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18 mars 2008 2 18 /03 /mars /2008 23:28
Récita Mozart  & Salieri
Diana Damrau
Ensemble  Orchestral de Paris
Direction: Joseph Swensen
Théâtre des Champs-Elysées, 18 mars 2008

Mozart : Divertissement en ré majeur K. 136
Salieri : « D’un insultante orgoglio » (Kublai)
Gluck : Orphée et Eurydice, ouverture
Mozart : « Ach ich fühl’s (Die Zauberflöte)
Cosi fan tutte, ouverture
Salieri : « Fra i barbari sospetti » (Kublai)

Mozart : Don Giovanni, ouverture
Salieri : « Sento l’amica speme » (Semiramide)
Mozart : Le Nozze di Figaro, ouverture
« Giunse alfin…Deh vieni »
Mozart : Lucio Silla, ouverture
« Parto m’affretto » 

Bis:
Salieri: "Se spiegar potessi" (La Finta scema)
Mozart: Alleluia (?)
Salieri : « Sento l’amica speme » (Semiramide)
Salieri : « Fra i barbari sospetti » (Kublai)

Cette chanteuse est un rêve! C'était la première fois que je l'entendais en salle ce soir: j'était fan, maintenant je suis amoureux! C'est bien simple, Diana Damrau c'est la technique de Gruberova avec un timbre plus corsé et surtout un style et une tenue parfaite. Pourtant le disque Arie di bravura m'avait laissé sur ma faim: je trouvais qu'elle était un peu too much sur les Salieri dont elle surchargeait la ligne mélodique avec des ornements certes parfaitement éxécutés mais pas indispensables, d'où une nette préférence pour les morceaux de Mozart et Righini et même je le confesse, une préférence pour la version du grand air d'Europa accompagnée par Muti. Avec ce concert, balayée la frustration du cd, retrouvé l'emerveillement premier, quand je la découvrais sur Youtube dans les airs de la Reine de la Nuit à Londres.

La première surprise vient de la voix elle même, bien plus riche en harmoniques que ce que laissaient entendre les disques où ses vocalises semblaient toujours un peu étriquées voire sèches, mais ces défauts mineurs étaient largement compensés par une franchise d'émission et une vigueur dramatique trop rares dans ce repertoire. Or en concert, la voix s'épanouit beaucoup mieux et cette "percussion" des notes vocalisées, à la fois fine et puissante, vient nous caresser les tympans. Je ne trouve absolument RIEN à redire à sa technique époustouflante, alors qu'habituellement il y a toujours moyen de chipoter pour faire son spécialiste sur la stridence de telle note, sur tel rubato trop timide, contre-note criée, cadence décevante, trille mal battu... enfin si, dans son dernier bis, un trille était détimbré, mais c'est plus que compréhensible  après 5 airs virtuoses enchaînés, et je m'étonne même d'une telle endurance, qui prouve que sa technique est parfaitement rodée. Il faut enfin ajouter que son chant dans une salle de concert semble "en relief": au disque je n'avais pas remarqué avec quel à propos et quelle variété elle emettait certaines vocalises en sourdine, comme pour en parfaire la gradation.

Second constat qui n'est pas vraiment une surprise pour qui l'a déjà vue en scène ou en vidéo, Damrau c'est une présence scénique poignante, intense, juste, qui jamais ne tombe dans l'excès où des airs si paroxystiques pourraient cependant la porter. Cette présence se décline de la prestance des airs de Kublai, à la retenue de l'air de Pamina en passant par la fraicheur de Suzanne, la joie de Semiramide ou la bonhommie embarassée de La Finta scema. Damrau a le mérite de pouvoir incarner toutes les héroïnes de la seconde moitié du XVIIIème avec une intelligence qui s'entend jusque dans les vocalises, chose dont je croyais seule Dessay capable: des vocalises à la fois précises et signifiantes théâtralement, on atteint là un véritable idéal que bien des cantatrices ne se donnent pas la peine de chercher, se limitant au succès facile de vocalises correctement enfilées.

Ensuite c'est la qualité de la diction qui m'a frappé: je la savais moins parfaite dans l'italien que dans l'allemand, en entendant son Europa de la Scala ou son Fauno de Salzbourg, l'italien la trouvait plus prodigue de stridence et de sons "coincés". Or les progrès effectués sont aujourd'hui plus sensibles encore que dans le disque: non seulement tout est compréhensible mais cela ne gêne plus la vocalise qui devient aussi parfaite qu'en allemand.

Par ailleurs, la parole a ici une suavité et une densité qui ont fait mouche dans les trois Mozart: jamais je n'avais entendu un "Ach ich fühl's" si poignant, si intégré psychologiquement, là où on l'entend habituellement des versions qui touchent par leur humilité ou leur coté halluciné; on a le sentiment que la douleur de Pamina étouffe peu à peu sa voix qui finit par s'éteindre et disparaitre ("es ist verschwunden"), la puissance d'évocation de Damrau semble sans limite tant la retenue la rend plus intense encore.
Même miracle pour l'air de Suzanne "Giunse alfin il momento" dont je n'attendais plus rien non plus à force de l'avoir entendu et réentendu, quand je pense que je faisais la fine bouche en début de saison en refusant d'aller l'entendre dans Le Nozze, quel con! Cette Suzanne là est parfaite, d'une impatience gamine transcendée par la sagesse de la femme, chaque mot semble sussuré à notre oreille, rien que pour nous, moment magique où l'on oublie qu'elle chante pour 2000 personnes. Moment qui a d'ailleurs été étrangement interrompu: peu après le début du "Deh vieni non tardar", le chef descend de l'estrade, ne dirige plus et va interrompre le premier violon, la voix de Damrau meure alors, cela en est presque angoissant; à ce moment là une petite bonne femme entre avec son instrument en courant dans l'orchestre, il manquait le basson! Et personne ne l'avait remarqué, totalement fasciné par Damrau. Le chef a tout de même été maladroit d'interrompre un si beau moment qu'il eût été facile de bisser après, du coup Damrau a repris l'air "frrrom the beginning" en lançant un appuyé "Giunse alfin il momento" parlé suivi d'un éclat de rire enfantin et cristallin; la salle en a rit, à l'exception de quelques pisse-froid qui ont hué la pauvre fille qui devait avoir un problème technique avec son basson.
Enfin troisième miracle qui fut aussi le plus beau moment de la soirée: l'air de Lucio Silla "In un instante... Parto, m'affretto" excellement interprété, l'angoisse qui alterne avec la détermination, la posture torturée de la chanteuse, les vocalises modulées tantot timidement et de coté, tantot face public comme pour exorciser la douleur par l'éclat. Du coup on ne fait presque pas la distinction entre le récitatif accompagné et l'air, tant la même verve dramatique les anime.

Le public lui a reservé un triomphe amplement mérité avec une double standing ovation; elle semblait surprise de son succès, et génée aussi au point de parfois quitter la scène dans des grands mouvements faussement hystériques. Et l'on peut aussi louer la générosité d'une chanteuse qui gratifie son public de quatre airs pas piqués des hannetons à la suite en bis! Je regretterai juste que le programme n'ait pas intégré un grand air en feux d'artifices de Salieri comme ceux de l'Europa et qu'elle ait préféré se limiter à des airs plus courts, moins redoutables et qui donnent tout de même la facheuse impression que Salieri écrivait toujours la même chose. Mais c'est compréhensible dans la mesure où après un "Ah lo sento" ou un "Quando irato freme", le repos pendant au moins 20 minutes est de rigueur.

Je n'attendais rien de l'Ensemble Orchestral de Paris que j'ai toujours trouvé honnête mais sans plus, à plusieurs occasions et je ne connaissais pas le chef, Joseph Swensen. Il se sont montrés ce soir très bons: vifs, nerveux, équilibrés, avec un vrai sens du rythme sans lequel la musique de Salieri tombe à plat; bref un très bon entourage qui soutient admirablement Damrau et echappe à toute routine. On critiquera juste une certaine "pate sonore" qui uniformise et empêche les harmoniques des différents pupitres de chatoyer.

Décidemment, deux orgasmes lyriques en deux jours, faudrait pas que ce soit comme ça toute la semaine, ou je n'y survivrais pas!

Et pour conclure, un petit tour chez Baja qui a entendu le même programme à Toulouse quelques jours auparavant.

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commentaires

A
Damrau, la femme qui murmurait à l'oreille des Licida. ;-)<br /> Je crois que jamais je n'irai écouter un soprano aigü de ma vie. En plus elle est trop blonde pour moi. Bon, allez, devant tant de beaux éloges, il faudra bien que je m'y rende, mais à reculons.<br />  
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C
Quelqu'un a dit à Damrau qu'elle devait chanter à Paris le week-end ou un jour férié, mais pas en semaine?<br /> <br /> (Comme Dessay ne sait pas ce qu'est le XVIIIe s., il lui sied mal)
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B
Pour la plupart des gens, colorature = canari. Cui cui.<br /> <br /> Je me suis mal exprimé. Je voulais dire que dans Mozart et ce répertoire fin XVIIIe, Damrau domine nettement Dessay et autres. J'admire Dessay du reste, mais avec elle je n'ai jamais l'impression d'un chant "naturel", ce qui n'empêche pas la force expressive. Et puis j'avoue trouver cette générosité rayonnante de Damrau irrésistible.
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L
Bon je vais me coucher, trop de fautes d'orthographes, ça me fatigue :o)
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L
J'aime suffisemment Dessay pour l'extraire d'une "compagnie" embarassante tout de même. Et il n'est pas besoin de rabaisser celle là pour encenser celle çi: même si Damrau est évidemment au dessus de Dessay dans Mozart, cette dernière sait très bien se défendre ailleurs ;)<br /> <br /> Pour le trille je me base sur ceux que j'éxécute dans ma salle de bain, donc ceux de Damrau ne me semblent pas indigne, et au moins elle essaye quand d'autres les évite.<br /> <br /> Sinon pour le fun, j'ai surpris une remarque à l'entracte dans la bouche d'une senior à sa copine, senior aussi: "ce n'est pas un soprano colorature, ça c'est sur!" Soit la seniorita était bouchée à l'emeri, soit sa référence en colorature s'appelle Lily Pons!
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