de Leonardo Leo (récital d’Ernesto Palacio, dir. Tamas Pal) – rôle qu’il chanta au San Carlo en 1747. **

- air « Ah se fosse intorno » de Tito dans La Clemenza di Tito de Hasse, version dresdoise de l’opéra créé à Pesaro (récital d’Ernesto Palacio, dir. Tamas Pal). *

 

A. Amorevoli

- Segeste dans Arminio de Hasse : air « Tradir sapeste o perfidi » (Peter Scheier dans son album Airs italiens de Bel Canto – s’il s’agit bien de la version dresdoise de 1745) ?

- Retransmission radio de Solimano de Hasse (1750), Innsbrück, Thomas Randle, direction Jacobs. ***

- Teseo dans Ippolito ed Aricia de Traetta (S. Edwards direction Hull chez Dynamic) ?

- Retransmission radio d’Attilio Regolo (Markus Schäfer avec Bernius) de Hasse : rôle de Manlio. **

- Antigono dans Antigono de Hasse. Des extraits ont été donnés en concert, coupant purement et simplement tous les airs du rôle-titre !

D. Panzacchi

- Arbace dans Idomeneo, re di Creta de Mozart **

A. Raaf

- Idomeneo de Mozart (choisissez votre interprète favori…)***

- Retransmission radio du Temistocle de J.C. Bach : R. Söderberg dans le rôle-titre avec Rousset DOC

- Air de concert K. 295 de Mozart (Reti ou Pregardien) ?

- Ariobate dans Il Bellerofonte de Myslivecek (D. Ahlstedt avec Z. Peskò) **

- Günther von Schwarburg de Holzbauer (Pregardien ou Worle ? direction M. Schneider) : Raaff ne l’a, je crois, pas créée mais Mozart l’y a entendu. ?

- Lucio Silla de J.C. Bach (vynil non réédité) ?

- retransmission de Alessandro Nell’Indie de J.C. Bach : John Bowen dans le rôle titre, direction Spering, ***

G. Tibaldi

- Aceste dans Ascanio in Alba de Mozart **

- Admeto dans Alceste de Gluck (version italienne) **

- Carlo Magno dans Il Ruggiero de Hasse (l’œuvre a été enregistrée avec A. Bösman, mais est-elle encore disponible ?) *

- Ulisse dans Telemaco de Gluck (D. Ahlstedt, direction Märzendorfer. La disponibilité est hasardeuse…)* 

A. Cortoni

- Lucio Vero dans Il Vologeso de Jommelli (L. Odinius avec Bernius) **

- Retransmission radio d’un Demofoonte de Jommelli (que Cortoni ait créé cette version est à confirmer, mais l’écriture vocale extrêmement exigeante le laisse à penser… Avec P. Grönlund direction Bernius) *

- Tancredi dans Armida abbandonata de Jommelli version 1770 (excellent G. Ragon avec Rousset) ***

- Iarba dans Didone Abbandonata de Jommelli, version viennoise de 1749 ? (W. Kendall avec Bernius). ?

Giacomo Davide

- Polinesso dans Ginevra di Scozia de Mayr (A. Siragusa avec T. Severini) **

- Orfeo dans L’Anima del filosofo de Haydn (Gedda avec Bonynge, Heilmann avec Hogwood…). Le rôle fut écrit pour lui – à sa mesure ! - mais il ne l’interpréta jamais. ***

- Alfonso dans Ines de Castro de Zingarelli (quattuor dans « One hundred years of italian opera 1800-1810 » avec Ian Caley) *
- La Rosa bianca e la Rosa rossa de Mayr (intégrale chez Fonit Cetra, ténor L. Canonici) ?

- Eraclide dans I Giuochi d’Agrigento de Paisiello (Marcello Nardis, naufrageant dans le rôle à Martina Franca, sans doute à paraître chez Dynamic) DOC

M. Babbini

- Marco Orazio dans Gli Orazi ed i Curiazi de Cimarosa (plusieurs versions live) **

- retransmission de L’Olimpiade de Cimarosa, rôle de Clistene : Luigi Petroni  avec Marcon *

G. Ansani

- Demofoonte de Schuster (Andreas Post avec Ludger Remy) ?

- Creonte dans Antigona de Myslivecek, air « Sarò qual è il torrente » (transposé pour M. Kozena, avec Swierczewski, récital Le belle immagini). Opéra donné intégralement, récemment au festival de Rheinberg, avec Janis Kursevs, direction Roger Boggash. DOC

- Agamennone dans Ifigenia in Aulide de Martin y Soler (Luigi Petroni avec J. B. Otero). Seuls des extraits ont fait l’objet d’une parution officielle, en video, complément de la version « Orlando » de Porpora par la même équipe. DOC

V. Adamberger

- Belmonte dans Die Entführung aus dem Serail de Mozart (chacun choisira sa référence…) ***

- Scipione dans La Clemenza di Scipione de J.C. Bach (M. Schäfer avec H. Max) ?

- Vogelsang dans Der Schauspieldirektor de Mozart **

- Abramo dans Abramo ed Isacco de Myslivecek ***

- ténor dans Davidde Penitente de Mozart ***

- Airs de concert de Mozart (K 420, 431, 469 et participe au K471)

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28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 18:19

2 – LA REFORME ET LES TENORS INSTALLÉS AU SOMMET
Des années 1750 à la fin du 18ème.

La réforme de l’opéra seria – interaction avec la tragédie lyrique française : 

Une nouvelle génération émerge, portée par les rôles que nous avons évoqués. Alors que nous parvenons à la seconde moitié du 18ème siècle, les ténors sont désormais quasi imposés sur scène, leur présence en tête des distributions paraît normale, auprès des castrats. Ces derniers, comme le genre opera seria de manière générale, sont assez malmenés : les idées des lumières, le triomphe de la raison particulièrement encouragé par les français peu amateurs de châtrés ne jouent pas en leur faveur – voir les perfides écrits d’Ange Goudar et d’autres observateurs français.

L’opéra français – la France est le seul pays ayant résisté sourdement aux charmes de l’opera seria, installé de Lisbonne à Stockholm en passant par Saint-Peterbourg - a toujours privilégié très largement le ténor « haute-contre », à la tessiture nettement plus aiguë et la virtuosité moins franche, au castrat. Le rationalisme français railla toujours les « incommodés » de la cour versaillaise, invités par Mazarin, et ne leur réserva pas de place lors de la création de la tragédie lyrique.

Cependant, Lully (et pour cause) mais surtout Charpentier, Campra, Mondonville ou Rameau tour à tour ne sont pas insensibles à l’école italienne, écrivant des « ariettes » vocalisantes pour leur dessus et haute-contre - ariettes sans commune mesure, tout de même, avec les impétueuses arias di bravura italiennes. Ainsi, les grands castrats et le ténor Raaff font sensation auprès du public en se produisant en récital au concert spirituel ! Et Gluck, Grétry, Piccinni renforcent l’influence italienne à l’opéra et l’opéra comique : que l’on pense à l’air « En butte aux fureurs de l’orage » du Roland de Piccinni, ou « Amour vient rendre à mon âme », d’Orphée de Gluck. La haute-contre Legros était suffisamment rompue à l’art vocal italien pour affronter ces airs qui sont, pour l’occasion, à la hauteur des meilleurs pages d’opéra seria. C’est bien normal du reste : Gluck avait simplement recyclé un de ses vieux airs italien, comme à son habitude. 

L’opera seria s’intéresse aussi à l’opéra français, en cette époque de recherche et de réforme : un sens de la continuité dans les enchaînements,  un peu plus de souplesse formelle, une implication accrue des chœurs, du ballet, de l’orchestre, des ensembles vocaux plus nombreux… Cependant, même si certains livrets sont repris, c’est en les adaptant aux typologies vocales italiennes ; hors de question de renoncer aux castrats : Hyppolite et Aricie devient Ippolito ed Aricia avec la Gabrielli , le soprano Filippo Elisi et le ténor Amorevoli en Teseo. Castor et Pollux devient I Tintaridi, avec cette fois-ci le ténor Panzacchi en Polluce. Les deux œuvres sont du grand réformateur Traetta, réforme également à l’œuvre dans son Ifigenia in Tauride…Mais c’est le contralto Guadagni qui est Oreste ! Jommelli met même en musique une adaptation du vieux Phaëton de Quinault, datant de Lully : Fetonte. La représentation est extrêmement luxueuse, mais avec avant tout une floppée de soprani masculins et féminins, là encore.

Cette réforme (souvent attribuée de façon trop simpliste à Gluck) se fait donc petit à petit de façon complexe, mais globalement la place donnée aux castrats tend à se réduire sensiblement, dans des rôles souvent dramatiquement moins riches. Néanmoins, lorsque Gluck donne des œuvres « réformées », épurées, c’est souvent le ténor qui est évacué pour se recentrer sur le couple d’amant, encore symbolisé par un castrat et une soprane : Paride ed Elena, Orfeo. Telemaco sera aussi confié au contraltiste Guadagni, premier rôle, le ténor Tibaldi étant Ulisse. En revanche, Alceste omet les castrats au profit de ce célèbre Tibaldi, tandis que la fin de carrière de Gluck, en France, exclut naturellement le castrat.

Le ténor reste l’apanage des rôles de rois, despotes finalement éclairés, les amants heureux, l’idéal de pureté et de vertu restant l’apanage du héros-castrat. Les ténors sont ainsi souvent gratifiés des pages les plus tourmentées et intéressantes ; ce sont des personnages agissants, de pouvoir et, amants malheureux, ils peuvent roucouler avec tristesse (mais plus souvent fulminer), et s’épancher dans les récitatifs accompagnés qui se font plus nombreux. 

Les nouveaux librettistes, comme Coltellini ou Verazi, écrivent ou adaptent des œuvres en phase avec ces nouvelles données dramatico-musicales, désormais bien assises. Par ailleurs, preuve du succès des ténors, les distributions en comprennent parfois deux : en tête caracolent le primo uomo (castrat), la prima donna et le ténor. Viennent ensuite le secondo uomo (castrat), la seconda donna, et, dans les derniers de la hiérarchie : le secondo tenore (Cf Aufidio dans Lucio Silla, Marzio dans Mitridate). N’oublions pas que les airs des seconds ténors parviennent pourtant largement à mettre en difficulté nos interprètes actuels !

Dès 1747, on pouvait voir des opéras afficher deux ténors, par exemple L’Adriano in Siria de Latilla, donné au San Carlo avec Pinacci et Babbi. En 1742, c’était l’Andromaca de Leo, donné avec Albuzzi et Barbieri.

L’opéra réformé par Jommelli, Traetta, Gluck, Salieri, Mozart, J.C. Bach, fait donc la part belle aux ténors, encore de tessiture centrale, apte à de très grands écarts sur un large ambitus, et souvent grands vocalistes. Les grands sauts d’intervalle sont toujours une spécialité, surtout pour les voix robustes moins aptes à la haute virtuosité et à la recherche de l’aigu, grande dérive du chant dès les années 1750 : cet aigu, chez les ténors, est toujours exploré en « falsettone », avec de plus en plus d’assurance, et peut se faire doux ou percutant. Mais il faut admettre que la tendance générale a porté vers une exécution toujours plus rapide des vocalises, et une chasse effrénée vers l’aigu, touchant particulièrement les soprani masculins et féminins, et entraînant la raréfaction du contralto (quasi-disparition des contralti féminins). Stylistiquement, effectivement, la réforme et les critiques à l’encontre d’un virtuosisme gratuit encouragé par le public et la surenchère des artistes trouve leur contrepoint dans un style plus mesuré. Certains chanteurs se font chantres d’un style plus épuré, teinté d’un sentimentalisme dolent, à la fin du 18ème, comme les castrats Pacchierotti, Guarducci, la soprane Todi, ou le ténor Babbini.

Le rôle de l’opera buffa :  

La parodie L’Opera Seria de Gassman, créée à Vienne en 1769 (au moment où le buffa prenait le pas sur le seria dans la ville), met en scène une troupe médiocre à la tête de laquelle se trouve un ténor caricaturé dans sa recherche gratuite de virtuosité et de suraigus (très aigus !!). On peut se dire que la caricature vise tout également les castrats, mais dans une troupe bouffe comme au Burgtheater, difficile d’en présenter un en rôle principal. Cela prouve de toute façon que le ténor avait acquis une légitimité qui le plaçait au premier rang des distributions. C’est sans doute aussi un facteur économique qui est aussi présenté : une compagnie incapable de s’offrir un primo uomo castrat, qui s’empêtre d’un ténor uniquement préoccupé d’exhiber ses triolets et ses aigus.

Signalons au passage que le développement de l’opéra bouffe a permis à des chanteurs moins doués vocalement de faire carrière, et sous le règne de la basse bouffe, castrats, cantatrices et ténors se sont fait une place. Les ténors, avec leur voix naturelle, pouvaient s’imposer sur tous les plans : comique et sérieux, et être enfin amoureux et aimés de retour, tandis que les castrats se voyait reléguer dans des rôles uniquement sérieux, qui paraissent souvent un peu fades. Les rôles de Lelio dans La Capriciosa corretta de Martin y Soler, Ferrando dans Cosi fan tutte,  Belfiore dans La Finta giardinera, Filindo dans La Fedeltà premiata de Haydn, Paolino dans Il Matrimonio segreto de Cimarosa ou Fenton dans le Falstaff de Salieri sont loin d’être des rôles faciles, et oscillent entre l’expression seria de leurs sentiments et leur participation à l’intrigue comique. De nouvelles cordes à l’arc des ténors, et une nouvelle place sur les scènes et dans le cœur du public, qui influence fatalement sur leur aura dans le « grand » genre. 

Le dernier souffle des castrats : 

Cette vague du buffa a une influence certaine, car comme nous venons de le voir les castrats y sont plus rares et en retrait. Et à Vienne, où l’empereur est plus amateur de buffa, peu de castrats sous la main. De même, le prince Esterhazy semble privilégier l’opéra buffa. Sa troupe compte donc des sopranos, basses et ténors. Si bien que lorsque son compositeur Haydn se lance dans la composition de sa première œuvre seria d’envergure, il n’a pas de castrats à disposition : dans Armida, de 1784, Rinaldo est ténor (un certain Jermoli, futur Almaviva de Paisiello), et la distribution compte encore deux autres ténors ! En comparaison, les Rinaldo de Salieri, ou Sarti, dans des œuvres datées respectivement de 1771 et 1786, sont des castrats. Pour Rossini, à Naples quelques trente années plus tard, la question ne se pose quasiment plus, et il ne recourt même pas à un contralto en travesti : son Rinaldo sera l’immense ténor Nozzari.

Tout n’est pas gagné, cependant, en ces dernières décennies du siècle : en 1778, la Scala de Milan est inaugurée avec un faste immense par un ouvrage original de Salieri, et on a recherché le luxe avec deux grandes prime donne prodigues en suraigus (Danzi-Lebrun, vocalisant sur l’accompagnement de son mari hautboïste dans « Quando irato freme », et la Balducci ) et deux célèbres castrats (Pacchierotti et Rubinelli), dans Europa Riconosciuta. Un ténor complète bien la distribution en méchant de service, mais il est clairement en retrait vocalement et dramatiquement. Les castrats n’ont pas encore laissé la place libre !

En revanche, La Fenice est inaugurée en 1792 avec I Giuochi d’Agrigento de Paisiello, où le ténor Giacomo Davide triomphe en Eraclide, un rôle de premier plan. En 1801, ce sera l’opéra de Trieste avec Ginevra di Scozia de Mayr (tout jeune) : le même Davide partage l’affiche avec une soprane et le castrat Marchesi, lui aussi dans les dernières années de sa carrière.

À la toute fin du 18ème, avec l’abandon de la pratique de la castration, la raréfaction des grands castrats (Marchesi touche à la fin de sa carrière, et seuls Crescentini et Velutti sont encore des étoiles du chant) et la critique de plus en plus marquée de leur présence en scène, les ténors prennent encore plus le devant de la scène.

Une anecdote connue montre bien que le castrat devait lutter pour garder ses prérogatives, de plus en plus osbolètes : Crescentini exigea qu’on échangeât son costume avec celui du ténor Brizzi un quart d’heure avant le lever de rideau lors d’une représentation de Gli Orazi ed i Curiazi de Cimarosa aux Tuileries, aussi mal ajusté qu’il fût, sous prétexte qu’il était plus brillant. Il était le primo uomo ! 

Velutti créé un dernier opéra d’envergure en 1824, Il Crociato in Egitto de Meyerbeer, mais il fait quasiment déjà figure de curiosité, lorsqu’il reprend l’œuvre à Londres. En revanche, les ténors belcantistes époustouflants sont légion : Mombelli, Donzelli, Vigaroni, Tramezzani, Siboni, Tacchinardi, Crivelli, Davide, Nozzari, Garcia, etc. 

On cherchera encore, dans les rôles d’amants, à substituer les castrats par des contralti en travestis, qui font leur grand retour après avoir été écartés des scènes dans la seconde moitié du 18ème, au profit des tessitures féminines aiguës. Néanmoins, elles ne survivront pas au romantisme.

Et il faudra attendre l’effacement du bel canto pour voir triompher les ténors, dans un nouveau triangle dramatique conventionnel ténor-soprano-baryton, et s’emparer définitivement des rôles d’amants. Tant pis pour eux : ce sont les barytons qui vont souvent récupérer les rôles les plus complexes et intéressants, dramatiquement, et dont les enjeux reprennent parfois ceux des grands ténors tyranniques métastasiens ! C’est sans doute à partir de ce changement que l’on a pu commencer à dire « bête comme un ténor »…

Les ténors glorieux de la seconde moitié du XVIIIème :

Anton Raaff : Acteur limité, mais chanteur mythique dans le panthéon des ténors et des belcantistes ; on pourra à son sujet se reporter au passionnant et très complet dossier consultable sur ODB .

L’avantage est de pouvoir suivre très précisément les types de rôles abordés par un ténor pendant sa longue carrière. On y notera, bien entendu, les habituels rôles métastasiens.

Gaetano Ottani, quant à lui, semble avoir mené une très belle carrière également, par exemple dans deux rôles différents (le roi Latino puis le méchant Turno) de deux versions d’Enea in Lazio de Traetta, mais relativement peu d’informations sont disponibles. Difficile de situer sa place dans le panorama de l’époque. Capable de succéder à Babbi à Naples, il est désigné par Burney comme "un maître dans sa profession, avec une voix excellente". Quelques détails supplémentaires dans ce dossier sur Le Feste d’Apollo de Gluck.

Domenico (De) Panzacchi chante Arbace aux côtés de Raaff dans Idomeneo, lui aussi en fin de carrière, ce qui lui assure aujourd’hui un minimum de notoriété. Ses airs proposent un style archaïsant avec des restes de virtuosité. Formé, comme son illustre collègue Raaff, à l’école de Bernacchi, Panzacchi semble avoir mené une carrière honorable dès les années 1740, incarnant le primo tenore de plusieurs opéras, sur diverses scènes européennes. Il est notamment Alessandro d’un Re Pastore de Guglielmi à Munich, auprès du même castrat Consoli qui participa aussi à la création du Re Pastore de Mozart. Il est en effet signalé « virtuoso de S.A.E. l’elettore di Baviera » dans les années 1760. Et il ne fallait pas être mauvais pour être invité par Farinelli à chanter dans la brillante troupe réunie par ses soins à Madrid, où il donne, en 1753, Semiramide Riconosciuta de Jommelli en compagnie de la Mingotti (rôle d’Ircano), et Demetrio du même. Il chante aussi à Dresde Romolo ed Ersilia de Hasse. L’occasion de noter que ces ténors faisaient souvent des carrières de trente à quarante ans sans sourciller ! La solidité à toute épreuve de l’école belcantiste…

Giuseppe Tibaldi fut incontestablement un chanteur de première importance, à l’échelle européenne. Il chanta dans plusieurs opere serie de Gluck : Admeto dans Alceste (1767), Ulisse dans Telemaco, Porsenna du Trionfo di Clelia pour l’inauguration du teatro Comunale de Bologne en 1763... Il crée le rôle-titre d’Antigono de Traetta, ou Marte dans sa Pace di Mercurio, et chante Toante (Thoas) dans son Ifigenia in Tauride à Vienne. On le retrouve sur plusieurs scènes vénitiennes avec les castrats Aprile ou Manzuoli dans les années 1760, dans les désormais habituels Antigono (Galuppi), Alessandro nell’Indie et Tito de la Clemenza (les deux de Scolari), ou Artabano dans les Artaserse de Scolari et Di Majo…Le plus modeste rôle d’Aceste dans l’Ascanio in Alba (1771) ne témoigne sans doute pas de tous ses talents, contrairement à Carlo Magno dans le Ruggiero de Hasse, créé en même temps, et fort exigeant techniquement.

Qu’aurait été le Lucio Silla de Mozart si le célèbre Arcangelo Cortoni, prévu à l’origine, avait pu en assurer la création ? Une toute autre œuvre, assurément. Cortoni était un très grand virtuose qui aurait pu stimuler l’imagination du jeune Mozart au même niveau que Rauzzini et De Amicis, avec les deux airs supplémentaires prévus à l’origine par le livret ! D’autant que Mozart avait déjà pu l’entendre dans l’Armida abbandonata de Jommelli. Quel dommage, vraiment. Cortoni a assumé une des toutes premières places en Europe, avec une technique d’une virtuosité hallucinante, à la hauteur d’un Raaff.

Giovanni Ansani était aussi un des ténors les plus en vue de son temps, voix douce et puissante (Burney), technique parfaite. Sa carrière fut essentiellement italienne, néanmoins il se fit entendre jusqu’à Copenhague et Berlin. Nul doute, à l’écoute des airs qui lui furent destinés qu’il était, comme ses collègues Raaff, Davide (son rival, qu’il remplaça avantageusement dans le Pirro de Paisiello) et Cortoni, un virtuose étonnant, dans des parties difficiles à soutenir aujourd’hui. Il fut l’interprète brillant des grands compositeurs de son époque : Anfossi, Cimarosa, Paisiello, avant de former la dernière grande génération belcantistes, dont Manuel Garcia, Luigi Labacle…

Matteo Babbini (Babini), élève de Cortoni, n’avait apparemment pas la facilité vocale de ses collègues, mais pouvait s’inscrire aisément dans une époque où les artistes sensibles étaient très prisés, pour la simplicité et la justesse de leur expression, aux côtés de grands virtuoses. Il fut Marco Orazio auprès des mythiques Crescentini et Grassini lors de la création de Gli Orazi ed i Curiazi de Cimarosa à Venise, en 1796. De passage à Paris, il chante aux côtés de Marie-Antoinette…L’anecdote (sans doute inventée) racontant qu’une femme, à sa mort en 1816, réclama qu’on déclouât son cercueil pour contempler une dernière fois son idole, témoigne du statut de star que les ténors avaient réussi à ériger.

Valentin Adamberger  est, à l’instar de Raaff, un exemple de grand ténor germanique qui sut s’imposer au niveau européen dans le genre italien. D’abord attaché à la cour de Munich, il parcourt l’Italie avec grand succès et va s’imposer jusqu’au King’s theatre de Londres à la fin des années 1770…. Ceci sans la permission de ses employeurs, ce qui lui vaut d’être renvoyé à son retour en Bavière. Il est alors immédiatement engagé au Wiener Hofoper, Vienne où il sera premier ténor jusqu’en 1798 ! Il y crée de nombreux rôles, souvent comiques, car c’était le répertoire principalement donné à Vienne. Néanmoins il se frotte au Tito de Giulio Sabino de Sarti, et Gluck réécrit pour lui Oreste pour ténor, dans la version viennoise d’ Iphigénie en Tauride. Mozart en parla comme d’un « chanteur dont l’Allemagne peut être fière ».

Giacomo Davide est une figure charnière de l’histoire du bel canto ; ténor à la présence intense, et au chant attaché à l’école belcantiste la plus brillante, il chanta tant des compositeurs ancrés dans le 18ème que la nouvelle école, à la fin de sa très longue carrière débutée en 1773 et encore en cours en 1813 (La Rosa bianca de Mayr à Gênes) ! Il interpréta Paisiello, Cimarosa, Sarti, Sacchini, et même Haendel, sans oublier les plus modernes Bianchi, Frederici, Zingarelli, et surtout Mayr au début du 19ème. Il faisait partie de ces vrais ténors, à la voix large mais conquérante dans l’aigu, toujours émis en falsettone. Bien qu’assez âgé il affronte encore des parties ardues dans Ginevra di Scozia, à l’inauguration du théâtre de Trieste en 1801. On fait encore appel à lui pour la première saison du teatro Carcano de Milan en 1803. Il aura pour élèves son propre fils, Giovanni, à qui il apprendra une hallucinante maîtrise de l’aigu et du suraigu et de la virtuosité la plus impétueuse, et le baryténor Andrea Nozzari, plus attaché à une certaine école du 18ème siècle. Ces deux ténors feront la gloire des opéras de Rossini, à Naples, et des premières œuvres de Pacini, Donizetti, Mayr…Ils transmettront au 19ème siècle l’art belcantiste, avant que le romantisme ne définisse un nouveau type de ténor, qui modifiera la technique et l’expression dans les années 1830 à 40.

Une page sera tournée, c’est une autre histoire.

 

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28 août 2006 1 28 /08 /août /2006 17:22

Devant la foule en délire, voilà revenue mise-à-jour et complétée la somme clementique sur le ténor seria; étant donnée la taille de l'article, je me permets de le tronçonner avec l'accord de l'auteur.

 

LE TENOR D’OPERA SERIA AU XVIIIème SIECLE
Du confident au Roi

 

Anton Raaff… Le plus fameux. 

Je me propose de présenter un panorama des ténors des 18ème siècle, dans le cadre précis du genre opera seria. On sait que ce genre a beaucoup évolué, et que la place des ténors par rapport à leurs collègues castrats et cantatrices a tout autant changé.
Malheureusement, il reste trop peu de témoignages discographiques ou d’œuvres de cette époque pour pouvoir retracer avec une grande précision, pour un amateur, l’ascension de ce type de voix, finalement triomphante chez Rossini - qui n’est que le dernier brillantissime avatar du bel canto hérité de la fin du 17ème siècle.
Essayons donc de reconstituer ce parcours, en nous arrêtant à quelques noms illustres.

 

  

 

1 - L’ASCENSION  


Au 17ème siècle : 
Le « premier opéra » resté au répertoire, L’Orfeo de Monteverdi, propose dans le rôle-titre un prototype du ténor de l’époque : très barytonnant, et virtuose – de toute façon, toutes les voix sont tenues de vocaliser aisément. Il s’agissait alors du célèbre élève de Caccini, Francesco Rasi. Déjà, cependant, les castrats avaient fait leur apparition et commençaient à étendre leur hégémonie sur les scènes lyriques naissantes. Les ténors se trouvèrent assez vite relégués aux rôles secondaires : valets, duègnes (pour les ténors aigus), subalternes…A. Scarlatti réécrivit pour le célèbre castrat Siface (une des trois-quatre stars du genre émergeant au 17ème siècle) le rôle de Mitridate, ténor à l’origine dans son Pompeo : succès immense.
Un seule rôle principal d’amant ténor a été relevé par Rodolfo Celetti dans son Histoire du Bel Canto, Alidoro dans l’Orontea de Cesti ; néanmoins le rôle est interprété par Jacobs dans son intégrale de l’œuvre…

Une forme seria bien établie – la réforme arcadienne : 
Au début des années 1700, l’opera seria, sous l’impulsion de F. Gasparini, A. Steffani, A. Scarlatti ou G. Bononcini, est déjà bien établi dans sa succession d’airs da capo et de récitatifs. L’exubérance et le foisonnement de personnages propres à l’opéra du siècle passé tendent à disparaître ; évacués, la foule des duègnes et valets, et les interventions des Dieux de l’Olympes.
Les théoriciens et mécènes regroupés dans l’Académie de l’Arcadie prônent une simplification et une réduction du nombre de personnages, s’éloignent peu à peu de la machinerie et du merveilleux, et célèbrent avec sérieux les vertus sublimes des bergers et la pureté de leur sentiments, transposés dans l’univers de cour. Le castrat, voix à la perfection inaccessible d’un paradis perdu, est l’interprète privilégié de ces modes d’expression (malgré les anecdotes salées qui émaillent leur carrière) ; il s’est déjà imposé au siècle précédent et jouit d’un statut auquel seules quelques cantatrices peuvent également prétendre.

Ces voix sont également celles qui infléchissent l’opéra vers toujours plus de virtuosité, suivies en cela par les compositeurs, le public séduit, et les voix « naturelles » bien obligées de tenter de s’adapter à la tendance – voix de femmes, ténors, basses… La virtuosité vocale atteint des sommets dès les années 20 ou 30, période à laquelle Farinelli, symbole du bel canto, débute avec le succès que l’on connaît. Le style de chant à pleine voix, héroïque, les notes répétées, trilles, staccati, deviennent des conventions d’écriture pour toutes les voix. Les ténors, avec leur voix pleine, puissante, et leur capacité de jeu, peuvent s’imposer. Maîtres d’une technique de plus en plus brillante, quelques noms réussissent à se hisser.

Pour autant, dans son  Teatro alla moda, daté de 1720, Marcello indique ironiquement les rôles destinés aux ténors en ce début du 18ème : « capitaine de la garde, ami du roi, berger, messager etc. » Les décennies suivantes verront la situation évoluer à leur avantage !

Quelques noms des années 1700-1750 : 
Un interprète parvient à se faire un nom : Francesco Borosini, qui se fit vite un nom à la cours de Vienne, chantant Fux, Caldara et Conti. Dix ans après ses débuts locaux, il occupait des rôles de premier plan et était un des mieux payés, fait exceptionnel à cette époque pour un ténor. Entre-temps il s’était essayé sur les scènes de Modène ou Venise, incarnant notamment un Bajazet de Gasparini, dont on dit qu’il influença particulièrement l’écriture du livret pour en tirer un rôle à sa mesure, annonçant ce qui sera une typologie de rôle systématiquement ténorale par la suite. Borosini, engagé par Haendel, arrive à séduire les Londoniens réputés peu amateurs de ce type de voix, lors de la saison 1724-1725, tant par son jeu et sa présence intense que pour ses capacités vocales. Pour l’occasion, Haendel lui offre des rôles de premier plan, ce qui est tout à fait nouveau pour l’époque : Bajazet dans Tamerlano (bien plus important que le rôle-titre), le méchant Garibaldo dans Rodelinda. Les tessitures haendeliennes de ses rôles l’amènent du sol2 au  mi3, même si dans les extrêmes il atteint le do2 et le la3 : un vrai baryténor, capable d’offrir des couleurs de ténor comme de baryton. Le compositeur Porsile lui réservera encore un rôle d’envergure, avec une scène de folie, dans Spartaco, exploitant à fond ses ressources dramatiques. Sa carrière sera d’ailleurs particulièrement longue, puisqu’on le crédite encore en 1747 dans Il Bellerofonte de Terradellas, soit 39 ans après ses début dans un opéra vénitien de Lotti.


D’autres ténors arrivent à se faire un nom, notamment Antonio Barbieri, très actif à Venise dans les années 1710-1740, mais aussi à Rome, et qui créa un certain nombre de rôles chez Vivaldi, Vinci, Albinoni, Porta, Hasse (Demetrio)…Ou encore, en 1733, la brillante production d’Adriano in Siria de Giacomelli, avec Farinelli. Il bénéficia du titre prestigieux de « virtuoso di S.A.S. Filippo d’Hassia Darmetad (Hesse Darmstadt) ».


Giovanni Paita, en avance sur la tendance à  venir à la manière d’un Borosini, incarne souvent les rois et des personnages dramatiquement de premier plan, dès le début du siècle. Il succède d’ailleurs à Borosini en Bajazet dans la troisième mise en musique du livret par Gasparini, en 1723. Dans les années 1710-1730, à Venise, il a l’occasion de chanter avec les jeunes Senesino, Bordoni ou Carestini dans des ouvrages de Lotti, Pollarolo, Giacomelli, Albinoni, Porpora…Il sera aussi un des premiers rois métastasiens : Cosroe dans Siroe de Vinci, après avoir été un Bajazet, ou un Berengario. Des connaisseurs comme Metastasio ou le flûtiste Quantz le louèrent chaudement, ce dernier le nommant « roi des ténors ».


Un certain Marc’Antonio Mareschi se voit confier des rôles d’envergure dramatiquement et même vocalement dans l’Olimpiade et Bajazet de Vivaldi. Sa carrière se poursuivra avec succès en Italie.
Ces (bary)ténors un peu « vieille école » ne font pas preuve d’une virtuosité de bravoure aussi débridée que les castrats ou leurs collègues des générations suivantes, mais d’une grande aisance sur leur longue tessiture, notamment ce fameux « canto di sbalzo », avec ses grands intervalles.


Néanmoins, un ténor annonce la tendance à venir, avec une voix aux possibilités plus larges dans l’aigu (sans renoncer au grave), toujours atteint en « falsettone » au dessus du sol-la3 : il s’agit d’Annibale Pio Fabri, dit « Balino ». Son art lui permet d’approcher les grands castrats et cantatrices en termes de colorature, comme en témoignent les airs extrêmement ardus composés par Vivaldi ou Haendel pour ce chanteur hors du commun. Celleti, dans son Histoire du bel canto, note que les airs de Berengario dans Lotario sont des sommets de difficultés seulement égalés par les airs composés par Hasse pour Amorevoli.


Sur les traces de Fabri marche également le très virtuose Gregorio Babbi (Balbi ?), qui chante auprès des plus grands de son époque, notamment dans les années 1740 au San Carlo avec Caffarelli, Gizziello, la Tesi …Tant et si bien que l’impresario, voyant le public lassé de toujours entendre ce même ténor, finit à la saison 1752 par lui substituer Gaetano Ottani. Babbi échappera miraculeusement, avec ses collègues, au tremblement de terre du Portugal en 1754, alors qu’il devait chanter l’Alessandro nell’Indie de Perez avec Caffarelli.


En Angleterre, débutant chez Haendel, apparaît l’étonnant John Beard. Ce musicien jouira d’une carrière fort longue en grande Bretagne, créant de très nombreux rôles haendeliens tant à l’opéra qu’à l’oratorio, où la voix de castrat était très rare, laissant la place aux voix « naturelles » :  citons, pour l’opéra, Alcina, Ariodante, Arminio, Atalanta, Berenice, Giustino. Il reprit même le rôle créé par Fabri dans Partenope, et Goffredo dans Rinaldo. Cependant il faut noter que les rôles de Beard, dans le seria restent en retrait, malgré son talent vocal et sa haute virtuosité, par rapport aux incarnations de Fabri ou Borosini, à une époque où les ténors prennent de l’importance. C’est dans l’oratorio qu’il trouve des emplois de premier plan. Plus tard, il participe à la création de plusieurs opéras de Arne, notamment la version de 1753 du délectable Alfred, puis tardivement, en fin de carrière, Artabanes dans Artaxerxes, ces deux œuvres étant chantées en langue anglaise, mais répondant plus ou moins à des canons musicaux italiens.

Haendel sera également convaincu par le ténor Giovanni Battista Pinacci, pour qui en 1731 il remonte enfin son Tamerlano, trouvant un Bajazet à la hauteur de Borosini, ainsi que des rôles initialement dédiés à Fabri. Il lui écrit des rôles consistants, dramatiquement et vocalement, dans Ezio et Sosarme. Pinacci reprend ensuite sa brillante carrière italienne, chantant à Venise dans les rôles qui commencent à s’imposer aux grands ténors : Cosroe, Bajazet, Alessandro, dans des mises en musique de Pollarolo, Hasse…Il reprend en 1747 le rôle de Fenicio dans Demetrio, écrit par Hasse pour Barbieri.

Angelo Amorevoli est un des plus grands ténors du 18ème siècle, ce dont atteste les distributions où il apparaît, dans de tous premiers rôles. Il chante déjà, à quatorze ans, dans la Dalisa de Hasse à Venise ! Sa carrière fulgurante le porte dans toute l’Italie, Londres, et Dresde où il s’établit longuement et chante beaucoup d’œuvres de Hasse, établi sur place et faisant de la cour dresdoise un des centres musicaux les plus brillants d’Europe. Amorevoli participe aux longues festivités de juin 1747 célébrant un double mariage princier, interprétant La Spartana generosa avec la Bordoni et Carestini. Hasse lui écrivit, dans un Arminio dresdois (1745), un air de tempête « qui se distingue par la longueur de ses traits vocalisés, la rapidité des groupes de notes et par son ambitus vocal (du fa2 au si bémol 3) », écrit R. Celetti dans son « Histoire du bel canto », et qui n’hésite pas à voir en lui le meilleur ténor de la première moitié du 18ème.

De même, Ottavio Albuzzi est un exemple des possibilités de ces nouveaux ténors, capables de rivaliser avec les castrats sur leur propre terrain : le rôle d’Ircano dans Semiramide de Hasse comporte, dans l’air « Talor se freme il vento », des figures virtuoses typiques comme des trilles brefs répétés, des grands sauts, et chant staccato. Il chante Artabano dans l’Artaserse de Vinci opposé à Caffarelli en 1743, à Naples, ou Fenicio dans le Demetrio vénitien du jeune Gluck en 1742.

Aux côtés des Babbi, Albuzzi, et du fameux Amorevoli, un autre ténor de très grand renom est à citer : Francesco Tolve. Il est signalé dans de nombreuses distributions vénitiennes sur la scène du San Giovanni Grisostomo, la plus brillante du point de vue vocal, avec tous les plus grands castrats et cantatrices de l’époque, dans les années 30 et 40. Il sera également à Londres pour chanter dans la compagnie rivale de Haendel, par exemple une Clemenza di Tito de Veracini face au Sesto de Farinelli. Il s’agit néanmoins d’un des noms qui mérite de figurer au panthéon des interprètes du 18ème siècle.

Ces derniers ténors accompagneront la nouvelle tendance et s’imposeront de plus en plus jusqu’au sommet des distributions, et dans le cœur du public, provoquant le même enthousiasme que leurs collègues castrats et cantatrices.

L’opera métastasien : les ténors s’approprient certains rôles
Car l’opéra continue d’évoluer : avec la réforme métastasienne, et les livrets au succès immenses qui sont continuellement mis en musique, de nouveaux rôles s’affirment qui seront vite très souvent attribués à des ténors : ces rois déchirés entre amour et devoir, ces rois/pères intransigeants, confrontés à de cruels dilemmes (comme Bajazet, rôle que les ténors s’étaient déjà attribués) et qui finissent en dernier lieu par « Vincer se stesso… », être vainqueur de leurs passions pour régner avec vertu et raison, faire preuve d’une abnégation sublime. 
Citons ainsi Tito dans la Clemenza di Tito, Artabano dans Artaserse, Demofoonte, Lucio Vero (opera parfois appelé Vologeso), Alessandro nell’Indie, Temistocle, dans les opéras qui portent leur nom, le même Alessandro dans Il re pastore, Cosroe dans Siroe, Antigono, etc.

Petit  à petit, les compositeurs établissent quasi systématiquement un triangle dramatique dominé par le ténor dans ce type de rôle, aux côtés d’une prima donna soprano, et d’un primo uomo, amoureux torturé et vertueux, castrat soprano (le plus souvent) : par exemple les triangles Sesto-Tito-Vitellia ( L a Clemenza di Tito), Alessandro-Cleofide-Poro (Alessandro nell’Indie), ou Lucio Vero-Vologeso-Berenice (Lucio Vero)…. Plus qu’auparavant, l’opéra belcantiste fixe des typologies vocales précises à certains types de rôles. Le triangle se fait carré avec un personnage rival (souvent UNE rivale : Creusa face à Demofoonte-Dircea-Timante, Laodice face à Cosroe-Siroe-Emira), ou personnalité de pouvoir, si ce n’est pas le ténor (Artaserse face à Artabano-Arbace-Mandane), quand on peut réunir quatre interprètes de premier plan. Même dans les livrets plus anciens ou non métastasien, on se met à rechercher cette configuration, en reprenant Griselda, Bajazet…
D
e même, les « feste teatrale » et autre « serenate » se feront souvent à trois ou quatre personnages, suivant ces schémas : voir L’Innocenza giustificata écrite par Durazzo pour Gluck sur des airs de Metastasio, avec soprano, castrat soprano et ténor (avec une épisodique seconda donna). Ou encore Le Cinesi du même Gluck (livret de Metastase).

Bien entendu, au cours des années 30 et 40, la déferlante métastasienne en cours se déroule souvent sans les ténors, leur présence au tout premier plan n’est pas encore évidente. Le premier opéra composé sur La Clemenza di Tito en 1734, par Caldara, propose ainsi un Tito contralto. Il en est de même pour l’Alessandro de la Cleofide (d’après Alessando nell’Indie) de Hasse, de 1733, confié au castrat Annibali. Significatif est le cas de l’Artabano de l’Artaserse du même Hasse, proposé à Venise en 1730 avec dans le rôle le contraltiste célèbre Nicolino (rappelez-vous, le premier Rinaldo de Haendel ! Et ainsi destinataire du célèbre « Pallido il sole ») tandis qu’en 1734, sans doute à l’occasion d’une reprise dans la même ville avec des ajouts de Galuppi, c’est Francesco Tolve qui reprend le rôle auprès de Farinelli et Caffarelli.
En 1737, l’inauguration luxueuse du San Carlo de Naples se fait avec l’Achille in Sciro de Domenico Sarro, livret de Metastase, avec le contralto Vittoria Tesi en Achille, la Peruzzi en Deidamia, et le grand ténor Amorevoli (Ulisse ?).
Enfin, des réticences locales peuvent aussi avoir leur importance : Londres ne goûte pas vraiment la voix de ténor, même après le passage de Fabri, et Beard est souvent sous employé avant de s’imposer dans l’oratorio. À Berlin, Frédéric II est féru de voix aiguës, et commande à Graun, pour l’inauguration de son théâtre, en 1742, un Cleopatra e Cesare où chantent sept soprano, un contralto, et une basse. Pas de ténor. En 1755, il y en aura tout de même un (petit) dans Montezuma du même Graun. À Rome, ce sont les castrats qui règnent sans partage depuis des décennies, les femmes étant interdites sur scènes. Ils s’approprient la plupart des meilleurs rôles masculins et tous les rôles féminins, même si les ténors ont droit de cité.

 

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9 août 2006 3 09 /08 /août /2006 09:09

Ann Hallenberg

   


En Dejanire du Hercule de Handel (I.Bohlin en Iole)

Voilà une chanteuse qui me ravit par la limpidité et la splendeur de son registre aigu allié à un beau medium de mezzo avec une science du chant et du mot remarquable, des vocalises d'un rare naturel et une intelligence dramatique forte.

Je l'ai découverte dans l' Orlando furioso par Spinosi où elle chantait Bradamante et depuis je ne m'en lasse pas.

Tout d'abord sa discographie:
(sont soulignés les enregistrements qui me semblent les plus intéressants)

*Bach, Messe en ré mineur 

 
Je ne connais pas.

*Börtz, Marie-Antoinette

*Gluck, Philémon et Baucis & Aristeo 

 
J'avais bien aimé le concert, elle est encore meilleure sur le disque: son air dans Philemon qui sera repris au début de Paride e Elena est des plus charmant et respire le bonheur de chanter 

 

 *Handel, Imeneo 

 
Commentaire de Carlupin:
J’ai moi-même mis un certain temps avant de m’approcher de ce cd après l’expérience Siroe-bonne-nuit-avec-Spering, mais grosse erreur ! Tout d’abord, du point de vue de l’œuvre, on remarque que le vieux Händel s’en est sorti plutôt admirablement dans ses derniers opéras légers (Imeneo puis Deidamia), l’inventivité ne fait jamais défaut : pas de Händel-au-kilomètre. Cette légèreté sied également bien mieux à Spering que le faste du Siroe enregistré ultérieurement. Et comme si ça ne suffisait pas, Ann trouve bien plus sa place dans le rôle du pauvre Tirinto, créé par le castrat Andreoni (Bonitatibus chante son Ulisse dans Deidamia, pour donner une idée), que dans le Siroe où, comme tu l’as dit, elle s’enlise. En fait, les airs de ce rôle sont les plus solennels de la partition, ce qui souligne bien l’exclusion progressive du personnage qui, à la fin de l’opéra, perd sa belle (lieto fine, où es-tu ?). Le rôle est brodé de trésors, et la perle ultime, ce sont les douze minutes de son « Pieno il core di timore », que l’on ne peut qualifier que de sublime, mais que pourtant personne ne semble avoir retenu. Il mérite pourtant la mention « tube » au même titre que « Scherza infida ». La critique semble avoir préféré se souvenir du très métastasien « Se potessero i sospir miei ». A avoir écouté absolument aussi, le tsunamitique « Sorge nell’alma mia », dans lequel Ann joue avec la richesse de son vibrato jusqu’à l’explosion de la cadence finale ! Pour couronner le tout, il faut savoir que les petits camarades de Ann sont tous très bons, notamment un superbe Locky Chung, au chant constamment en demi-teintes. Ca serait bête de rater ça… Bon ok, la prise de son est un peu sèche et la basse Kay Stiefermann n’est pas très agile, mais bon.

*Handel, Siroe 

 
C'est très chiant: Spering n'est vraiment pas fait pour Handel; enfermée dans une tessiture de contralto trop grave pour elle, Hallenberg ne decolle jamais dans ce role titre écrit pour Senesino.

*Handel, Il trionfo del tempo et del disinganno

J'attendais ce disque avec impatience: mes deux mezzo coloratures favorites réunies, un des meilleurs ténors baroques actuels, de très bons échos du concert du TCE et Natalie en cerise sur le gateau. Malheureusement paru quelques jours après le concert de Minkowski à Pleyel, je ne peux cacher ma deception. Comme souvent, Dessay est à coté de la plaque dans Handel eet le Concert d'Astrée fait vraiment office de second choix quand on a entendu la splendeur des Musiciens du Louvre. Du coup l'écrin n'est pas à la hauteur du talent d'Hallenberg qui privilégie la vélocité, la virtuosité débridée du Plaisir au détriment d'une suavité, d'un mordant plus capiteux. Cela reste du très bon niveau, mais la cohérence dramatique de l'ensemble fait vraiment défaut à ce disque et nuit à ses interprêtes.

*Mendelssohn, Athalie

*Vivaldi, Orlando Furioso 

 
Elle y chante Bradamante. Role de contralto trop grave pour elle encore une fois, mais cette fois-çi elle se lache dans l'aigu et c'est jouissif: écoutez la vigueur d' "Ascondero il mio sdegno", la violence de "Taci, non ti lagnar", l'enthousiasme de "Se cresce un torrente" et surtout la splendeur de "Io son ne'lacci tuoi" avec ses aigus cristallins et purs sur "costanza" et des vocalises parfaites! Raaaaaaa!  

*Vivaldi, Arie d'Opera 

 
Mi-figue, mi-raisin ici, aucun air ne lui permet vraiment de briller; c'est juste bien.

*Vivaldi, Tito Manlio 

 
Ah là par contre c'est formidable; un role (Servilia) exactement dans sa tessiture qu'elle chante superbement, je reste envouté par son sublime "Liquore ingrato"; tout le role est magnifiquement interprété et en plus c'est Dantone qui dirige: ruez vous dessus!!

*Waxman, Joshua

Un avis serait le bienvenue :)

*Récital Mia vita, mio bene

C'est très beau, des airs très élégants mais dont on se lasse un peu trop vite tant ils partagent tous le même caractère. On aurait aimé quelques airs plus emportés pour apprécier le calme de moments plus galants.

En DVD, on peut l'admirer dans le Serse de Handel dirigé par Rousset avec rien moins que Piau, Bardon et Bayrakdarian: la prise de son est étriquée au possible et Rousset donne pas mal dans le mécanique, son défaut habituel. Superbement entourée, Hallenberg nous livre une composition sensible et nuancée, mais quelque chose cloche: je ne sais si c'est son costume peu avenant, son timbre trop proche de celui de Rasmussen (mais cela serait plutot un atout pour souligner la rivalité entre les deux personnages), ou la timidité de ses débuts, mais je m'attendais à plus violent dramatiquement; la récente découverte de ses Déjanire et Cyrus, ne fait que me conforter dans ce jugement: elle pourrait faire beaucoup mieux en Arsamene aujourd'hui, surtout dans les airs.

Les lives diffusés uniquement à la radio à présent:

*Handel, Arianna in Creta (Beaune 2002 et Halle 2002)
Dans le live de Halle, galvanisés par le public, plus que dans celui de Beaune (qui pêche aussi par la prise de son habituelle dans ce lieu), Ann et tous ses collègues révèlent toute la splendeur de cette partition. Voir le fil sur Arianna in Creta ici même.

*Handel, Alcina (Beaune 2005)
En Ruggiero, accompagnée par Gauvin, Sampson, Mija et la mémorable Katherine Fuge (BaAAeuAAAeuAAAaarbaraAuAAuAA!), elle ne donne pas le meilleur d'elle même; le rôle ne lui pose visiblement aucun problème mais sans doute McCreesh ne la soutient-il pas assez. Les récitatifs sont parfaitement joués, tout est bien interprété et pensé, les da capo intelligemment menés, mais la sauce ne prend pas; sans doute manque-t-elle un peu de sauvagerie ou de virilité à mes oreilles pour camper ce nigaud de Ruggiero ecartelé entre les charmes de la magicienne et les plaisirs bourgeois offerts par Bradamante. Son Sta nell'Ircana en est la parfaite illustration: c'est trop beau, musical et stylé, pour un air des plus cruels.

*Handel, Il Trionfo del tempo e del disinganno (TCE 2005)
A part un endiablé "Voglio tempo" et un superbe "Crede l'uom" de Prina, je ne connais rien de cette retransmission.

*Handel, Belshazzar (Cité de la Musique 2005)
Spering se débat comme il peut dans cette partition monumentale, n'offrant guère de prestation à la hauteur du plus grand Cyrus que je connaisse: pour l'admirer dans ce role, mieux vaut se tourner vers les live dirigés par Creed.

*Handel, Belshazzar (Amsterdam 2003 et Hambourg 2005)
Hallenberg est certainement le plus grand Cyrus que je connaisse (en même temps il n'y en a pas des masses, tant ce chef d'oeuvre de Handel reste négligé aujourd'hui): dans les deux live c'est Creed qui dirige (superbement) l'Akademie für alte musik de Berlin en 2003 et le Concerto Köln en 2005. On préferera les premiers plus vifs et glorieux même si les seconds ne déméritent pas, d'autant qu'en 2005 ce sont les exhaustifs Rensburg et Joshua qui l'entourent, contre Gura et Fuge (très honnêtes mais un peu transparents) en 2003. Concernant la prestation de notre héroïne, c'est historique: on comprend presque chaque mot du texte tant ce langage musical lui semble naturel, elle semble révéler chaque intention du compositeur derrière la moindre note, la moindre voyelle, la moindre consonne et surtout l'héroïsme du libérateur brille ici du plus pur éclat, la voix n'est jamais artificiellement enflée pour faire plus menaçant, ce Cyrus c'est la force tranquille! :o)

Acte 1:

Acte 2:

Acte 3:

*Handel, Orlando (Beaune 2006)
Encore un rôle trop grave pour elle et son intelligence, ni ses aigus, ni la maestria de Dantone ne pallieront les charmes que peut apporter un véritable contralto dans ce rôle. Je vous laisse juge à l'aide de la scène de la folie:

*Handel, Hercule (Amsterdam 2007)
Dejanire est une évidence pour elle: Hallenberg a toute l'intelligence de von Otter mais avec des aigus plus triomphants, un sens dramatique plus emporté et surtout un corset moins serré! Le tout relève du panthéon handelien, un sort des plus fastueux est ici fait au moindre récitatif, toute la palette psychologique du role est éclairée, depuis les lamentation de l'épouse inquiète jusqu'à la jalousie furieuse. Ecouter la jubilation simple et délicate du "Fly hence away my tears" et les abimes de culpabilité du "Where shall I fly", lequel ne tombe jamais dans le naturalisme excessif que l'on peut reprocher à Joyce di Donato. A défaut de pouvoir mettre tout le rôle jusqu'au moindre récitatif, voici les scènes les plus marquantes (et en tout cas tous les airs de Déjanire):

Acte 1:

Acte 2:

Acte3:

*Handel, Giulio Cesare (Drottingholm)
Une belle Cornelia mais rien d'inoubliable, tant ce rôle a besoin des abymes d'un grand contralto pour exister.

*Haydn, Il Ritorno di Tobia (Bruhl 2006)
Attention chef d'oeuvre! Une oeuvre superbe, Spering à son meilleur dans son repertoire de prédilection, un plateau en or (Invernizzi, Dahlin, Karthauser) et un role de mère éplorée et valeureuse pour Hallenberg, que demander de mieux. Là ou Podles ruait un peu trop dans les brancards, Hallenberg est au contraire tout en justesse, noblesse de port et clarté de la voix. Les moments les plus variés du rôle sont interprétés avec le même bonheur, depuis les moments dramatiques et vigoureux, jusqu'à la profonde affliction. Pour se faire une idée de cet éclat naturel que j'évoquais déjà à propos de son cyrus, on peut écouter et réecouter son "Sudo il guerriero" plein de grandeur d'ame qui ne cède jamais à une virilité, pour ne pas dire une brutalité, épaisse et facile. (sortie au disque prévue bientôt chez Naxos).

*Mozart, La Betulia liberata (TCE 2003)
Ici aussi, Giuditta est trop grave pour elle: elle ne s'en sort pas beaucoup mieux, ce n'est jamais mauvais, on se dit que l'on va décoller dans le Parto inerme où elle se permet enfin une montée dans l'aigu et puis...non, elle se bride elle même; le tout reste cependant très écoutable, certainement grace à Rousset qui la soutient admirablement (malgrè cette tendance encore largement sensible à l'epoque au jeu mécanique) et à des partenaires franchement bons (Fernandes, Azzaretti, Bohlin).

*Rossi, L'Orfeo (Drottingholm 1997)
Elle chante Aristeo, je ne l'ai toujours par écouté.

*Telemann, Le Jugement dernier (Paris 2007)
L'oeuvre dans le gout des futurs oratorios pompeux de Haydn ne m'a guère séduite, et tous les talents de diseuse d'Hallenberg n'ont pu que me faire regretter cette constante annonce d'un déluge qui ne vient jamais, ça manque décidemment trop de contraste pour mes oreilles.

*Vivaldi, Orlando furioso (Gênes 2005)
Remplacant au pied levé Mingardo en Orlando, on pouvait craindre que ce role ne l'expose aux éternelles limites de son registre grave. C'est le cas, mais maintenant qu'elle a plus confiance en elle, elle se permet des variations étonnantes et virtuoses, surtout dans le Sorge l'irato nembo, qui rendent sa prestation plus qu'interessante, bien que dirigée par Curtis (signalons que c'est Cencic qui chante brillament Medoro).

*Vivaldi, Tito Manlio (Beaune 2005)
Performance sensiblement identique au disque enregistré un peu plus tôt, mais l'animation des récitatifs et la prise de son penchent nettement en faveur de la version studio.
 

 

*Vivaldi, La Fida ninfa (Ambronay 2004)
Si elle n'avait renoncé au rôle au moment du concert du TCE (le jugeant trop aigu), Paris l'aurait applaudie en Licori et non Panzarella. Heureusement subsiste le live d'Ambronay: c'est un de ses meilleurs rôles, elle y est confondante d'aisance. Le terrible Alma oppressa d'une clareté terrifiante semble glisser tels des pleurs sur ses lèvres. A connaitre absolument!! Elle est dirigée par Spinosi et accompagnée par Pendatschenska (et non Cangemi). Il est assez étonnant qu'elle ait renoncé au rôle (pour le disque Naïve, cela sera sans doute Piau qui assumera le role comme dans la reprise au TCE cette saison), certes on la sent tendue mais cela ne fait qu'ajouter au dramatisme éperdu de l'air dont chaque aigu est un déchirement esthétisé.

 

*Récital autour de Mozart (Beaune 2006)
Bien que seulement accompagnée par le piano forte, ce récital était splendide, bien construit, avec beaucoup de raretés (Holzbauer, Kraus, Hasse...). Je vous renvoie au comme toujours très bon compte rendu de Clément ici même.

 

Pour l'actualité de la dame, sa biographie, des photos et d'autres extraits sonores, c'est .

Parmi ce que je ne connais pas d'elle: son Isabella, sa Bradamante, son Isseo (Europa riconosciuta de Salieri) et son Ascanio: si vous connaissez...

Un compte rendu sur un concert très allechant donné à Tours mais malheureusement non radio-diffusé est disponible sur le bajablog.

La dame vient de chanter Ascanio in Alba à la Scala, en attendant le son, voilà deux zolies zimages.

On pourra l'entendre cette saison à Paris dans Motezuma de Vivaldi (TCE), Tolomeo de Handel (TCE) et Le Cinesi de Gluck (Poissy).
Sont prévues au disque les sorties du Teuzzone de Vivaldi, de l'Oratorio de Noël de Bach, du Tolomeo, de l' Ezio de Handel et du Ritorno di Tobia de Haydn. Ariodante qu'elle vient d'interpréter à Spolete sous la direction de Curtis devrait sortir en DVD.

 

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8 août 2006 2 08 /08 /août /2006 16:50

Voici une chanteuse que je connais très mal, mais voilà une presentation bajazetienne qui me donne envie d'en savoir plus.

Jennifer Smith, ou la voix de la mélancolie 

Militant pour son entrée dans le panthéon de céans, mais tenant à donner quelques gages, je vous présente une de mes idoles, si du moins ce terme convient à une personnalité aussi modeste et humaine quoique mystérieuse. Discographie jointe. 

 

On l’oublie, mais la soprano Jennifer Smith est portugaise !

Née à Lisbonne en 1945, de parents britanniques certes. Elle a expliqué un jour que son père exigeait de ses enfants qu’ils parlent à table dans une langue étrangère, variable selon les jours. Sauf erreur, la jeune Jennifer a étudié au lycée français de Lisbonne. Peu importe en définitive : c’est à ma connaissance une des dictions françaises les plus fantastiques, à la fois exacte et sensible, ce dont témoignent par dessus tout son Alcyone de Marais et des Nuits d’été méconnues avec Mackerras (enregistrées sur le vif). Ce qui est aussi certain, c’est qu’une attention précoce aux langues a sans doute fondé son sens fabuleux du texte, de l’éloquence du texte, qui en a fait une interprète exceptionnelle du répertoire baroque. 

 

Ses premiers disques, sauf erreur, ont été réalisés dans les années pour Erato, avec Corboz (impatronisé à la Fondation Gulbenkian de Lisbonne, justement) ou Paillard (Indes galantes et Motets de Lully). Sa réputation est d’abord celle d’une grande chanteuse d’oratorio, spécialisée dans le baroque, mais il convient de rappeler sa carrière à la scène, au service d’un répertoire diversifié. 

 

Débuts à Lisbonne dans la Voix du Ciel de Don Carlo, avec Boris Christoff en Philippe II.

Par la suite, elle s’est illustrée dans les grands Rameau : Télaïre avec le Bach English Festival Orchestra, Alphise dans la création aixoise des Boréades, Diane dans Hippolyte et Aricie toujours à Aix (elle était souveraine, entre majesté et second degré), et plus tard une Folie de Platée qui pulvérise la concurrence (et à laquelle Delunsch doit beaucoup de son inspiration). 

 

Mais sait-on qu’elle a chanté à la fois la Comtesse des Noces, Elettra (en concert à Lisbonne) et une Reine de la Nuit qui, selon plusieurs témoignages, était sidérante (du reste son enregistrement de Platée atteste les ressources de son suraigu) ? Minkowski, qui la vénère, lui avait aussi offert Marcellina à Aix : une composition comique de premier ordre... au moment même où elle chantait à Strasbourg une Ellen Offord bouleversante (m’a-t-on assuré) dans Peter Grimes. Remplaçant Martine Dupuy en 1992, elle a chanté à Paris (TCE, 1992 sauf erreur) une Iphigénie en Tauride inoubliable, peu après que Minkowski l’ait dirigée à Londres dans l’Alceste de Gluck. 

 

Là réside sans doute une composante essentielle de sa personnalité artistique : exceller à la fois dans le comique drôlatique (la Folie, la Diane d’Offenbach mais aussi le gamin des Trétaux de Maître Pierre de Falla) et dans l’élégiaque (ses Purcell en témoignent à eux seuls), jusqu’au tragique le plus pur (Alcyone au sommet). Villégier, qui avait travaillé avec elle dans Le Couronnement de Poppée à Nancy, seul opéra jamais dirigé à la scène par Gustav Leonhardt (elle faisait Drusilla), avait fait de sa participation à Atys la condition de son travail : elle alternait en Cybèle avec Guillemette Laurens, et je dois dire, pour avoir vu les deux, que Smith parvenait à une intensité tragique sans comparaison, plus inquiétante, et d’un geste impérieux, et quelle élocution ! Ce génie de l’économie, cette aptitude qui est la sienne à marier la pudeur au relief expressif la prédestinait à exceller dans la tragédie lyrique française. 

 

On pourrait hasarder, sans faire de la psychologie à deux sous, que c’est une forme de mélancolie qui constitue peut-être le fonds commun de ce génie comique et de cette dignité tragique. Du reste, cette voix, qui semble sortir entourée d’un halo de mystère, phénomène sonore tout à fait étonnant, semble aussi à l’aise dans les mouvements pathétiques que dans une dimension contemplative toujours habitée d’une merveilleuse tension expressive. La résonance profondément humaine de son chant, à la fois méditatif, élégant et inquiet, de son chant en ferait presque oublier la maîtrise superlative de l’instrument : elle me fait un peu penser à Grümmer de ce point de vue. À la fois évanescente (mais jamais floue) et intense (mais jamais extérieure, quoique capable d’étincelles dans la comédie). Le timbre s’est sans doute terni ces dernières années, mais la poésie dont rayonne la voix semble inaltérable, comme cette dimension d’intériorité qui fait d’elle une des plus admirables voix de la solitude.  

 

J’ai plusieurs souvenirs d’elle en concert particulièrement forts. D’abord, le Plaisir dans Il Trionfo del Tempo de Haendel (Paris, Église Notre-Dame-du-Travail, c’était la première fois que j’entendais Minkowski d’ailleurs), et je crains qu’elle m’ait gâché l’oreille pour les autres dans cette partie (Bartoli a plus d’éclat et de couleurs, mais n’a pas ce mystère ni cet effroi). Puis Theodora de Haendel (à Lourdes !), toujours avec Minkowski et Gérard Lesne : malgré une acoustique aussi atroce que le style de la basilique, je ne suis pas près d’oublier ce qu’elle exhalait dans la scène de la prison. Plus tard, à Beaune, elle chantait Marie dans La Resurrezzione et ouvrait les ailes de la nuit et du mystère dans son premier air, et elle m’a cloué avec son dernier récitatif. 

 

Enfin, il y a 3 ou 4 ans, au Festival de Cordes-sur-Ciel (dans le Tarn), en hommage à Olivier Greif disparu, elle reprenait l’imposant cycle de mélodies qu’elle a créé et enregistré, sur des poèmes anglais des XVIIe et XVIIIe siècles, Chants de l’âme. Ce fut ce qui s’appelle une expérience. Toujours ce halo de mystère, et cette charge spirituelle dans l’éloquence du chant. Dans ce même concert, elle chantait le tout simple « The Salley Gardens », air irlandais arrangé par Britten, et le temps s’arrêtait, et on se trouvait bouleversé sans bien savoir pourquoi. 

 

Bref, c’est vraiment à mon sens une des plus grandes interprètes des dernières décennies, et aussi dans la mélodie justement. On a peu de témoignages d’elle dans ce répertoire, et c’est dommage, si j’en juge par des Brahms et des Wesendonck que j’ai entendus par elle (génie de la mélancolie, toujours). Son disque des Nuits d’été live est à entendre absolument (hélas très mal distribué et tôt supprimé). Parmi ses récents enregistrements, des Fauré dans l’intégrale Hyperion en cours (c’est à elle que revient La Chanson d’Ève). 

 

Et maintenant, attendons sa Phébé dans Castor et Pollux avec Gardiner, pour elle qui fut inoubliable en Télaïre.  

 

******************  

 

DISCOGRAPHIE DE JENNIFER SMITH

(j’indique les priorités par des astériques) 

 

1) OPÉRA ET ORATORIO

ARNE, Alfred (Eltruda, Edith), dir. McGegan (DHM)

BACH, Cantate de la chasse, dir. R. King (Hyperion)

*CARISSIMI, Jephté (la Fille de Jephté), dir. Corboz (Erato) 

CHOSTAKOVITCH, Le Nez, dir. Jordan (Cascavelle)

COLLIN DE BLAMONT, Didon, dir. Minkowski (Cantates françaises, Archiv)

*FALLA, Les Trétaux de Maître Pierre (le Truchement), dir. Rattle (Decca) 

HAENDEL, Amadigi (Oriana), dir. Minkowski (Erato) 

*HAENDEL, L’Allegro, il penseroso ed il Moderato, dir. Gardiner (Erato) 

*HAENDEL, Il Trionfo del Tempo (Piacere), dir. Minkowski (Archiv) 

*HAENDEL, La Resurrezzione (Maria), dir. Minkowski (Archiv) 

*HAENDEL, Hercules (Iole), dir. Gardiner (Archiv) 

*HAENDEL, Ottone (Gismonda), dir. King (Hyperion) 

HAENDEL, Serse (Romilda), dir. McGegan (Conifer) 

HAENDEL, Messiah, dir. Malgoire (CBS, seuls des extraits sont parus en CD)

LULLY, Phaéton (Théone), dir. Minkowski (Erato) 

*MARAIS, Alcyone (rôle-titre), dir. Minkowski (Erato)

MONDONVILLE, Titon et l’Aurore (Palès), dir. Minkowski (Erato) 

MONTEVERDI, L’Orfeo (Proserpina), dir. Medlam (Virgin) 

MOZART, Davide penitente (2nd soprano), dir. Devos (Erato)

*OFFENBACH, Orphée aux Enfers (Diane), dir. Minkowski (EMI)

PURCELL, King Arthur, dir. Gardiner (Archiv) 

PURCELL,  Fairy Queen, dir. Gardiner (Archiv) 

PURCELL, The Indian Queen, dir. Gardiner (Erato) : écouter absolument le Song « They tell us »

PURCELL, The Tempest, dir. Gardiner (Erato) : là, écouter l’air « Halcyon Days »

PURCELL, Ode à sainte Cécile, dir. Gardiner (Erato) 

PURCELL, Odes « Come, ye, sons of art », « Welcome to all the Pleasures », dir. Pinnock (Archiv)

RAMEAU, Les Indes galantes (l’Amour, Fatime, Phani, Zima), dir. Paillard (Erato)

RAMEAU, Castor et Pollux (Télaïre), dir. Farncombe (Erato) [version de 1754, on gagne donc l’air : « Éclatez, mes justes regrets »]

RAMEAU, Naïs, dir. McGegan (Erato) : elle chante à peine :-(

*RAMEAU, Les Boréades (Alphise), dir. Gardiner (Erato)

*RAMEAU, Platée (la Folie), dir. Minkowski (Erato) 

STRAVINSKI, Pulcinella, dir. Rattle (EMI) 

STÜCK, Héraclite et Démocrite, dir. Minkowski (Cantates françaises, Archiv)

VERDI, Rigoletto (la comtesse Ceprano), dir. Rudel (EMI)

 

2) MUSIQUE LITURGIQUE 

 

BACH, Messe en si & Magnificat, dir. Corboz (Erato)

BACH, Messe en si, dir. Brüggen (Philips) 

BONTEMPO, Requiem, dir. Corboz (Virgin) 

BURGON, Requiem, dir. Hickox (Decca) 

CHARPENTIER, Messe des trépassés, dir. Corboz (Erato)

CHARPENTIER, Miserere des jésuites, dir. Corboz (Erato)

*HAENDEL, Motet « Silete venti » (avec la cantate « Cecilia, volgi un sguardo »), dir. Pinnock (Archiv)

HAYDN, Missa Cellensis, dir. Guest (Decca)

LULLY, Te Deum & Dies irae, dir. Paillard (Erato)

MONTEVERDI, Vêpres de la Vierge, dir. Corboz (Erato)

MOZART, Motets et offertoires, dir. Peire (Forlane) : elle chante « Veni, Sancte Spiritu » K. 47, « Exsultate, jubilate » K. 165, « Sub tuum praesidium » K. 198, « Regina cœli » K. 276.

MOZART, Requiem, dir. Atzmon (Carlton) 

VIVALDI, Gloria & Magnificat, dir. Corboz (Erato)

VIVALDI, Dixit Dominus & Beatus vir, dir. Cleobury (Decca)

VIVALDI, Gloria à 3 voix, dir. Pinnock (Archiv) 

 

3) MADRIGAUX ET MÉLODIES 

 

*BERLIOZ, Les Nuits d’été & Le Jeune pâtre breton, dir. Mackerras (BBC)

FAURÉ, Intégrale des mélodies, Gr. Johnson (Hyperion, 4 vol. parus) : elle chante La Chanson d’Ève dans le vol. 4

*GREIF, Chants de l’âme, avec Greif au piano (Triton)

MORLEY, The Triumphs of Oriana, avec le Pro Cantione Antiqua (Archiv) 

English Madrigals (IMP)

 

 

 

 

 

 

 

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8 août 2006 2 08 /08 /août /2006 12:22

EDDA MOSER (merci Baja!)

 

 

Pour moi, une artiste tutélaire : c’est avec elle que j’ai vraiment aimé l’opéra au tout début. Une voix hors norme, une carrière très singulière, une artiste extraordinaire (littéralement et dans tous les sens), généralement connue pour une Reine de la Nuit phénoménale, chantée au MET dans la production décorée par Chagall et enregistrée en 1972 sous la  dir. de Sawallisch (EMI, rééd. éco).

 

 

Moser et Mozart  

 

L’année Mozart est l’occasion pour EMI de rééditer en France son album d’Airs virtuoses de Mozart (voir la discographie ci-dessous). Un monument de la discographie mozartienne, Moser incarnant comme peu la colorature dramatique.

MAIS à la mi-octobre sortira en Allemagne un double CD (+ un CD bonus d’entretien), intitulé « Edda Moser singt Mozart », regroupant tout ce qu’elle a fait de Mozart chez cet éditeur, y compris (sauf erreur) les 4 airs de concert tardivement gravés avec Blomstedt à Dresde (inédits en CD) et qui sont saisissants d’intelligence et de relief (parmi ces airs, une seconde version du redoutable « Popoli di Tessaglia », de ton résolument tragique, et un « Ah ! lo previdi » enflammé). Même avec une voix durcie et abîmée, Moser y fait éclater son génie de la présence et de l’expression, donnant l’impression que sa vie dépend de ce qu’elle est en train de chanter. C’est l’impression qu’elle donnait en récital également (je l’ai entendue plusieurs fois dans les années 80).

 

Détail que je viens d’apprendre en lisant un livre de témoignages sur Karl Richter paru en Allemagne en 2005 (Karl Richter in München) : il était prévu qu’elle grave une intégrale de L’Enlèvement au Sérail avec Schreier, Gruberova en Blondchen, et Kurt Moll. Mais ce dernier l’avait déjà enregistré avec Böhm chez DG, n’était pas disposé à le refaire, or EMI ne voulait que lui, et le projet n’a jamais abouti.

Dans le même livre, Edda Moser souligne que Richter cherchait pour ses Bach des voix munies d’une palette expressive et d’une étoffe suffisante pour rendre la charge pathétique de cette musique. Et elle souligne que de même, il convient de chanter Mozart comme Bach « avec tout le corps », et non pas d’une manière amenuisée qui lui fait visiblement horreur et dont elle laisse entendre qu’elle domine le goût actuel dans l’interprétation de la musique du XVIIIe siècle. 

 

Jalons de sa carrière

Née à Berlin en 1938, c’est la fille du musicologue Hans Joachim Moser. Elle a grandi à Weimar et en Thuringe. Dans sa jeunesse, elle a pris des cours de danse avec Mary Wigmann, ce qui devait lui être utile plus tard pour Salomé (ce qu’elle faisait dans la Danse des 7 voiles, opportunément privée d’effeuillage par la volonté de Lavelli, était fantastique). Cours de chant avec Hermann Weissenborn à Berlin, qui fut aussi professeur de Fischer-Dieskau. 

 

Elle a commencé sa carrière au théâtre dans les années 60 (débuts en Kate Pinkerton à l’Opéra de Berlin) et a mené une carrière allemande très provinciale pendant plusieurs années (chantant des opérettes, Traviata et Gilda plus que Mozart) avant de se faire connaître en créant plusieurs œuvres spectaculaires de Henze et par quelques disques où elle interprète des rôles secondaires (Haendel, Orfeo de Gluck avec Richter, une Fille du Rhin chez Karajan).

 

Grands succès au MET dans les années 70 avec la Reine de la Nuit et Donna Anna (je crois bien qu'elle détient le record du nombre de Donna Anna au nouveau MET). Elle était très aimée à New York : son entrée en scène dans le rôle d’Armida du Rinaldo de Haendel avec Horne et Ramey en 1983 suscitait un tonnerre d’applaudissements. Curieusement, elle aura chanté relativement peu les grands rôles de Mozart en Allemagne et en Autriche, y compris la Reine de la Nuit. 

 

Sa renommée internationale, assise par un disque célèbre ("Airs virtuoses de Mozart", EMI), demeure celle d'une mozartienne, ce qui n'empêche pas des discussions intéressantes à l’époque  (certains trouvent alors que sa voix n'est pas "mozartienne", surtout en France où Stich-Randall et Schwarzkopf sont généralement tenues pour les modèles) et encore aujourd’hui. Sa Donna Anna dans le film de Losey témoigne d'une présence dramatique exceptionnelle (ce regard ! elle aurait pu faire du cinéma sans peine, je pense) mais la voix était alors déjà abîmée (« Or sai chi l’onore » est cependant saisissant). On peut l'entendre et la voir en Première Dame dans le DVD de La Flûte de Salzbourg (Levine/Ponnelle) récemment publié.

 

C'est aussi, ce qu'on a bien oublié, une fantastique interprète du lied : en témoigne toute une série d'enregistrements pour EMI avec Werba, Gage, Eschenbach. C'est en particulier, je trouve,une interprète de Schumann majeure : Genoneva, Le Paradis et la Péri , le groupe des Mignon, le Spanisches Liederbuch (avec Schwarz, Gedda et Berry).

 

Elle s'est tournée vers des rôles beaucoup plus lourds à la fin des années 70, parmi lesquels Leonore (elle a chanté Fidelio pour les cérémonies de réunification de l’Allemagne), Senta (Berlin et Vienne), Sieglinde (chantée à Avignon) ou cette Salomé à Paris en 1986-87, qui a laissé des souvenirs divers (pour moi c'est inoubliable comme incarnation, même si le chant était souvent en force). Elle s’est même risquée tardivement à Elektra en concert. 

 

En 1980, elle a interprété les 4 rôles féminins des Contes d'Hoffmann à Salzbourg et à Cologne, aux côtés de Domingo.

 

Elle a aujourd'hui cessé de chanter et enseigne à Cologne.

Cependant en juillet 2005, elle a participé à un concert de bienfaisance à Cologne au bénéfice de la recherche contre le sida, chantant dans le trio final du Rosenkavalier

 

Et voici un lien vers un résumé de sa carrière avec une galerie de photos : 

 

Edda’s trick 

Toujours dans le livre sur Karl Richter, Moser donne un truc utile pour chanter confortablement la partie de soprano du Requiem allemand de Brahms, où la soliste doit attendre près de 30 mn sur l’estrade avant de chanter (elle a chanté l’œuvre avec Barenboim à Paris et Orange vers 1977). Comment éviter la gorge et la langue sèches sans boire de l’eau minérale (geste déplacé pendant un Requiem) ? Eh bien, se mordre délicatement la langue en gardant la bouche fermée : l’humidification se fait mécaniquement.

 

Discographie d’Edda Moser  

********************************

 

Les œuvres publiées en CD sont précédées d’une astérisque.

En gras, les enregistrements à écouter en priorité selon moi.

Certaines figurent dans le coffret EMI « Great Moments of Edda Moser » (3 CD, 1995) , qui propose un excellent panorama.

 

1) OPÉRA ET OPÉRETTE 

 

BEETHOVEN

*Leonore (rôle-titre), dir. H. Blomstedt (EMI, 1976 ; rééd. Berlin Classics). Avec R. Cassily (Florestan), Th. Adam (Pizzaro), H. Donath (Marzelline), K. Ridderbusch (Rocco)

 

D’ALBERT

*Die Abreise (Luise), dir. J. Kulka (EMI, 1977 ; rééd. CPO). Avec P. Schreier et D. Fischer-Dieskau

GLUCK  

*Orfeo ed Euridice (Amore), dir. K. Richter (DG, 1967). Avec D. Fischer-Dieskau et G. Janowitz

 

GOUNOD

*Faust (Marguerite), extraits en allemand, dir. G. Patané (EMI, 1973). Avec N. Gedda, K. Moll et D. Fischer-Dieskau

HANDEL

Rinaldo (Armida), dir. Bernardi. Avec M.Horne, S.Ramey

 

HUMPERDINCK

*Hänsel et Gretel ( la Sorcière ), dir. H. Wallberg (EMI, 1973)

 

KALMAN

*Gräfin Mariza (Manja), dir. W. Mattes (EMI, 1971)

 

LEHAR  

*Die lustige Witwe (Hanna Glawari), dir. H. Wallberg (EMI, 1979). Avec H. Prey, H. Donath, S. Jerusalem, B. Kusche

*Giuditta (rôle-titre), dir. W. Boskovsky (EMI, 1983-1984). Avec N. Gedda, B. Lindner, Kl. Hirte

 

LEONCAVALLO

Pagliaci (Nedda), extraits, dir. G. Patané (EMI, 1979). Avec Fr. Bonisoli.

 

MOZART

Apollo et Hyacinthus (Hyacynthus), dir. M. Lange (Voce, 1966). Avec Th. Altmeyer, T. Zylis-Gara

*Idomeneo (Elettra), dir. H. Schmidt-Issertstedt (EMI, 1971 ; rééd. Brilliant Classics) Avec N. Gedda (Idomeneo), A. Rothenberger (Ilia), A. Dallapozza (Idamante), P. Schreier (Arbace), Th. Adam ( la Voce )

*Mitridate (Aspasia), dir. L. Hager (Opera d’Oro, live Salzbourg 1972). Avec A. Auger (Sifare), P. Lorengar (Ismene), H. Watts (Farnace), P. Schreier (Mitridate)

 *Die Zauberflöte ( la Reine de la Nuit ), dir. Sawallisch (EMI, 1972)

*Der Schauspieldirektor (Mlle Silberklang), dir. E. Schoner (EMI, 1976 ; rééd. 2005 avec les textes de liaison de Peter Ustinov). Avec M. Mesplé, N. Gedda, Kl. Hirte.

Don Giovanni (Donna Anna), dir. L. Maazel (CBS, 1978) [B.O. du film de Losey]

[DVD] Die Zauberflöte (Erste Dame), dir. Levine (TDK, 2005 ; live Salzbourg, 1982). Avec I. Cotrubas (Pamina), E. Gruberova (Reine de la Nuit ), P. Schreier (Tamino), M. Talvela (Sarastro), Chr. Boesch (Papageno), A. Murray (Zweite Dame), I. Mayr (Dritte Dame).

 

ORFF

*Prometheus (une Océanide), dir. F. Leitner (Arts). Avec J. Greindl, R. Hermann, K. Engen, Fr. Uhl

 

RAMEAU

Hippolyte et Aricie ( la Grand Prêtresse de Diane, une Chasseresse), dir. Malgoire (CBS, 1978). Avec I. Caley (Hippolyte), A. Auger (Aricie), C. Watkinson (Phèdre), U. Cold (Thésée)

 

SCHUBERT

*Die Verschworenen (Gräfin Ludmilla), dir. H. Wallberg (EMI, 1976 ; rééd. CPO). Avec K. Moll, G. Fuchs, A. Dallapozza.

 

SCHUMANN

 *Genoveva (rôle-titre), dir. K. Masur (EMI). Avec D. Fischer-Dieskau (Siegfried), P. Schreier (Golo) 

 

STRAUSS (Oscar)

*Ein Walzertraum (Franzi), dir. W. Mattes (EMI, 1970). Avec A. Rothenberger et N. Gedda

 

SUPPÉ

*Boccaccio, dir. W. Boskovsky (EMI, 1974). Avec A. Rothenberger, H. Prey, etc.

 

VERDI

*Don Carlos (Elisabeth), extr. en allemand, dir. G. Patané (EMI, 1973).  [Moser n’y chante que l’air du dernier acte] Avec B. Fassbaender, K. Moll, N. Gedda, D. Fischer-Dieskau

 

WAGNER  

*Rheingold & Götterdämmerung (Wellgunde), dir. Karajan (DG)

Die Walküre : Acte I (Sieglinde), dir. I. Törzs (Calig ; live Schwerin 1995). Avec M. Lundberg (Siegmund) et Fr. Olsen (Hunding) 

 

WEBER  

 *Abu Hassan (Fatime), dir. W. Sawallisch (EMI, 1974 ; rééd. CPO). Avec N. Gedda (Abu) et K. Moll (Omar)

 

2) AIRS DE CONCERT ET AIRS D'OPÉRAS 

 

MENDELSSOHN

« Infelice ! », air de concert, dir. K. Masur (EMI, 1973 ; rééd. Berlin Classics). (Couplé avec La Première Nuit de Walpurgis)

MOZART

— *« Virtuose Arien » (EMI, 1972) :

« Popoli di Tessaglia », « Ma che vi fece o stelle », « Crudele ? – Non mi dir », « Martern aller Arten » (dir. L. Hager) + les airs de la Reine de la Nuit extraits de la version Sawallisch.

[N.B. le report en CD (rééd. 2006) comprend aussi deux extraits du Schauspieldirektor intégral : l’air et le trio de la querelle]

— * Konzertarien (EMI/Eterna, 1981) :

« Mia speranza adorata », « Popoli di Tessaglia », « Schon lacht der holde Frühling », « Ah, lo previdi ! », dir. H. Blomstedt [Coffret de 3 disques : les 2 autres sont confiés à J. Scovotti et P. Schreier ; il s’agit d’une intégrale avortée. Les airs de Moser seront réédités dans le CD « Edda Moser singt Mozart » à paraître en Allemagne en octobre prochain]

— *Récitatif et rondo de Fiordiligi : « Ei parte — Per pietà ben mio », dir. J. Cæyers (René Gailly, 1991) [CD d'airs et de duos de Mozart par divers interprètes, enregistré en Belgique au profit de la recherche contre les affections neuromusculaires]

 

WAGNER

*Mort d’Isolde et Immolation de Brünnhilde, dir. A. Nanut (Metropolitan, 1989 ; rééd. Stradivarius 1992)

 

Opern-Recital, dir. P. Schneider (EMI, 1985) :

« Ah crudel ! » (Rinaldo) ; « Divinités du Styx » (Alceste) ; *« Non, cet affreux devoir » (Iphigénie en Tauride) ; *« Ecco il punto, o Vitellia » ( La Clemenza di Tito) ; « Abscheulicher ! » (Fidelio) ; « Ozean, du Ungeheuer » (Oberon) ; « Dich, teure Halle » (Tannhäuser) ; « Es gibt ein Reich » (Ariadne auf Naxos

 

The Sounds of Christmas (CD et DVD).  

E. Moser chante "Fröhliches Weihnachten überall"... entourée de Domingo, Carreras, Ricciarelli, Gruberova, Freni, Dvorsky, Rydl, P. Hofmann. 

 

3) ORATORIO ET MUSIQUE LITURGIQUE 

BACH

Magnificat BWV 243, dir. K. Richter (Melodya, 1970). Avec H. Töpper, E. Tappy, S . Nimsgern

 

BEETHOVEN

*Missa Solemnis, dir. Bernstein (DG, 1979 ; live Amsterdam). Avec H. Schwarz, R. Kollo, K. Moll

 

CAVALIERI

* La Représentation de l’Âme et du Corps (Vita mundana), dir. Mackerras (Archiv, 1968). Avec T. Troyanos, H. Prey, T. Zylis-Gara, A. Auger, etc.

 

HAENDEL

*Brockes-Passion (Maria, Gläubige Seele, Erste Magd), dir. A. Wenzinger (Archiv, 1967).

Avec M. Stader, P. Esswood, E. Haefliger, Th. Adam.

 

HAYDN

Les Saisons, dir. A. Jordan (Erato, 1979). Avec E. Tappy et Ph. Huttenlocher.

 

HENZE

*Le Radeau de la Méduse ( la Mort ), dir. Henze (DG, 1969). Avec D. Fischer-Dieskau

*Novae de infinito laudes, dir. M. Horvat (Orfeo, 2004 ; live Salzbourg 1972). Avec I. Mayr, W. Krenn, D. Fischer-Dieskau.

 

MAHLER

Symphonie n° 8 (« des Mille ») :

*dir. Boulez (Artists ; live BBC, 1975)  

*[DVD]dir. Bernstein (DG ; live Salzbourg 1975)

 

MOZART

*Messe du Couronnement & Vêpres pour un confesseur, dir. Jochum (EMI, 1976) Avec J. Hamari, N. Gedda, D. Fischer-Dieskau.

 

SCHUMANN

*Das Paradies und die Peri (Peri), dir. H. Czyz (EMI, 1973, rééd. éco). Avec B. Fassbaender (l’Ange), N. Gedda, R. Marheineke, etc.

* Des Sängers Fluch ( la Reine ), dir. B. Klee (EMI, 1985). [Ballade pour chœur et solistes] 

 

4) LIED ET CANTATE PROFANE 

 

HENZE

*Cantata della Fiaba estrema, dir. Henze (DG)

*Whispers from heavenly death & Being beauteous, dir. Henze (DG)

 

R. Strauss & H. Pfitzner, avec E. Werba (EMI, 1971)

*STRAUSS : 6 Brentano Lieder (An die Nacht, Ich wollt ein Sträußlein binden, Lied der Frauen, Als mir dein Lied erklang, Säusle, liebe Myrthe, Amor)  

*PFITZNER : An die Mark, Venus Mater, Verrat, Unter den Linden, Ich und du, Sonst 

 

Schumann, Wolf & Brahms, avec E. Werba (EMI, 1975) 

SCHUMANN : Frauenliebe und –leben 

WOLF : Lieder der Mignon 

*BRAHMS : Es träumte mir, Die Mainacht, Ständchen, Von ewiger Liebe

 

¶ SCHUMANN, Spanisches Liederspiel op. 74; Liebesfrühling op. 37 (Robert et Clara) ; Minnespiel op. 101 (EMI, 1976)

Avec H. Schwarz, N. Gedda, W. Berry, E. Werba (piano).

[N.B. les 3 lieder de Clara Schumann de l’op. 37 ont été reportés en CD : Er ist gekommen, Liebst du um Schönheit, Warum willst du andre fragen]

 

  Strauss & Schumann, avec I. Gage (EMI, 1978)

STRAUSS : 3 Lieder der Ophelia, Ständchen, Befreit, Frühlingsfeier, Schlechtes Wetter  

SCHUMANN : Lieder aus Wilhelm Meister (Kennst du das Land, Nur wer die Sehnsucht kennt, Singet nicht in Trauertönen, So laßt mich scheinen),*Stille Tränen, *Requiem 

 

¶ Strauss & Brahms, avec Chr. Eschenbach (EMI, 1982) :

STRAUSS : Die Nacht, Ruhe meine Seele, Cäcilie, Heimliche Aufforderung, Morgen, Frühlingsfeier, Schlagende Herzen, Mein Auge

BRAHMS : An eine Äolsharfe, Der Schmied, Geheimnis, Liebestreu, Am Sonntag Morgen, Wenn du nur zuweilen lâchelst, Wie komm’ ich denn, Vergebliches Ständchen

 

¶ SCHUBERT, avec L. Hokanson (EMI, 1983) :

Des Mädchens Klage (D.191b), Die Götter Griechenlands, Klage der Ceres, Die Junge Nonne, Im Abendrot, Nacht un Träume, Delphine, Himmelsfunken, Licht und Liebe (avec P. Schreier), Berthas Lied in der Nacht.

 

¶ « Edda Moser in concerto (Venise, 1987) » (Bongiovanni, 1988) :

SCHUBERT : Der Hirt auf dem Felsen (avec K. Moser, violoncelle)

STRAUSS : An die Nacht, Lied der Frauen (extr. des Brentano-Lieder)

WAGNER : Wesendonck-Lieder 

 

BRAHMS : Wiegenlied 

 

5) EDDA MOSER RÉCITANTE 

 

*Märchen zur Weihnachtszeit (Lübbe, 2004). E. Moser lit des contes d'Andersen, ponctués au piano par I. Törzs.

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3 août 2006 4 03 /08 /août /2006 23:47

La pluspart d'entre vous avez certainement remarqué en haut à droite un petit espace sobrement intitulé "Idolâtrie" dans lequel défile au grès du hasard les plus grandes chanteuses et chanteurs contemporains du monde entier de l'univers. Il convient de rappeler que critiquer en mal un seul d'entre eux est un blasphème qui appelle comme juste chatiment l'anathème d'Alma Oppressa!! Non ce n'est pas vrai bien sur et j'accepte les critiques les plus dépréciatives tant qu'elles sont justifiées même sur Sainte Sonia, c'est pour dire!

Mais bon à cette heure tardive un peu d'hagiographie ne fait pas de mal, voilà donc les divins habitants de ce panthéon personnel:

Sainte Callas: parce qu'à tout Seigneur, tout honneur

Sainte Bonita: parce que sa légende dorée est d'ores et déjà disponibles ici même

Saint Maxou: parce qu'il est en passe de devenir le meilleur des contre-ténors et qu'on adooore sa façon de s'habiller.

Sainte Hallenberg: parce que des aigus pareils et une vocalisation si fluide c'est vraiment pas humain!

Sainte Roberta: parce que l'on cherche toujours un mauvais disque,en vain!

Sainte Mingardo: parce que c'est beau, c'est chaud, c'est Mingardo (oui elle vient de loin celle là)

Sainte Sonia: parce que l'on peut avoir une toute petite tessiture et un tempérament de feu (si vous vous sentez visé...hum 8-) )

Sainte Anna-Caterina: parce qu'elle ressemble vachement à Sainte Callas tout de même!

Sainte Sandrine: parce que l'intelligence et la perfection technique ensemble, c'est de la dynamite!

Sainte Anne-So: parce que de Handel, à Abba en passant par Debussy, elle est toujours aussi inventive et géniale

Sainte Lorraine: parce qu'elle était trop intelligente et sa voix trop énorme pour que Dieu ne corrige vite l'erreur en la rappelant près de lui.

Sainte Magdalena: parce que c'est la seule dont le visage souffre quand elle chante et que c'est sans doute dans cette contorsion que réside la beauté du chant.

Sainte Mija: parce que c'est de la bonne! et que quand on s'appelle Marijana, on est plus hallucinogène que les autres.

Sainte Mireille: parce que même avec une voix en lambeaux on s'arrachera toujours les temoignages de son sens de la déclamation, du dramatisme et de la pudeur.

Sainte Patricia: parce qu'elle est bardée de qualités! et qu'on ne l'entend ni ne la voit pas assez!

Sainte Tchétchilia: parce qu'elle nous fait découvrir toujours plus de merveilles oubliées et ce avec une chaleur et une générosité inégalée.

Sainte Nat': parce qu'une diva people de cette qualité, c'est une aubaine et qu'avec elle le théatre prend tout son sens à l'opéra, et aussi parmi les suraigus.

Sainte Karina: parce qu'on aurait tous voulu tomber amoureux d'une Alcina pareille et qu'elle est super, c'est tout!

Sainte Maïté: parce qu'elle n'a rien à voir avec la cuisine, mais qu'elle a du manger du lion pour interpréter Fernando dans le Motezuma de Vivaldi!

Sainte Inga: parce que demandez donc au père Baja, qui a en charge la paroisse qui lui est consacrée.

Sainte Patrizia: parce que dans la fêlure de sa voix se niche toute la beauté et la sensibilité humaine.

Sainte Schwarzie: parce que Donna Elvira, parce que la Comtesse, parce que la Maréchale, parce que Fiordi, parce que le Requiem de Verdi et tous les lieders: ça en fait beaucoup des miracles!

Sainte Hilary: parce que décidement on adore les femmes aux voix graves aussi pertinentes!

Sainte Edda: parce qu'on a toujours pas réussi à la classer! et c'est tant mieux!

Notez que la liste pourra s'alonger si on me le propose, passque, découvir, c'est à ça que sert ce blog.

Et une mention spéciale du Concile pour Sainte Lucia Poop et Sainte Renata von Trapp, qui font rire bon nombre d'entre nous sous les pseudonymes de French & Saunders.

 

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3 août 2006 4 03 /08 /août /2006 22:13

MISE A JOUR: 

http://almaoppressa.wordpress.com/2014/10/12/anna-bonitatibus-la-cantante-regale/

 

 

Et voici la présentation d'une de mes chanteuses favorites.

Anna Bonitatibus

Anna Bonitatibus est pour moi une des plus grandes mezzo baroque et si je n'hésite pas à la comparer à Bartoli: sa tessiture est plus large, son enthousiasme identique mais Sainte Bonita possède une noblesse d'expression bien superieure à celle de Sainte Cécilia.

Certains ont pu l'entendre lors de la saison 2005-2006 en France dans Cherubino et en Zerlina au TCE, en récital à Beaune et dans Nicklausse à Lyon: je n'ai pas entendu le second, mais à mon avis, comme pour Cherubino, ce n'est pas le genre de rôle dans lesquels elle excelle et sa zerlina avait beau être parfaite elle y restait sous-employée: Bonita banana c'est une baroqueuse, une vraie de vraie. Des plus chanceux ont pu admirer son incandescente interprétation du Piacere avec Minko à Poissy la saison dernière; rôle qu'elle chantera cette saison à Pleyel: courez-y! (en plus il y a aura aussi Stutzman!) 

C'est pour cela que je vais vous parler de certaines de ses interprétations qu'il m'a été donné d'entendre à la radio:

 

*L'Olimpiade de Pergolesi
Après avoir découvert la version Vivaldi avec Mingardo en Licida, je me dis que j'ai vraiment bien choisi mon pseudo, puisque Bonitatibus campe ce même rôle avec vaillance! Le Quel destrier et le Gemo in punto sont terrifiants de tempérament et les cascades de vocalises viennent parfaire une déclamation impressionante.  Elle sait cependant tout aussi bien s'apaiser dans un entêtant Mentre dormi très lascif comme chez Vivaldi. Cette captation fut faite à Beaune, la direction était assurée par Dantone, et Bonitatibus était entourée de Bertagnolli et Ferrari.

"Quel destrier"

 

"Mentre dormi"

 

"Gemo in un punto"

 

 

*Il Flaminio de Pergolesi (même équipe que L'Olimpiade)
Que dire de plus, sinon qu'elle y est tout aussi formidable qu'en Licida, et que je m'etonne qu'après de tels concerts on ne joue que le Stabat Mater de Pergolesi!! Je vais vous faire graçe de ma logorhée en vous incitant à écouter l'aria di Furor du premier acte: "Scuote e fa guerra".

 

 

*L'Olimpiade de Cimarosa
Cimarosa ayant sacrifié Licida au profit de Megacle et de sa compagne dans son adaptation du livret de Metastase, Bonitatibus y chante Megacle(crée par Marchesi, un castrat archi connu selon Clément, comme je ne connais que Farinelli et Carestini je ne vais pas le contredire). Elle est parfois dépassée dans la déclamation pas assez percutante(faut bien chipoter): mais alors celle qui saura se lancer dans le plus difficile Superbo di me stesso que je connaisse avec autant de panache et de témérité, je l'attends avec impatience!! Bref on aurait tort de bouder son plaisir en entendant cela! D'autant que Marcon est à la baguette et que Ciofi lui donne la réplique(à Bonitatibus! pas à la baguette! oui je sais c'est pas drôle).

"Superbo di me stesso"

 

"Ne giorni tuoi felici"

 

"Se cerca se dici, l'amico dove"

 

 

*Giulio Cesare de Handel

Sous la baguette de Minko à Zurich aux coté de Bartoli, elle chante Sesto de façon poignante ni trop adolescente ni trop testostéronnée. Toute la noblesse du fils torturé de Pompeo.

"Svegliatevi nel cor"

 

"Langue offesa"

 

 

*Il Barbiere di Siviglia de Rossini

Excellent mais je me suis un peu lassé de Rosine; le fait est qu'ici elle retrouve toute son épaisseure et son espieglerie n'est plus celle d'une pimbêche! Mais bon c'est Nucci qui chante Figaro...

 

*Gli orazi e i Curiazi de Cimarosa

De très beaux passages mais je ne me suis pas assez penché sur l'oeuvre pour en repérer toutes les subtilités (work in progress).

 

*La Cenerentola de Rossini

Un rondo final rondement mené, une vraie femme destinée à être reine non par la noblesse de son port mais pour sa chaleur humaine: bref une Angelina impressionnante vocalement et plus qu'attendrissante.

 

 

 

Pour ceux qui voudraient en savoir plus, voilà l'adresse de son site internet pour lequel j'ai déjà fait de la pub, mais qu'une piqure de rappel ça fait pas de mal. Allez vite écouter le Scuote et fa guerra du Flaminio ainsi que l'air de Deidamia!!  Et admirez le charme de la dame! 

http://www.annabonitatibus.com

Pour conclure, voici le peu de disques qu'elle a enregistrés:

 

*Lettere Amorose - Scarlatti - avec Ciofi et Curtis  
 
Superbe disque, Curtis est bien meilleur dans ces morceaux assez courts que dans les grands opera seria dont il est souvent incapable de soutenir le dramatisme, l'orchestre reste cependant assez pauvre en harmonique, mais le crin crin des violons convient finalement assez bien au ton éploré des lamentations. Les pièces pour clavecin sont splendide, Ciofi ferait pleurer les pierres et notre Bonita est toujours aussi dramatique, mordante, pertinente et emouvante: en un mot c'est boulversifiant! Les duetto d' Ottavia restituta al trono et de Tolomeo e Alessandro sont à la hauteur de ce que les deux dames font dans L'Olimpiade de Cimarosa, mais pour le coup Alan et son orchestre y sont bien plus prosaïques.

 

 

*Deidamia - Handel - avec Kermes et Panzarella et devinez qui dirige!

 

  
 
pas mal, des airs très doux et un assez emporté brillamment interprété et d'une rare compréhension psychologique qui touchera tous les nevrosés un tant soit peu trop obsédés par la beauté, dommage que le chef...enfin, j'arrete de radoter.

 

*Andromeda liberata - Vivaldi et alii - avec Kermes, Cencic, dirigé par Marcon 

 


Bon ben encore un rendez-vous raté, les airs qui lui échoient n'étant pas des plus valorisants ni des plus marquants; Mijanovic au concert y était plus à sa place faisant valoir son timbre halucinogène. C'est très bien mais on atteint pas l'orgasme de ses Pergolesi...

 

*Tamerlano - Handel - avec Bacelli et Pinnock 


 
pas entendu non plus, mais elle ne doit faire qu'une bouchée de pain d'Irene.

 

*Falstaff - Verdi 


 
connais point(zavé vu je varie les expressions tout de même!)

 

*Requiem de Haydn et David Penitente de Mozart 


 
Connais pas! là! vrai! connais pas! connais paas! (mais bon l'air du second soprano doit être un peu haut pour elle).

 

*Adelia de Donizetti avec Devia

tout petit rôle. Je devrais bientot l'entendre.

 

*Un disque d'air de Geminiani et de Traetta  avec Forte

Elle chante la cantate de Rinaldo; ce n'est pas inoubliable.

 

*La Madeleine aux pieds du Christ de Bononcini  

Elle y chante l'amour profane; je l'ai vu pour 20 euros à la Fnac mais ne l'ai pas acheté (damné porte-monnaie, ainsi donc toujours vide à jamais tu seras!)

 

*La Griselda de Vivaldi dirigée par Fana

Elle tient le rôle pleurnichard de Roberto au tout début de sa carrière (1992); or à l'epoque elle était plus proche du soprano et les graves n'avaient pas leur chaleur actuelle. Bref c'est honnete mais pas marquant.

 

Voilà si certains connaissent d'autres disques ou l'on entendu à la radio, n'hésitez pas à partager vos impressions, j'ai peur de vite me sentir très seul sur ce fil. La saison 2006-2007 en France la verra uniquement à Pleyel dans Il trionfo del tempo e del desinganno par Minko.

 

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3 août 2006 4 03 /08 /août /2006 20:20

Elisabeth Schwarzkopf est morte dans la nuit à 90 ans. C'est une des premières chanteuses que j'ai découverte adolescent, et quoique l'on puisse lui reprocher humainement, j'ai toujours adoré sa Comtesse, sa Donna Elvira et sa Maréchale. Son disque d'airs de Mozarts et ses interprétations de lieder m'emeuvent toujours autant. Je laisse de plus fins connaisseurs en parler mieux que moi.

Mais je saisis l'occasion pour m'etonner des torrents d'emotion que peut provoquer la mort d'une chanteuse (ou d'un artiste) alors même que celle-ci ne chante plus depuis longtemps: sa mort artistique est consommée depuis longtemps.

Je comprends la tristesse à la mort de Lorraine Hunt, qui était loin d'avoir fini de chanter. Je comprends que l'on puisse être ému humainement dans le cas d'artistes que nous idolatrons et si j'avais été vivant en 1977 j'aurais très certainement pleuré Callas. Mais pour les chanteurs que l'on admire simplement, ces effusions me semblent en grande partie plus dues à une nevrose sociale qu'à une émotion authentique (cela dit je serais bien en mal de dire quelle émotion peut être parfaitement authentique!) dans la mesure où on ne les connaissait pas personnellement ni le croyait comme dans le cas de nos idoles.

Cela dit je ne jette pas la pierre sur ce type de commémoration qui sont toujours l'occasion de saluer un talent. Par contre vous ne m'entendrez jamais dire un bien ronflant "Adieu Madame et merci"!

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