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Psychologie

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Il catalogo è questo

2 mars 2008 7 02 /03 /mars /2008 20:57

Emmanuelle Haïm, direction musicale
Jean-Louis Martinoty, mise en scène
Hans Schavernoch, décors
Sylvie de Segonzac, costumes
François Raffinot, chorégraphie
Fabrice Kebour, lumière

Orchestre et Choeur Le Concert d'Astrée 
Paul Agnew, Thésée
Anne Sofie von Otter, Médée
Sophie Karthäuser,  Æglé
Jean-Philippe Lafont, Égée
Jaël Azzaretti, Cérès, Cléone, une bergère
Nathan Berg, Mars, Arcas
Aurélia Legay, Vénus, Dorine
Salomé Haller, La prêtresse
Cyril Auvity, Bacchus, un plaisir, un berger

Après la relative déception de Cadmus et Hermione, j'attendais beaucoup de cette production. Espoir déçu en grande partie à cause de l'oeuvre elle même qui est loin d'être une réussite dans l'oeuvre de Lully et surtout de Quinault. S'il est évident que les actions mythologiques présentées sont avant tout un miroir de la vie de la Cour, Quinault n'en est pas moins un grand dramaturge capable d'architectures rigoureuse et de textes émouvants comme peuvent le prouver des livrets tels qu'Armide ou Proserpine. Or le livret de Thésée n'est vraiment pas à son honneur: prologue sans intérêt, acte I qui n'est qu'un grand "bruit de guerre", sorte d'excroissance du prologue dans le drame qui ne commence vraiment qu'au II; et encore, les divertissements, en plus d'être interminables, tombent rarement au moment opportun, les scènes arrivent souvent comme des cheveux sur la soupe (le retour de Médée au V!) et certaines phrases sont répétées jusqu'à plus soif au milieu d'un texte qui ne brille ni par son invention ni par sa profondeur. Seuls les passages de Médée sont passionants, tant par la richesse du texte que par l'esquisse du personnage célèbre et récurrent de la magicienne amoureuse. Sur un livret si inégal, la musique tient souvent du Lully au kilomètre, c'est toujours très agréable à écouter mais peine à soutenir le drame et à émouvoir, sauf encore une fois pour les scènes de Médée qui sortent du lot. Je suis vraiment étonné de voir sous la plume de Piotr Kaminski cette oeuvre si bancale élevée au rang de chef-d'oeuvre.

Dans ce contexte, retenir l'attention du spectateur pendant presque trois heures relève de la gageure et Jean-Louis Martinoty y arrive, même si on l'a connu beaucoup plus inspiré ailleurs. Le gros défaut de cette mise-en-scène est en effet d'user jusqu'à la corde des procédés qui auraient été les bienvenus de façon ponctuelle. Par exemple: pendant la scène de sorcellerie de Médée, l'élégant plafond peint dans le style 17ème français et projeté en fond de scène se transforme en une lanterne magique où errent des figures issues des tableaux de Bosch ou le portrait d'Aeglé au visage mortifié et défiguré; ce qui eut été interessant 5 minutes devient lassant au bout de 20, sans compter que cette projection vidéo est parfois le seul élément censé figurer l'horreur de la scène; autre exemple: la trappe en milieu de scène utilisée au moins trois fois de façon très très prévisible et par laquelle disparait Médée au V... en se cachant sous la table! On était habitué à plus de dignité de la part de la Colchidienne! Le reste de la mise en scène n'est pas indigne mais manque d'imagination (les projections vidéos du chateau de Versailles lors du final sont l'exacte illustration du livret) et pêche par la conception du personnage de Thésée/Louis XIV: comme souvent le personnage royal brille par la rareté de ses scènes, alors en faire un type perdu sans energie et accablé par le sort... Passés ces idées un peu courtes et répétitives, les décors stylisés d'Hans Schavernoch sont agréables à défaut d'être signifiants et les costumes d'époques ne sont pas portés avec la même prestance par tous (Agnew et Lafont sont particulièrement peu crédibles pour ne pas dire ridicules). La direction d'acteurs est claire à défaut d'être foisonnante, et réussit à se maintenir même pendant les ennuyeux divertissements, on lui en sait gré. Les chorégraphies de François Raffinot ne sont pas toujours de la meilleure eau: j'ai toujours pensé que la capoeira était une bonne idée pour les batailles handeliennes, mais elle se justifie moins pendant les scènes de triomphe; la danse des morts est assez caricaturale et maladroite; par contre la scène de sorcellerie et la gestion de la foule est excellente, grace aussi aux très beaux et vivement colorés éclairages de Fabrice Kebour.

Emmanuelle Haïm à la tête du Concert d'Astrée étonne par la vivacité de sa direction, voilà un ensemble que je n'appréciais que moyennement quand je l'ai découvert mais qui me plait de plus en plus même si je trouve que cela manque toujours cruellement d'esprit et d'intelligence dans Handel. Ici c'est animé, consistant et toujours habité, on atteint pas les splendeurs du Concert Spirituel mais c'est largement suffisant pour mes oreilles qui sont pourtant très difficiles pour ce repertoire. Excellent aussi le choeur à la diction claire et percutante.

Paul Agnew est un Thésée absent et geignard, j'ai détesté; Jean-Philippe Lafont est bien prosaïque pour le roi Egée et ses talents de récitativistes (que l'on pouvait admirer dans L'Etoile) masquent mal sa laideur vocale; Jaël Azzaretti est toujours aussi impeccable, ça manque un peu de caractérisation mais il serait crétin de le lui reprocher ici; la voix d'Aurélia Legay m'a semblé assez sérrée mais ne manquait pas de dramatisme; Salomé Haller est splendide en prêtresse; Cyril Auvity parfait pour ce repertoire et la voix rocailleuse mais néanmoins stylée de Nathan Berg confère une vraie personnalité et donc vie à son personnage pourtant bien commun. Reste la superbe Aeglé de Sophie Karthäuser à la voix pure et à l'expression parfaitement maitrisée, voire un peu trop si l'on veut chipoter. Ce manque relatif de sincérité, on ne peut le reprocher à la Médée d'Anne-Sophie von Otter qui justifie à elle seule ce spectacle: certes la voix est un peu légère pour les affres de la magicienne et ressemble un peu trop à Aeglé mais quelle intelligence dans la déclamation, quel port, quelle authenticité, quelle variété et quelle imagination dans les nuances toujours justifiées. Le chant est d'un tel naturel que le personnage semble simplement parler dans une langue suresthétisée.

Prochain rendez-vous lullyste avec Armide la saison prochaine au TCE par... Robert Carsen semble-t-il... (soupir)

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2 mars 2008 7 02 /03 /mars /2008 19:18

Direction musicale Massimo Zanetti
Mise en scène
Gilbert Deflo
Décors et costumes William Orlandi
Lumières Joël Hourbeigt
Chef des Choeurs Alessandro Di Stefano

Il Conte di Walter Ildar Abdrazakov 
Rodolfo Ramon Vargas
Federica (Duchessa d'Ostheim) Maria José Montiel
Wurm Kwangchul Youn
Miller Paolo Gavanelli
Luisa
Ana Maria Martinez
Laura Elisa Cenni

Orchestre et Choeurs de l'Opéra national de Paris

Je ne vais pas faire l'étonné, je savais pertinnement que je n'aimerai pas ce spectacle en raison du metteur en scène dont je commence à devenir familier de la vacuité; en effet à part L'Amour des trois oranges qui était un spectacle très réussi, toutes les mise-en-scènes de Gilbert Deflo que j'ai pu voir m'ont paru insignifiantes au possible. Cependant dans Semiramide ou Un Bal masqué on pouvait au moins vanter une élégance esthétique des décors et des costumes, une stylisation aussi creuse que vaine mais on s'en contentait. Avec Luisa Miller, Gilbert Deflo a vraiment touché le fond. Je veux bien que l'on fasse des mises-en-scène "traditionnelles" ou même kitsch à la Franco Zeffirelli, mais qu'au moins on le fasse bien: avec tout son fatras d'accessoires et ses décors en technicolor, Franco Zeffirelli réussit au moins à créer une atmosphère dans laquelle il fait évoluer ses personnages, c'est rarement profond mais au moins c'est consistant. Deflo, dont on se plait à rappeller qu'il fut l'élève de Strehler (NDLR: lol ptdr), nous pond au contraire une mise-en-scène consternante et inaboutie: jamais je n'avais ressenti avant ce soir l'irrépressible envie d'apprendre son métier à un metteur en scène! 

L'idée de départ n'est pas mauvaise: pour ce drame des montagnes, un décor champêtre avec un cadre de scène en demi cercle qui confère à la scène des allures de boule que l'on retourne pour y faire tomber la neige, toile de scène représentant les verts paysages vallonés et gazon sur tout le sol. On aurait bien envie de dire à Deflo que dans ce livret et contrairement à Aïda ou Don Carlos et bien d'autres, le lieu de l'action est purement anecdotique, et que celle-çi aurait tout aussi bien pu se dérouler dans un champ de tulipes aux Pays-Bas, mais on en est plus à ces subtilités et le reproche serait vain. Trois décors alternent alors selon les actes: la verte prairie de gazon synthétique, pure comme un terrain de foot; un pan de mur avec une fenêtre que l'on devine être la stylisation d'une chapelle par les bancs et le prie-Dieu qui se trouvent devant; de hautes colonnes voutées en ogives posées à même la prairie. Le décor en soi n'est pas dénué de sens: cathédrale aussi naturelle que la religion de la pure et belle Luisa qui au début de l'opéra trouverait sans problème sa place dans La Mélodie du Bonheur. Seulement voilà, le coté simple et naïf du décor n'est pas du tout exploité et fait tomber la mise-en-scene dans une pauvreté de spectacle de fin d'année d'une école tyrolienne. On s'attendrait presque à voir surgir Mary Schneider en guest star à chaque instant. Les possibilités ne manquent pourtant pas: on voudrait qu'une lumière céleste traverse la fenêtre l'Eglise et vienne illuminer Luisa, que Wurm surgisse et eclipse ce rayon ou renverse le prie-Dieu, que Walter gravisse le toit incliné de l'Eglise pour montrer son hybris, que Luisa sorte de la boule et se place devant le cadre de scène pour signifier la sortie de sa naïveté initiale, que la direction d'acteur fasse jouer les protagonistes dans les rayons de lumière et d'ombre créés par les colonnes pour rendre leur aveuglement, leur folie ou leur lucidité... mais rien. 
Sans parler du décor, on s'etonne d'une direction d'acteur aussi inexistante qui ne souligne même pas les didascalies implicites que le livret ou la musique pourtant très dramatiques peuvent signifier: la fin de l'acte I est affligeante d'immobilisme; les personnages ne savent que gigoter de droite à gauche sans raison; au III, Rodolfo met le poison dans la coupe avec la subtilité d'un mechant dans Inspecteur Gadget, Luisa semble mettre des heures à mourrir. Bref ce n'est ni fait ni à faire. Avantages: Miller était remplacé ce soir là, gageons que le remplaçant n'a pas du avoir beaucoup de difficultés à apprendre ses déplacements; avec deux décors en carton pate et du gazon synthétique, voilà une production qui ne coute pas cher. Finissons par le ridicule consommé des costumes et l'incapacité de Deflo à faire quelque chose des choeurs qui sont disposé en arc de cercle à cour et à jardin comme dans tous ses spectacles. Pour être parfaitement juste il faut aussi parler des rares accessoires utilisés, symboles de la "sobriété" du metteur en scène: la lettre déchirée et la couronne de fleurs de Luisa jettée au loin au V... ça va très loin donc.

Passée cette mise-en-scène calamiteuse, parlons vite fait de la direction de Massimo Zanetti qui semble s'attacher à souligner uniquement le coté pompier de cette musique qui n'est certes pas la meilleure de Verdi mais recèle de qualités dramatiques et harmoniques qui tombent ici completement à plat: dès l'ouverture, ça manque d'élan, de respiration, on a le sentiment que les pupitres se bousculent pour passer. Les choeurs sont très honnêtes malgré cette habituelle tendance à privilégier le volume sonore à la clarté du texte et aux nuances. Maria José Montiel est un mezzo court qui semble constemment épuisée et rappelle le triste souvenir en ces lieux de Nancy Fabiola Herrera. Anna Maria Martinez chante honnêtement sa partie, mais son timbre sec et grelotant, sa pauvreté d'imagination (faut dire que dans une telle mise-en-scène, on est plus que tenté de se mettre en pilote automatique) interdisent à sa prestation tout pouvoir d'émotion. Ramon Vargas est souvent trop léger pour le rôle et vite couvert par l'orchestre mais sa romance est délicieuse et je préfererais toujours cette tenue et cette sensibilité fut-elle souvent inaudible à une voix de ténor débraillée et beuglarde (suivez mon regard). L'excellence se trouve ce soir du coté des basses: très bon Comte d' Ildar Abdrazakov à la fois puissant et contenu (qu'on aurait cependant aimé plus effrayant); excellent Wurm de Kwangchul Youn (qui m'avait déjà fait grande impression dans Lucia) tant par la clareté de sa diction que par la puissance de sa voix ou la présence de son personnage; impressionnant Miller de Paolo Galvanelli enfin dont la finesse n'est pas la qualité principale mais qui réussit à imposer un personnage plus que crédible dont la tendresse et la sauvagerie paternelle font déjà penser à Rigoletto.

Evidemment la grosse majorité du public a adoré... c'est dans ces moments que l'on comprend toute la difficulté de l'entreprise de Mortier: toutes ses productions "modernistes" sont souvent huées par une partie débile du public non pas tant sur la qualité intrinsèque de celles-ci, mais simplement parce que ce n'est pas "joli"; et cette même partie du public d'applaudir Deflo comme un metteur en scène qui "respecte" les oeuvres. Or il faut bien avouer qu'une telle mise-en-scène enfouit l'oeuvre plus qu'elle ne la respecte dans la mesure où elle refuse d'en utiliser le potentiel dramatique. Une mise-en-scène ratée de Marthaler sera toujours plus respectueuse de l'oeuvre que cette sous mise-en-scène: il y a en effet plus de respect à tordre voire à torturer une oeuvre qu'à la laisser dans son coin en ne s'en souciant que superficiellement. Un dernier mot enfin pour en finir avec Deflo: sur le site de l'ONP une petite vidéo le montre expliquant sa "conception" de la mise-en-scène et se placer entre les metteurs-en-scène "modernistes" et ceux qui font "comme à l'époque"; le propos est clair, il se pose comme un artiste sage dans un idéal équilibre entre les visions passéistes et outrancierement modernistes. En réalité cette posture ne sert qu'à masquer sa vacuité et sa fainéantise: en effet, à part Benjamin Lazar dans le baroque (et encore...), on serait bien en mal de trouver quelqu'un qui monte les opéras "comme à l'époque". Quant à voir une "distance critique" dont il se réclame lui-même dans ses spectacles... je cherche encore.

 

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21 février 2008 4 21 /02 /février /2008 20:33
Le preux ElectroCampra s'est risqué à aller voir le concert de ce célèbre sopraniste, voilà ses impressions.


Concert du sopraniste Jacek Laszczkowski et de l’Ensemble Dolce & Tempesta, mercredi soir 20 février 2008, salle Gaveau à Paris dans le cadre des Concerts Parisiens, ou comment avoir participé à un spectacle spécialement organisé pour « nos amis à 4 pattes » de la maison de retraite Ste Ursule, sise avenue de Verzy, noble institution tenue par la congrégation des « Ursulines du cœur de Jésus agonisant ».

 

Le public bien sûr était largement en mesure de dîner tous les soirs à l'institut Ste Ursule, mais les interprètes du concert participaient également à cette illusion.

 

De Jacek, j’avais entendu un vague mp3 fourni par je-ne-sais-plus-qui, je-ne-sais-plus-où qui m’avait paru fort intéressant. J’avais pu ensuite réécouter d’autres extraits qui m’avaient en revanche moins convaincu : mais il était trop tard, les places étaient déjà achetées.

 

Pour faire plaisir à son auditoire et l’éblouir, Jacek arborait un superbe smoking : un pantalon et un nœud papillon noirs très classiques, et une veste en velours froissé prune aux reflets chatoyants, tranchée par un revers de col noir brillant. J’ignorais qu’on pouvait encore trouver de telles merveilles tout droit sorties des années 70 ! Les musiciens qui étaient au nombre de 6 (2 violons, 1 alto, 1 violoncelle, 1 contrebasse, 1 clavecin), paraissaient bien ordinaires avec leur chemise ou leur smoking noir… Le rossignol qui aurait revêtu la veste d’un Patrick Topaloff de bal musette, était sur scène : nous n’avions d’yeux que pour sa parure et nos oreilles étaient dans l’attente de sa cristalline voix de sopraniste.

 

Händel tout d’abord avec des extraits de Deidamia, Oreste, Imeneo et Riccardo Primo. Les musiciens commencèrent le 1er air : à 6, Händel sonnait un peu creux, mais je me suis dis que j’allais m’habituer et que la salle devait également se remplir de notes pour qu’elle sonnât correctement. Et puis Jacek ouvrit la bouche. Un miaulement sortit d’abord : une sorte de glapissement étouffé qui se noyait de lui-même dans la gorge. Je n’en revenais pas, mes yeux s’ouvraient de plus en plus, mais Jacek continuait de geindre en émettant de temps de temps de fortes poussées sonores, tout en écarquillant les yeux. Ma surprise passée, je dus me rendre à l’évidence qu’on m’avait grossièrement trompé sur la qualité vocale de ce sopraniste. Les airs de Händel changeants, les miaulements du chat qui aurait avalé un coucou suisse (© Licida) se transformèrent en cris puissants qui ont fait dire à notre voisine de derrière que ses notes aigües faisaient mal aux oreilles (ce qu’a démenti vivement sa voisine qui était visiblement conquise). Naturellement investi, il accompagnait son chant de toute une gestique languissante, énamourée ou valeureuse, les yeux fermés, grands ouverts ou révulsés, c’était selon, avec néanmoins le nez dans la partition, au point que la voix devait certainement d’abord ricocher sur le pupitre avant de frapper aussi insupportablement nos oreilles (preuve est faite qu’un pupitre ne saurait améliorer le son, à moins que …).

Entre 2 airs de Händel, nous avons eu droit à un concerto a quattro du même compositeur : un petit répit pour nos oreilles endolories. Les musiciens étaient médiocres et le violoncelle nous a gratifiés de magnifiques approximations tonales, mais c’était tout de même largement supportable.

 

A l’entracte, cette même voisine, très bavarde, a interrogé sa copine Clémentine (après lui avoir demandé si une couleur neutre était la plus appropriée pour les volets de sa vieille maison centenaire en pierres blanches) : « il (le chanteur) doit avoir des hormones féminines pour chanter comme ça », « vous croyez qu’il est châtré ? », « non, ce n’est pas possible ; la nature fait des erreurs parfois tout de même », « il ne vous rappelle pas ce chanteur que nous avions entendu chez le ministre ? Mais comment s’appelait-il déjà ? … ».

 

Il faut toujours donner toutes les chances à ceux qui font des efforts. Malgré la ringardise de Jacek (valeur tout subjective, je l’accorde) et la qualité sonore des interprètes (que Ste Ursule aurait certainement bénis, car c’est bien connu « A la Ste Ursule, on hulule sans scrupule »), nous sommes donc restés jusqu’au bout.

 

La 2ème partie du concert était consacrée à Vivaldi. Les musiciens commencèrent par un concerto per archi (ils en donnèrent un autre entre 2 airs d’opéra). Là encore, c’était très moyen, trop lent pour du Vivaldi : mais bon, c’était écoutable si l’on faisait fi des quelques grincements du 1er violon (mais après tout, Spinosi est également fort applaudi quand il manie son archet). Je redoutais évidemment la venue de Jacek surtout que le programme annonçait que les 3 airs de La Finda Ninfa rivalisaient de difficultés techniques et de notes suraigües (la bémol, la, si !). Même si les miaulements et les cris ont continué, Jacek se débrouillait mieux dans ces airs. Il savonnait bien un peu, ses notes graves étaient vilaines, il gargarisait toujours tous ses départs langoureux ou nous permettait de goûter aux accents de la musique atonale et enharmonique à la fois, mais il arrivait néanmoins à ma grande surprise à détricoter tant bien que mal les notes vivaldiennes, avec des diminutions de son crû où alternaient au choix les montées en arpège aux notes détachées (du meilleur goût) ou les notes paonnées tenues ad libitum (les choucroutes permanentées de ces dames n’avaient qu’à bien se tenir).

 

Le chef qui s’était tortillé de plaisir sur son siège de clavecin pendant tout le concert, après des tonnerres d’applaudissements, et avec l’accord d’un Jacek visiblement très content, nous a accordé jusqu’à 4 bis : Vivaldi et Händel, 3 airs déjà entendus et le fameux « Lascia la spina » (« air très connu, version différente, du grand Farinelli très connu » dixit Jacek qui devait alors certainement y croire un peu) qui comme tous les Händel susmentionnés fut aussi geignard et chuintant. Mais cela a permis aux 2 copines du ministre de chantonner le début et la fin de l’air. Ravies du concert, elles ont trouvé néanmoins que 4 bis, c’était un peu exagéré : comme nous les comprenions alors !

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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 16:57

Chorégraphie et mise en scène Pina Bausch
Décors, costumes et lumières Rolf Borzik

Rôles dansés
Orphée Yann Bridard
Eurydice Marie-Agnès Gillot
Amour Miteki Kudo 

Rôles chantés
Orphée Elisabeth Kulman 
Eurydice Svetlana Doneva
L’Amour Hélène Guilmette 

Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet

Balthasar-Neumann Ensemble & Chor
Direction musicale
Thomas Hengelbrock

Il m'est assez malaisé de parler de danse, aussi reprendrè-je simplement la discussion que nous avons eu sur un autre fil avec Caroline et Baja, et pour me faire pardonner ce repiquage, vous trouverez en fin d'article la vidéo du ballet des Furies.

Bajazet
On pourrait rajouter Hengelbrock à la liste des grands baroqueux qu'il ne serait pas mauvais d'entendre régulièrement en France. Je l'ai toujours entendu excellent au disque ou à la radio (il dirige à peu près tous les ans au festival de Schwetzingen) mais dans cet Orphée à Garnier, je les ai trouvés extraordinaires, son ensemble et lui. 

Licida
Oui Hengelbrock c'est vraiment formidable, dans cet Orphée comme dans le premier il y a deux ans il est fabuleux. Il avait aussi réussi le miracle de faire sonner baroque l'orchestre de l'opéra de Paris pour Idomeneo

Bajazet
Il avait dirigé ça pour un spectacle de ballet mis en scène, je crois, par Achim Freyer. L'enregistrement existe chez DHM. 
Dommage que l'Armida de Haydn qu'il a dirigée à Schwetzingen n'ait pas été gravée : c'était avec Iano Tamar, Torsten Kerl et Rensburg. Dommage surtout qu'il ne revienne pas à Garnier pour Iphigénie ^^

Je n'ai pas vu tout le spectacle mais la chorégraphie m'a transporté. C'est d'une beauté impérieuse, d'une puissance plastique qui laisse pantois. C'est la première fois que je suis vraiment ému par un ballet (non, je ne dirai pas combien de ballets j'ai vus). Ce qui m'a fasciné, c'est de à quel point l'esprit de la chorégraphie est juste par rapport à la musique (avec une osmose merveilleuse entre la fosse et la scène précisément) et à quel point c'est allemand. Je n'y connais rien en ballet mais on sent que Bausch est l'héritière d'un esprit allemand de l'art, ou bien est-ce moi qui fantasme ? Qu'elle ait tenu à ce que l'opéra, comme pour Iphigénie en Tauride, soit chanté en allemand, cela s'impose comme une évidence ou une nécessité.
Après ça, entendre Brigitte Lefèvre dire à l'entracte qu'ell a envie de "pousser un cri d'amour vers Pina" semble totalement déplacé.
Gubernatis dans Le Nouvel Obs souligne que Bausch a arrondi les angles avec le temps, que la chorégraphie de 1975 était plus noire, plus âpre, plus tragique. En tout cas, la fin "tragique" avec reprise du début fonctionne parfaitement : ça coule de source. Je me suis juste demandé si David Balagna n'avait pas trouvé là de quoi remplir sa boîte à malice.
Le site d'Arte caractérise le spectacle par la formule "une danse éthérée".
Éthérée ???????!! 

Licida
Tout à fait, et ce qui me semble le plus impressionnant c'est l'économie qui renforce la "frappe" de cette chorégraphie: avec peu de danseurs sur scene, Bausch réussi parfaitement à rendre la tourmente des enfers ou la béatitude qui suit. Le dédoublement de chaque personnage en un chanteur et un danseur est parfaitement maitrisé au point de rendre superflu le travestissement de la chanteuse. De plus en donnant un titre à chaque acte (Deuil; Violence; Paix; Mort) elle participe pleinement à cette simplicité éloquente voulue par Gluck. Du coup on pardonne bien aisément la traduction, les coupes et l'absence de surtitres tant le spectacle est cohérent et parle de lui même. Par ailleurs, je crois que cette retransmission était un évenement, puisque Pina Bausch s'était jusqu'ici opposée à ce que l'on présente une de ses chorégraphie à la télé ou en dvd. A part un petit bout de Café Muller dans "Parle avec elle" d'Almodovar, il n'existe rien je crois.

Pour Hengelbrock, c'est aussi lui qui dirigeait le superbe Telemaco de Scarlatti. 

Caroline
(Hengelbrock va diriger la Sonnambula de Bartoli à Baden-Baden au printemps.) 

C'était la première fois que je regardais un ballet.

Voilà, je l'ai dit.

Licida
Ben c'est pas mal de commencer avec Pina Bausch ;) Prochaines étapes: Béjart, Kylian, Preljocaj, Neumeier et Waltz. Et on peut voir tout ça à l'opéra de Paris! 

Bajazet
Je me souviens avoir vu "Café Müller" ou "Nelken" (je ne sais plus) en captation vidéo au Goethe Institut il y a très longtemps. Sauf à ce que la mémoire m'abuse, il y a eu donc des enregistrements.

Et de cette économie, de cette rigueur sublime naît le fantasme du spectateur, me semble-t-il. C'est non seulement sublime à contempler mais cela donne fortement à imaginer. Et puis la chorégraphie intègre magnifiquement cette espèce de dimension rituelle qu'il y a chez Gluck, sans jamais de raideur pourtant.
Franchement, quelle importance d'avoir des surtitres en l'occurrence ? Pour Iphigénie en Tauride, ce serait sans doute nécessaire si on ne connaît pas l'opéra, mais là ? Ça montre d'ailleurs en retour à quel point le livret de Calzabigi procède d'une épure.
Je ne trouve pas du tout gênant l'allemand ici, et même cela me semble une composante esthétique du spectacle. 


Caroline
"Je ne trouve pas du tout gênant l'allemand ici, et même cela me semble une composante esthétique du spectacle."
Oui, je l'ai ressenti aussi comme ça. Au fur et à mesure, il m'a semblé normal que ce soit en allemand (alors qu'au début, je toussais un peu quand même); il y a une cohérence entre ce que l'on nous montre et la sonorité de la langue, je trouve.

Licida
Et puis "Oeilrudiké" ça sonne tout de même plus tragédie grecque qu'Eurydice ;) 

Bajazet
Je viens d'aller regarder ce qui se disait du spectacle sur divers forums : ay ay ay. Je passe sur ceux qui montent sur leurs grands chevaux parce que ce n'est pas surtitré (on croit rêver), mais le plus amusant c'est de voir le pinaillage sur le choix de l'allemand (qui de toute façon a une légitimité historique, mais passons) et sur le fait qu'il manque l'air à vocalises d'Orphée alors qu'on trouve normal en d'autres circonstances que Marc Barrard chante le rôle de l'Amour. J'ai tendance à oublier combien le public d'opéra peut être obtus, eh bien voilà, je me rappelle. 

Caroline
"Le dédoublement de chaque personnage en un chanteur et un danseur est parfaitement maitrisé "
Même au début?...
Je viens de revoir la deuxième partie; là, ça fonctionne très bien, sans doute aussi parce que les chanteuses ont des choses à faire. Au début, je ne suis pas sûre... mais c'est peut-être une question de cadrage, les danseurs étant toujours priviligiés.

Ben, à la télé, on avait des sous-titres, quand même, ça n'avait rien d'incompréhensible, je pense. 

Un plan rapproché sur Wesseling, au moins au moment des rappels, aurait été le bienvenu... 

Licida
Oui au début aussi il me semble que l'on comprend parfaitement: pour Oprhée la prostration du danseur liée aux cris de la chanteuse, pour l'amour les virevoltes de la danseuse liés à légereté de la voix de la chanteuse, puis tout le jeu autour de la marelle et du tracé vers les enfers...

Le soir où j'y étais Kuhlmann et Guillmette chantaient, c'était très honnête et la première a même fait montre de qualités expressives que je ne lui connaissais pas. 

Dans Télérama cette semaine, après avoir nommé le chef et les trois danseurs principaux: "et l'on voudrait presque s'excuser ici de ne pas citer l'ensemble des chanteurs et interprêtes de cette production"... c'est sur que nommer les trois chanteurs et le nom de l'orchestre/choeur ça prend une place folle! 

Je viens de voir la retransmission télé et c'est très décevant par rapport à ce que j'ai vu: bien sur il y a la focalisation forcée inévitable pour toute retransmission tv, mais là c'est aggravé par le fait que les caméras ne suivent que les danseurs!! Si Pina Bausch a choisi de mettre les chanteurs sur scène et non dans la fosse comme le choeur, c'est qu'il y a une raison, bordel! Il ne faut pas les traiter comme de la tapisserie! Je comprend maintenant pourquoi, Caroline, tu trouvais le dédoublement mal maitrisé au début: notemment à l'entrée de l'amour, on ne voit presque jamais la chanteuse! Certes Bausch est surtout une chorégraphe mais pourquoi vouloir de toute force réduire une de ses rares mise-en-scènes à une simple chorégraphie? L'interêt du spectacle est aussi voire surtout dans l'impossibilité de le classer schématiquement en tant qu'opéra ou ballet. Visiblement l'oeuvre d'art total, à Arte, ils ne connaissent pas! 
Ah oui, et au fait Baja, tu n'as pas relevé le nom de la présentatrice? :o) 

"les danseurs étant toujours priviligiés"
Il n'y en a que pour eux même! Heureusement qu'ils sont très bons. 

Bajazet
Art total, ok, mais était-il possible de tout filmer, de tout rendre à l'écran ? Je n'ai pas vu le spectacle en salle, hélas, mais j'en doute, et je conçois qu'on privilégie la danse, après tout. On sent bien que certaines choses nous échappent, mais c'est le lot de toute captation TV, même soignée, non ? 

Caroline
La réponse est: oui. ;-)

Sérieusement, nous avons eu droit au cadrage type préconisé par le fascicule n°1 intitulé "Filmons la danse". En vérité, ça marche; mais comme il y avait AUSSI des chanteuses et que ce mixte n'est prévu dans aucun fascicule, il y avait quand même frustration.
Sans rire, je me suis demandé s'il y avait des cadreurs (ceci n'est pas une vacherie!) ou s'ils avaient laissé des caméras fixes, peut-être automatisées; il faudrait que je revois le générique. 




Et comme je suis tout à fait d'accord avec Caroline, voilà donc un passage purement dansé pour éviter de voir les chanteurs évités: il s'agit donc ici du ballet des furies, mais point de furies dans la chorégraphie de Pina Bausch; je vous laisse deviner les personnages infernaux qui dansent ici - pour ma part je n'en ai reconnu que quatre dont un à trois têtes - je vous aide là ;)

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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 16:01

Direction musicale Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène Fanny Ardant
Décors Ian Falconer
Réalisation des images Jérôme Waquet
Costumes Dominique Borg
Lumières Roberto Venturi
Chorégraphie Natalie van Parys

Hélène de Solanges (Véronique) Amel Brahim-Djelloul
Florestan de Valaincourt Dietrich Henschel
Agathe Coquenard Ingrid Perruche
Ermerance de Champ d'Azur Doris Lamprecht
Evariste Coquenard Laurent Alvaro
Loustot Gilles Ragon
Séraphin Patrice Lamure
Tante Benoît Catherine Hosmalin

Livret Albert Vanloo et Georges Duval
Adaptation du livret Benoît Duteurtre


Ensemble Matheus
Chœur du Châtelet



Je pars du principe qu'il faut toujours essayer avant de juger et même qu'il ne faut pas hésiter à réessayer ce que l'on nous vante comme un chef d'oeuvre, c'est pourquoi chaque saison je me force à aller entendre du Bach en espérant que vienne la révélation. Mais je peux vous dire une chose: je ne retournerai jamais voir Véronique, à moins d'une mise-en-scène sado-maso-trash-gore-porno-et-autres-cochonneries qui permettrait de pimenter l'oeuvre, car c'est bien l'oeuvre qui m'a ennuyé et non la réalisation artistique qui tire tout ce qu'elle peut de tant de platitude. On m'avait vanté une oeuvre pleine de finesse, de charme désuet, très France 1900... ben si c'est ça la France 1900, valait mieux habiter à Vienne! Le livret d'abord est une patisserie fade, compassée et sans esprit (aucun second degré!) en forme de marivaudage raté où règnent machisme (l'air sur la grisette!!), blagues grassement grivoises et crétinerie intersidérale (l'escarpolette... je comprends maintenant tout l'effroi de Natalie Dessay devant ce rôle!). La musique ne relève rien, c'est consternant de platitude, farci de poses affectées, d'une faiblesse mélodique étonnante, surtout pour de l'opérette et flanqué d'une orchestration fainéante. Comme je le disais ailleurs cette distance polie, ce "raffinement" aussi mondain que creux, cette "jolie musique" étalée sur deux heures, pour moi c'est le comble de la musique pour grand-mère dans le mauvais sens du terme, ces vielles dames assagies à la nostalgie aussi confite qu'inventée et qui craignent la jeunesse. J'ai beau aimer les choses compassées quand elles ont la saveur du kitsch, ici c'est d'une transparente vacuité. Quant à trouver ça classe et chic... oui si l'on considère que Nadine de Rotschild est la référence en la matière. A coté d'une oeuvre contemporaine comme L'Etoile, cette Véronique sent décidemment trop la naphtaline. Cette insistance à démonter une oeuvre "sans prétention" peut paraître suspecte et elle l'est: ce n'est pas tant l'oeuvre en soit que j'attaque, elle n'est que le pretexte à une diatribe contre cette forme d'art "sans prétention" qui fait que l'on passe "une bonne soirée", bref la mauvaise télé avant l'heure, où l'art de nous faire passer la vacuité pour de la sobriété et la crétinerie pour de l'élégante simplicité.

Maintenant que je me suis bien défoulé, il est temps de vanter les mérites de la mise-en-scène: tout ici est joli et parfaitement senti, ce qui serait très insuffisant ailleurs, tire le meilleur de cette oeuvre. L'équipe artistique emmenée par Fanny Ardant a effectué un travail remarquable tant sur la qualité des décors, des éclairages et de la scénographie (ingénieuse intégration de la vidéo en fond de scène en prolongement du décor), que dans le luxe et la méticulosité déployés pour les costumes; la direction d'acteurs n'est pas en reste qui permet de faire passer les interminables dialogues (surtout au I!) et d'éviter que les mouvements de foules ne se fassent au détriment de l'élégance de l'ensemble. L'action est transposée dans le Paris des années 50, ce qui permet de donner à cette mise-en-scène des accents du célèbre film Funny face, rapprochement très bien senti car la comédie musicale est la continuation cinématographique de l'opérette et de l'opéra  et aussi car le trio de tête de l'opérette (Véronique, sa tante et Florestan) se retrouvent dans le film (Jo, Maggie et Dick) avec les mêmes écarts d'ages (mais des différences de relations qui ont sans doute incité l'équipe à ne pas trop souligner le rapprochement... d'autant qu'avec un peu de chance, c'est simplement mon esprit tordu qui l'a pondu!).


Musicalement maintenant on ne saurait blâmer Jean-Christophe Spinosi et son Ensemble Matheus qui font du bon boulot à défaut de pouvoir faire mieux (quoique...) avec une telle partition; Amel-Brahim Djelloul est délicieuse dans son rôle d'oie qui manigance; l'accent de Dietrisch Henschel donne de la saveur à son élégant Florestan (pas évident quand le livret fait de lui un macho sans le charme viril qui va avec); les accents crillards d'Ingrid Perruche qu'habituellement je n'aime guère (sauf bien dirigée comme dans la Callirhoé de Destousches) conviennent très bien à la perfide et jalouse Agathe; Doris Lamprecht est fabuleuse en grande dame qui s'encanaille, la seule sur le plateau qui nous fasse vraiment rire au delà du sourire poli; enfin les petits rôles sont habilement tenus et joués. Cependant l'ensemble des chanteurs se reposent un peu trop sur la sonorisation, de fait ils chantonnent plus qu'autre chose et les dialogues perdent en impact, si tant est qu'ils en aient jamais eu.

Voilà donc une soirée très oubliable dans une salle trustée par le troisième age dont le sang n'a fait qu'un tour au moment où Véronique a retiré la balançoire derrière le tronc d'arbre (brouhaha dans la salle: "ah c'est l'escarpolette!!" ces gens qui cherchent à tout prix à faire bruyamment montre de leur savoir, ça m'agace) et qui applaudissait les décors (no comment). Il conviendrait cependant de réinviter l'équipe artistique pour des oeuvres plus intéressantes et moins pet-sec.

 

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14 février 2008 4 14 /02 /février /2008 12:03

Je viens de recevoir la brochure de préabonnements de Jeannine Roze Production qui fournit l'essentiel des concerts du TCE avec les Grandes Voix et les Grands Solistes. Et bien, chez Jeannine cette saison c'est pas la joie!

 

 

 

 

Coté pianistes il y a toujours de grands noms et je me garderai bien de commenter le choix des oeuvres car je n'y connais rien: Muraro, Grimaud, Lugansky, Angelich, Say, Luisada, Volodos, Anderszewski, Tharaud et Pires.

 

 

 

Chez les solistes: Aimard, Quatuor Artemis, Il Giardino Armonico dans les Concerti Grossi de Handel, Mullova et Carmignola avec Marcon dans des concertos de Vivaldi et Pahud dans un concerto de Mozart accompagné par... Spinosi qui s'offre la 40 de Mozart et la 83 de Haydn. J'en vois qui commencent déjà à râler (moi compris), mais ce n'est que le début car la saison lyrique semble entièrement phagocytée par Spinosi et Haïm.

 

 

 

Les deux seules productions lyriques vraiment intéressantes sont les suivantes: un récital Piau/Mingardo (décidemment elles ne se quittent plus) dirigé par Alessandrini dans des duos de Radamisto, Orlando, Tamerlano, Amadigi; et Juditha Triumphans dirigée par Marcon avec Hallenberg, Gauvin, Nesi, Comparato et Basso.

 

 

 

Au rang des productions interessantes: L'Amour et la vie d'une femme par Lemieux; un récital Bach(St Mathieu et cantates) et Handel (Rinaldo et Cesare) par von Otter dirigé par Mortensen (on pouvait pas lui trouver mieux?).

 

 

 

Parmi les "franchement vous n'avez pas mieux à jouer?!": Le Nozze di Figaro par Haïm avec Nicole Heaston (tiens!); Nisi Dominus et Stabat Mater de Vivaldi par Lemieux/Jaroussky/Spinosi; Requiem de Mozart par Rhorer/Karthäuser/Pokupic; La Resurezzione par Haïm/Tilling/Royal/Prina (ça j'irai rien que pour les deux dernières!).

 

 

 

Et enfin les "trucs" à éviter: Le Messie par Spinosi, marrez-vous, marrez-vous mais ça va nous gacher une performance parisienne de Richard Croft et Jennifer Larmore, grrrr!! et La Passion selon St Mathieu par Malgoire avec Agnew et Pasichnyk.

 

 

 

 

Rappelons le peu d'éléments dont on dispose sur le reste de la saison:

Andromeda liberata par Marcon/Cencic
Armide de Lully
Cosi fan tutte par Spinosi (des fois que vous en revoudriez encore).

 

 

 

 

 

La présence exagérée par rapport à  son talent de Haïm ne me gêne pas dans la mesure où ses directions sont toujours honnêtes à défaut d'être géniales (on risque de la voir aussi à Garnier); par contre Spinosi à tous les étages ça en devient insupportable, surtout quand on sait que le Chatelêt et l'ONP ont aussi prévu de nouvelles productions avec lui: y a pas à dire RESTEZ CHEZ VOUS!(de toute façon ce sera plein à craquer...) Heureusement Marcon vient relever le niveau... par contre j'espère que dans le reste de la saison ils auront pensé à inviter de grands chefs baroques: Dantone, Minkowski, Fasolis, Florio, Gardiner, Reyne, Niquet, Bruggen, Bolton ou même Rousset, Curtis, Biondi et Christie... on n'en manque pourtant pas!!

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29 janvier 2008 2 29 /01 /janvier /2008 14:06

Voilà une nouvelle série de mini-compte-rendus qui eux le sont vraiment et n'ont rien de modificatif :o)

* Gardiner dans Brahms&Co. à Pleyel (15 & 18 novembre 2007)

Le premier concert a débuté de façon captivante avec une luxuriante Variation sur un thème de Haydn et deux morceaux de Schubert (Gesang der Geister über den Wasser & Gruppe aus dem Tartarus) transcris pour choeur par Brahms: inutile de préciser que tant l'Orchestre romantique et révolutionnaire que les Monteverdi Choir sont d'une précision, d'une délicatesse, d'une clareté et d'une energie remarquables. La seconde partie m'a semblé plus décevante: c'était la première fois que j'entendais la Rhapsodie pour alto, et c'est d'un pathos un peu trop gras pour mois (là je sens que je vais me faire taper!), pourtant je ne saurais accuser la prestation de Nathalie Stutzman qui, pour le coup, semblait presque un peu trop retenue voire distante, bref je n'ai pas accroché. Quant à la Symphonie n°1, je m'étonnais de n'en avoir aucun souvenir en arrivant, et je comprends pourquoi je n'écoutais que la 3 et la 4 durant mon adolescence: c'est vraiment le gros bordel romantique cette première symphonie, et ce n'est pas la citation de la neuvième de Beethoven qui vient structurer une partition assez brouillone.

 

Heureusement le 18 novembre le programme était impeccable: après une nouvelle démonstration de l'excellence et de l'exhaustivité des Monteverdi Choir dans le Begrabnisgesang de Brahms, le "Wie lieblich sind die Wohnungen", le "Es ist genug" de Ahle et le "O Ewigkeit, du Donnerwort" de JS Bach, ce fut le moment du Deutsches Requiem (enfin un truc que je connaissais, mais je suis loin de me plaindre de mes autre découvertes; à noter qu'une sortie cd des 3 concerts est d'ailleurs prévue). Alors certes Matthew Brook fatiguait un peu, certes Camilla Tilling était plus scolaire qu'investie (mais pour la première fois j'ai vraiment aimé la qualité de sa voix), mais l'orchestre était vraiment parfait. Je n'ai vraiment rien à redire et m'avoue même un peu à court de mots pour en décrire l'impression ressentie: il faut dire que ce Requiem que j'entendais au concert pour la première fois, gagne énormément en impact par rapport au disque, et que j'en suis sorti abasourdi.
Sylvie Eusèbe a publié un compte-rendu du premier concert chez David, je vous recommande tout autant la discussion qui s'en suit.

*Il Sant'Alessio de Landi au TCE (générale du 19 novembre 2007)

Je ne vais pas ici reprendre mon raisonnement sur les mise-en-scènes de Benjamin Lazar, mon sentiment est à peu près équivalent à celui de Cadmus et Hermione, mais j'ai trouvé cette mise-en-scène plus ingénieuse et spirituelle (l'oeuvre y incite) cherchant plus a créer l'intimité et l'obscurité dans lesquelles naissent la ferveur nécessaire au déroulement de cette action sacrée, tout en symbolisant l'esthétique d'une époque de façon brillante (notemment l'apparition des 3 femmes dans les fenêtres, telles des tableaux vivants).


L'oeuvre en soit est assez monotone et longue: l'histoire de Saint Alexis, patron de tous les homos refoulés devenus moines à défaut de pouvoir devenir Saint sous l'escalier pour échapper au mariage, me semble déjà sans intérêt (il y a tout de même de plus beaux exemples de contrition dans l'hagiographie!), et le livret joue la contemplation d'un bout à l'autre (de ce point de vue la mise-en-scène s'avère idéale), l'action étant rudimentaire: la famille d'Alexis le cherche et se lamente, celui-çi chante sa foi et se fait emmerder tantot par des domestiques tantôt par l'envoyé du diable qui le tente trois fois en vain, et puis crac, il est mort l'Alexis. Or la musique dans cette même perspective contemplative, ne captive que pour les moments de ferveur ou de tristesse profonde, elle est incapable de soutenir l'attention du spectateur (ou du moins de la majorité) pendant l'action et ce sur 3 heures!
Il faut dire que la direction étirée, molle et languissante de William Christie n'arrange en rien; heureusement Philippe Jaroussky s'avère un sublime Alexis, retrouvant au passage son registre de sopraniste qui s'est beaucoup amélioré en clareté et en précision depuis Sedecia; Max-Emmanuel Cencic trouve enfin un rôle à sa mesure sur une scène parisienne: le jeu est si investi et pourtant sobre, pudique, la voix si chaleureuse que la confusion des sexes est totale. Alain Buet est un père digne et viril, impeccable; le Démon de Luigi di Donato plancheronne (vous voyez qu'il est bien pratique ce mot!) vite dans le grave abyssal de son rôle mais sa stature physique et le coté mordoré de son medium font vite oublier cette limite. Dans la série des contre-ténors on retiendra le très sonore Xavier Sabata en mère éplorée et la percutante nourrice de Jean-Paul Bonnevalle. On se souviendra aussi malheureusement de la voix mixte anarchique et de la diction catastrophique (vous vous souvenez du critique français dans Huit et demi...) de Ryland Angel en Adrasto.

 


On ira lire chez Friedmund un compte-rendu encore moins enchanté et chez David une note plus élogieuse.

 

 *Motets de Rameau par Niquet au TCE (26 novembre 2007)

Moi qui suis émerveillé dès que je découvre une nouvelle oeuvre de Rameau, je suis sorti de ce concert fort déçu ayant constaté que ses motets (ici Quam dilecta et In convertendo) sont... chiants. Je ne saurais mettre en cause la qualité de l'orchestre et des choeurs du Concert Spirituel qui ne sont plus à prouver dans ce repertoire, ni du chef que j'adore outre mesure. La prononciation française du latin ne m'a pas géné non plus et tous les chanteurs étaient très honnêtes quoiqu'un peu gueulard (Mathias Vidal, Marc Mauillon) et à la voix encore verte (Hanna Bayodi). Stéphanie Révidat fait forte impression dans son long air du In convertendo se jouant des difficultés techniques avec un métier remarquable et malgrè un petit grelot dans la voix. Les deux motets de Joseph Michel (Dominus regnavit & Quid retribuam tibi) ne m'ont pas plus sorti de cet ennui poli.

*Das Paradis und die Peri de Schumman au TCE (8 décembre 2007)

Superbe oeuvre que je découvrais, très poétique et envoutante mais inégalement servie: l'Orchestre de l'Age des Lumières dirigé par Simon Rattle m'a semblé manquer de cohérence et de continuité, si bien que l'on n'est jamais emporté jusqu'au bout de la phrase musicale tant le chef semble prendre plaisir à l'interrompre pour souligner lourdement un détail au détriment de la clarté de l'ensemble; peu après le Monteverdi Choir, le Choeur de l'Age des Lumières faisait pâle figure, attaques approximatives ,ténors inaudibles, diction alléatoire. Heureusement les solistes relèvent le niveau: Sally Mathews a le port d'une ragédienne (et les épaules d'Amélie Mauresmo) et le ton, voix longue et dynamique aux accents percutants, on la sent pourtant parfois plus attentive à l'excellence de l'émission qu'à l'emotion (bien pardonnable à ce niveau); Kate Royal n'a malheureusement qu'un rôle minuscule et ne peut donc faire preuve de tout son talent comme dans L'Allegro de Handel à Garnier la saison dernière; Bernarda Fink est toujours une chanteuse à la tessiture non identifiée et c'est tant mieux, tant elle sait en jouer pour souligner la poésie du texte et de la musique (ah ce "Verlasse den Jügling" !); Mark Padmore est très honnête mais ce timbre ne m'a jamais ému, contrairement à Friedmund dont l'avis est bien plus élogieux que le mien.

* L'Etoile de Chabrier à l'Opera Comique (20 décembre 2007)

Moi j'ai adoré, et je n'ai rien à ajouter que ce que je n'ai déjà dit en commentaire à l'excellent article de Bajazet.

 

* Kirschlager dans Les Nuits d'été au TCE (15 janvier 2008)

Grosse déception: moi qui ne voulait pas rester sur la mauvaise impression laissée par son piètre Ariodante et qui la croyait idéal pour ce repertoire, je suis déçu, déçu, déçu. Sa diction du français par ailleurs superlative est ici aléatoire, tantôt l'on comprend tout, tantôt plus rien; le timbre semble souvent sec, la voix à bout de souffle, l'émotion intermittente. N'y a-t-il pas eu assez de répétitions? La direction chahutée de McCressh à la tête de l'Orchestre de Chambre de Bâle l'a-t'elle mise mal à l'aise. En tout cas ce fut raté et ce fut tout, puisque Le Songe d'une Nuit d'été interprété en seconde partie le fut sans les parties vocales: appeler ça un récital, c'est à la limite du foutage de gueule! Paul McCreesh fut ici bien plus satisfaisant que pour sa Missa Solemnis à Pleyel, mais ces arrêtes permanentes et ce manque de respiration m'indisposent toujours autant, surtout quand on a l'ouverture d'Oberon par Minko et Le Songe par Herreweghe dans la tête.

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27 janvier 2008 7 27 /01 /janvier /2008 16:17

Cadmus et Hermione de Lully
Opera Comique 21 janvier 2008

Mise en scène Benjamin Lazar
Collaboration Louise Moaty
Chorégraphe Gudrun Skamletz
Scénographie Adeline Caron
Costumes Alain Blanchot
Lumières Christophe Naillet
Maquillage Mathilde Benmoussat

 

Cadmus André Morsch
Hermione Claire Lefiliâtre
Charite - Melisse Isabelle Druet
Amour - Pales Camille Poul
Arbas - Pan Arnaud Marzorati
Nourrice - Echion Jean-François Lombard

 

Solistes, danseurs et orchestre du Poème harmonique
Direction Vincent Dumestre

 

 

 

 

 

 

 

Monter une tragédie lyrique n'est jamais évident, tant ses codes peuvent sembler lointains pour nos conceptions dramatiques et théâtrales, saluons donc l'Opéra comique qui a eu cette excellente initiative partagée à Paris par le seul Théâtre des Champs-Elysées devant le desintéressement total de l'ONP. La tache est d'autant plus difficile qu'il s'agit ici de la "naissance" de l'opéra français codifié par Lully et Quinault. D'emblée je dois avouer que j'ai été un peu déçu par l'oeuvre (mais l'interprétation musicale a sans doute sa part dans mon jugement) tant pour le livret qui n'a rien d'inoubliable et se révèle plus souvent efficace que brillant, que pour la musique qui connait déjà de superbes fulgurances (l'ouverture, les danses, l'invocation à Mars...) mais qui semble encore trop timide dramatiquement (voire plate: le final). Je suis loin d'être un spécialiste de Lully ne connaissant qu'Atys, Alceste et Proserpine par ailleurs, mais pour le moment c'est de loin cette dernière oeuvre qui a ma préférence graçe à un livret superbe et à une musique captivante de la première à la dernière note. Cadmus et Hermione, bien que fondatrice, sonne tout de même balbutiante à mes oreilles comparée aux sommets atteints par la suite.

 

 

 

 

 

 

 

Il faut dire que ce soir là, le drame était plutot absent: le Poème Harmonique dirigé par Vincent Dumestre fait montre de sonorités luxueuses et d'harmonies ravissantes mais manque crânement des contrastes et de sens du drame qui font toute l'exhaustivité des interprétations du Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet. Ici l'oreille est sans cesse flattée, mais le tout manque de nerfs et se révèle incapable de susciter l'émotion. C'est le même reproche que l'on pourrait adresser aux chanteurs tous étudiants au CNSM: techniquement c'est souvent implacable mais on chercherait en vain l'engagement que ce genre tout en récitatif exige cependant: c'est plus appliqué qu'impliqué (© Clément). Personne ne se détache vraiment du lot, à l'exception d'Isabelle Druet et de Luanda Siqueira qui incarne Junon, dont la franchise vocale et dramatique dynamisait l'atonie vocale ambiante.

 

 

 

 

 

 

 

Mais le véritable intérêt de cette production me semble résider dans la mise-en-scène, ou plutôt dans le débat qu'elle soulève (ou du moins devrait soulever). Le parti pris de Benjamin Lazar depuis Le Bourgeois gentilhomme et Il Sant'Alessio est clair: pour jouir parfaitement des raffinements de cette musique et de ce théâtre, il faut en retrouver la présentation historique qui en constitue en quelque sorte l'écrin; conception à l'opposé des modernisations souvent outrancières dont on nous afflige pour mieux nous faire comprendre "l'actualité" des oeuvres, comme si le spectateur était incapable de le comprendre seul, comme si l'intérêt d'une oeuvre ne résidait que dans sa pertinence pour éclairer continument l'époque où elle est représentée et comme si les costumes d'époques nous "divertissaient" de l'oeuvre qui est elle même et restera toujours un divertissement comme toute oeuvre d'art. Ce sont de telles conceptions qui poussent souvent des metteurs en scène peu scrupuleux à torturer les récitatifs, à dénaturer les airs, et à substituer des gags à répétiton à un vrai travail de théâtre sur des oeuvres trop vites perçues comme inévitablement ennuyeuses à la scène. Le parti pris de Benjamin Lazar semble donc salutaire, il est surtout inattaquable et c'est bien là que se trouve la faiblesse de sa mise-en-scène.


Avant de détailler ma critique, je commencerai par contester le choix historicisant de la prononciation du vieux français: face à la splendeur de la superbe simplicité qu'obtiennent de leurs chanteurs Hervé Niquet ou Hugo Reyne, je ne peux que trouver cette prononciation poussiéreuse et éloignant du drame. C'est hautement subjectif, mais j'ai du mal à être ému par le désèspoère que l'on nousse présente ou impressionné par la gloère des dieuks et desse hérosse du drame... Alors on me dira qu'un opéra chanté en langue étrangère ne m'éloigne pas pour autant du drame, certes mais ici la résonnance de mots connus ainsi pronnoncés provoque le même effet comique que l'accent quebecois (plutot génant dans les parties tragiques!) et, contrairement à une langue étrangère que l'on prend tout de suite pour telle, on est ici constamment balloté entre le plaisir direct d'entendre chantée notre langue natale, et l'éloignement produit ponctuellement et de façon répétée par la pronnonciation historique de certains mots.


Ceci dit, saluons le remarquable travail de reconstitution qui illumine les décors, les costumes, les éclairages (à la bougie pour l'essentiel) mais aussi la direction d'acteur dont les gestes sont précisément réglés, tout ceci est du plus haut intérêt pour qui s'interesse à l'esthétique d'une époque, aux conditions de création, à l'Histoire de l'art... mais une reconstitution ne sera jamais une véritable mise-en-scène car elle ne fait preuve d'aucune créativité, d'aucune prise de risque, d'aucune initiative artistique. C'est au plus un extraordinaire travail de scénographie et de recherche universitaire, mais en aucun cas le travail d'une personnalité. Ici plus que dans Il Sant'Alessio d'ailleurs, où il se cachait moins derrière cet idéal de reconstruction et cherchait plus directement à symboliser une époque avec tout le goût, le savoir et la rigueur qui a manqué à Pier Luigi Pizzi par exemple, Benjamin Lazar se fait uniquement artisan d'une reconstruction et non artiste.


Alors évidemment je ne vais pas jouer la surprise, ce parti pris étant clairement affiché, mais je me permets de craindre ses prochaines productions si elles sont du même genre: et pour cause, la mise en scène étant un concept inexistant à l'époque, cela risque fort de tourner en rond et de tomber dans le déjà vu (ce qui n'est pas loin d'être déjà le cas). On me dira - oui on me dit beaucoup de choses :-) - que de grands metteurs-en-scène tombent souvent dans le déjà vu (Bob Wilson, Robert Carsen...) mais eux ont au moins eu le génie de créer leur univers, là où Benjamin Lazar n'a eu que le talent de le reconstituer. Mais surtout, ce qui me semble dangereux avec ces reconstructions, c'est qu'indirectement et sans doute involontairement, elles avalisent l'idée selon laquelle les oeuvres baroques ne sont pas représentables dans nos esthétiques contemporaines niant ainsi leur potentiel théatral pour les reléguer au rang de ce que seront par exemple les spectacles du Lido dans deux siècles: du folklore. Or le travail de metteurs en scène comme Jean-Marie Villégier, Jean-Louis Martinoty, David McVicar, Trisha Brown ou bien d'autres qui préfèrent jouer avec les codes d'une époque plutôt que de les reproduire fidèlement me semble infiniment plus fécond et passionnant que cette superbe mais creuse reconstitution qui n'est contestable que radicalement ou sur des points historiques mais jamais artistiques.

 

 

 

En conclusion, ce spectacle n'ennuie certes jamais (et c'est déjà une grande qualité) mais ne passionne jamais non plus faute de savoir susciter l'émotion. Lully et Quinault méritent tout de même mieux et j'espère que le Thésée présenté bientôt au Théatre des Champs-Elysées par Jean-Louis Martinoty saura dépasser ce genre de mise en scène certifiée historique, comme on certifie un produit issu de l'agriculture biologique.

 

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13 janvier 2008 7 13 /01 /janvier /2008 21:15

Alcina de Handel
Palais Garnier, 13 décembre 2007

 

Direction musicale Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène Robert Carsen
Décors et costumes Tobias Hoheisel
Lumières Jean Kalman
Mouvements chorégraphiques Philippe Giraudeau

Alcina Inga Kalna
Ruggiero Vesselina Kasarova
Morgana Olga Pasichnyk
Bradamante Sonia Prina
Oronte Xavier Mas
Melisso François Lis
Oberto Judith Gauthier

Ensemble Matheus
Choeurs de l’Opéra national de Paris

 

Une distribution de rêve conçue pour Minko qui a échu à Spinosi en raison de copinages... J'étais très très sceptique sur la capacité de Jean-Christophe Spinosi et son ensemble à jouer un opéra de Handel en entier après la catastrophe du récital Larmore. Malheureusement je ne me trompais pas. Attaquons dans le vif: cette direction est une des pire que je connaisse pour cet opéra auquel je tiens particulierement puisqu'il fut ma porte d'entrée dans l'opéra baroque. C'est bien simple: tout est joué en morse! A force de vouloir créer la rupture et la surprise permanentes, Spinosi nous livre un squelette de partition mal articulé de surcroit. A part le "Ah mio cor" (et pour cause!) tout est à coté de la plaque. De plus les solistes sont au mieux scolaires: les flutes du "Mio bel tesoro" jouaient bien trop fort par rapport au reste de l'orchestre, le violoncelle du "Credete al mio dolor" était d'une placidité incompréhensible pour un air si sensible et je passe sur la prestation de Spinosi au violon dans "Alma oppressa" qui n'est pourtant pas une partie difficile; mais le clou furent les cors pendant le "Sta nell'ircana" qui réussissaient à être faux alors qu'on les entendaient à peine et qui en guise de cadence nous ont gratifié d'un magnifique canard-qui-se-mouche de 2 temps tout à fait volontaire. Inutile de préciser que les chanteurs sont livrés à eux même, j'y reviens après. Au rang des pointes d'originalité completement stupides on distinguera les 5 secondes de pause entre chaque salve de violon pour la Sinfonia au début du III, le même "truc" que Spinosi nous avait déjà refilé pour l'ouverture de la Griselda de Vivaldi en cd. Je reste consterné par tant de bêtise et par un tel massacre, même les Handel de Curtis valent mieux que cette version matuvu, puérile et agaçante.

 

Concernant la mes de Robert Carsen que je découvrais, on y trouve rien de très neuf: certes le dispositif de murs censés représentés l'isolement et l'enfermement d'Alcina est ingénieux: le "Ah mio cor" où Alcina rase les murs est par exemple particulièrement saisissant; les ouvertures sur des espaces verdoyants qui disparaissent après le "Verdi prati" est aussi très efficace (même si cela n'a rien d'original et rappelle facheusement La Clemenza di Tito des Hermann comme le souligne Bajazet); la mort d'Alcina en forme de suicide passe bien dans cette transposition même si l'espace vide à la fin de l'opéra est encore une des grosses ficelles de Carsen qu'il nous met à toutes les sauces! Cependant la direction d'acteur vire souvent au remplissage voire au contre-sens total: vide pendant le "Si son quella" ou le "Sta nell'ircana", gadget pendant "Al alma fedel" (elle s'habille en femme), convenue pour le "Mio bel tesoro" (Ruggiero se tourne pour dire les "Ma non a te" et reste distant d'Alcina pendant tout l'air, on peine à croire qu'il cherche à la convaincre!), incohérente pour la gestion des choeurs (si l'idée de départ était bonne - signaler la présence tapie des aventures d'Alcina et par là le danger qu'elle représente - à trop nous la reservir de façon bien appuyée - mecs à poil - elle devient lassante et perd souvent son sens). 
Et malheureusement les contre-sens sont légions: si la partouze d'Alcina présentée par Melisso peut être interprétée comme une fiction présentée à dessein, on ne saurait sauver le traitement du personnage de Morgana. Parce qu'elle a le malheur d'être un soprano plus aigu que sa soeur, Morgana est transformée en soubrette et on voit bien qu'Handel annonce Mozart puisque cette Morgana est déjà Susanne/Zerline, ben voyons: du coup tous ses airs perdent en émotion, "Credete al mio dolore" en faisant le lit réduit sa tristesse à un drame domestique et symétriquement les airs d'Oronte d'une lucidité remarquable sont considérés comme des paroles de jaloux aigri. Conséquence: c'est tout le sens du livret (pour une fois bon) qui s'en trouve boulversé, car dans ce livret c'est finalement la lutte entre l'amour hédoniste et l'amour chevaleresque qui se joue (et là Alcina annonce Tannhäuser! non je déconne) dont les représentants s'opposent aisément: Alcina/Bradamante; Ricciardo/Oronte. Dans le premier cas c'est Ruggiero qui doit choisir, dans le second c'est Morgana; la souffrance vient de ce qu'Alcina se repend et perd ses pouvoirs en tombant amoureuse d'une part et d'autre part de ce que Ricciardo n'est qu'un leurre qui trompe sans le vouloir le désir de Morgana. Dans ces jeux de désirs, Morgana est donc loin d'être un personnages de moindre rang, elle est parfaitement intégrée à l'action (c'est d'ailleurs elle qui "ouvre le bal" avec "S'apre al riso"). Le drame de Morgana comme celui d'Alcina c'est de comprendre trop tard les errements du désir amoureux que tout l'opéra dépeint: Morgana semble sauvée in extremis dans "Credete al mio dolor", Alcina tente de se sauver dans "Non e amor ne gelosia". Mais au final les deux soeurs se disent perdues au moment où Ruggiero détruit l'île. En réduisant la portée du personnage de Morgana et en transformant tout le monde en bourgeois ou en domestiques, Carsen transforme l'action en un drame convenu et stéréotypé. Je lui pardonne par contre de ne rien faire d'Oberto tant le personnage peut apparaitre étranger à l'action, il a cependant le mérite de mettre Alcina devant la trace de sa cruauté passée et de la souffrance qu'elle a causée. Enfin la coupe du choeur final aux tonalités ironiques fait perdre de sa force à l'oeuvre, et ce n'est pas la séparation Bradamante/Ruggiero qui suffit à rattraper le coup. 

 

 

 

Chez les chanteurs par contre on frise l'idéal: Inga Kalna est une amante dont l'ardeur est toujours ensorcelante, elle a parfaitement compris l'évolution de son personnage et traduit les différentes facettes de son personnage par une variété de ton remarquable au point que chaque "Si son quella" semble signifier quelque chose d'autre, épaulée par un vrai chef elle se hisserait sans peine au rang des interprétations de Gauvin ou Auger, malheureusement on la sent totalement perdue dans un "Ombre pallide" tourniquotant, très seule dans "Si son quella" et "Ah mio cor", en décalage par l'esprit avec une fosse épileptique pour "Ma quando tornerai"...

 

 

Vesselina Kasarova est encore capable d'un boulversant "Mi lusinga" et de très efficaces "La bocca vaga" ou "Di te mi rido", mais pour le "Sta nell'ircana" c'est du grand n'importe quoi et le "Verdi prati" la trouve bizarrement vite en manque de subtilité. Quoiqu'il en soit cette voix épaisse ne correspond pas à mon idée du personnage à la fois ruste et élégant, splendide et fourbe. On est pourtant bien loin du naufrage annoncé ici et là et Kasarova peut encore faire merveille dans des rôles moins exposés vocalement.

 

 

Olga Pasichnyk a débuté la soirée avec un aigu un peu vert et une voix manquant de fruité pour la joie spontanée et mutine du "S'apre al riso", heureusement elle s'est magnifiquement améliorée ensuite même si son soprano léger reste un peu court pour signifier la rage dans le récitatif vindicatif du II. Pourtant avec une mes sabotant à ce point son personnage, son jeu tourne vite à vide, alors même qu'elle est capable de bien plus de variété et de puissance comme l'ont prouvé ses réçents Belleza, Farnaspe ou Cleofide.

 

 

Sonia Prina se sort toujours aussi superbement du "E gelosia" malgrè la crétinerie de la mes (bataille autour d'une table roulante) mais on la sent génée pour "Vorrei vendicarmi" dont les vocalises heurtées et essouflées contrastent avec son interprétation magistrale dirigée par Ivor Bolton à Munich. Encore une fois question de chef... Pour faire écho à un débat réccurent sur ce personnage j'ose avouer ici que j'aime beaucoup ses airs que je ne trouve pas du tout "écrits au kilomètre". "E gelosia" est un air dont les syncopes ont un effet extrement dramatique, comme si Bradamante cherchait ses mots pour se sortir d'une situation embarassante; "Vorrei vendicarmi" avec sa basse continue qui semble taper du pied de rage et ses cordes qui s'emportent pour inlassablement retomber comme le rocher de Sisyphe traduisent parfaitement les soubresauts du personnage trahi entre l'abandon de la tristesse et la violence de la rage comme si la fonction de la partie B était déjà intégrée dans la partie A par intermittence. Quant au dernier air il faut vraiment le charme du cantabile de Prina ou Mijanovic pour le sortir de son train-train, je le reconnais.

 

 

L'Oronte de Xavier Mas serait rayonnant dans une mes qui lui donne vraiment sa place, tant le chant est solaire bien qu'encore un peu trop sage. Judith Gautier fait forte impression en Oberto avec sa voix minérale et légèrement raide qui donne une force à la fois juvénile et maladroite au jeune adolescent. Par contre on oubliera vite le Melisso gueulard de François Lis qu'on a connu bien plus inspiré dans d'autres rôles. 

 

 

 

 

Le public a réservé un triomphe à Spinosi et fut bien froid envers Kalna dont c'étaient les débuts à Garnier, heureusement qu'il y avait un taré dans les quatrièmes loges de coté pour hurler "BRAVO!" ;-)

 

On lira aussi l'article de Bajazet sur cette même représentation, comme je vais m'apprêter à le faire.

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22 décembre 2007 6 22 /12 /décembre /2007 00:23

Tannhäuser de Wagner
Opera Bastille le 21 décembre 2007

  

Direction musicale Seiji Ozawa
Mise en scène Robert Carsen
Décors Paul Steinberg
Costumes Constance Hoffmann
Lumières Peter Van Praet
Chorégraphie Philippe Giraudeau


Tannhäuser Stephen Gould
Elisabeth Eva-Maria Westbroek
Venus Béatrice Uria-Monzon
Wolfram von Eschenbach Matthias Goerne
Hermann Franz Josef Selig
Walther von der Vogelweide Michael König
Biterolf Ralf Lukas
Heinrich der Schreiber Andreas Conrad
Reinmar von Zweter Wojtek Smilek

Orchestre et Choeurs de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Choeur d'enfants de l'Opéra national de Paris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au retour de ce spectacle plusieurs jugements s'imposent: tout d'abord, la mes est extrêmement riche, hautement signifiante et lisible, c'est l'une des plus conséquentes de Carsen que je connaisse; ensuite: c'est totalement à coté de la plaque; enfin musicalement c'est souvent l'extase, j'y reviens en fin d'article.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commençons par la mes de Robert Carsen: j'en avais entendu le plus grand mal, notemment qu'elle ne collait pas du tout au sujet et sur ce point au moins c'est vrai, or comme je découvrais l'oeuvre ce soir, mon approche était vierge de tout a priori sur la façon de monter cet opéra. Le gros avantage avec Carsen c'est que les idées sont là et souvent superbement et clairement exprimées, loin des cafouillis de Warlikowski ou de la pédanterie (ça se dit?) de Marthaler, en voilà un qui donne tout son sens à la fonction interprétative du metteur en scène (oui j'aime bien jargonner des fois). Le problème est double, d'une les idées sont souvent mauvaises et les contre-sens nombreux, sans parler de la vulgarité qui vient souvent abimer ses productions par tache; de deux elles sont souvent les mêmes d'une mes à l'autre (le lit, les nus, le plateau final vide...). Avant d'entrer dans les détails de ce spectacle qui encore une fois pour être totalement hors sujet, n'en est pas moins gros d'excellents moments de théatre, il faut tout de même blamer la direction artistique de l'Opéra de Paris pour sa frilosité: Carsen à tous les étages, ça commence à bien faire, depuis que Mortier est là c'est tout de même le metteur en scène le plus présent et cette année on bat le record avec 4 productions signées Robert (Capriccio, Alcina et Tannhäuser - en même temps, je vous laisse deviner ce qui de la reprise ou de la création a été baclé... - Capuletti); alors certes il n'a eu qu'une création depuis l'arrivée de Mortier et c'est surtout Gall qui l'a fait rentré si profondément au répertoire de l'ONP, mais pourquoi reprendre autant de ses spectacles quand Mortier est si prompt à en remiser d'autres? Il doit certainement se dire que c'est un moindre mal, au moins ici il y a de la reflexion, cela ne remet pas grand chose en cause, mais ça se vaut. Je peux très bien le comprendre, mais alors pourquoi le proposer une nouvelle création, alors que le repertoire compte déjà son Lohengrin, quand tant de metteur en scène novateurs n'ont jamais mis les pieds à l'Opéra de Paris?!

 

 

 

Ceci dit, analysons le spectacle: cette mes est riche d'idées fortes qui sont trop intermittentes et parfois incohérentes mais surtout hors sujet. Résumons d'abord le propos en énumérant ces idées:

 

 

1. Lors de l'ouverture on decouvre que Tannhäuser est un peintre et Venus son modèle nu, sur un lit (forcément!), au fur et à mesure que la musique s'emporte on voit notre peintre s'agiter frénetiquement devant sa toile et des doubles apparaitre dans tous les coins de la scène entourant Venus, griffonant et déchirant fievreusement leurs esquisses pour ensuite se déshabiller (même remarque que la précédente parenthèse) et se transformer en pinceaux humains sur les nombreuses toiles qu'ils ont apportées se frottant voire se masturbant dessus. A noter qu'on ne voit jamais à quoi ressemblent les toiles qui ne sont visibles au public que de dos. Le thème principal est donc lancé, Tannhauser est un artiste maudit à l'époque du pop-art au pinceau brulant et aux oeuvres hautement érotiques. Le livret le fait poète, la musique chanteur, la scène le fera peintre et vogue la Gesamtkunstwerk. Ensuite c'est le grand vide, toute la scène avec Vénus n'est qu'allers et venus, gesticulations... ennui.

 

2. Lors de l'invocation à Marie, Venus s'enfuit à jardin et un pan du mur (à cour en fond de scène) s'ouvre laissant apparaître un large rayon de lumière pâle qui tranche avec le noir des murs de l'atelier-Venusberg, c'est par là qu'entrent les paysans (qui sont les doubles du peintre de l'ouverture) qui emporteront les toiles laissées sur le mur puis les chasseurs, tous habillés de smoking gris indifférenciés (ou si peu). A la fin de l'acte, Tannhauser, parti avec les chasseurs à travers le rayon lumineux, revient dans son atelier pour emmener sa toile puis les rejoint.

 

 

3. L'acte II est une exposition, les tableaux sur leur chevalet sont drapés, les lumières de la salle restent allumées, les chanteurs puis plus tard le choeur (habillé chic et choc seventies) font leur entrée sur scène par la salle, le choeur est donc le double du public sur scène.

 

 

4.Le tournoi voit les 3 concurents chanter leur poème et dévoiler en le terminant leur oeuvre picturale, que Tannhauser attaque en jettant les tableaux à terre avant de présenter le sien (peint chez Venus) qui choque l'assistance des bourgeois. A aucun moment on ne voit les oeuvres. S'en suivent de nombreuses pérégrinations des chanteurs dans le parterre, sans grand intéret. En partant à Rome, il emmene son tableau.

 

 

5. L'acte III retrouve le décor du I, l'atelier deserté (des feuillets éparses jonchent le sol, le chevalet est vide) de Tannhauser; Elisabeth y entre, se déshabille et s'enveloppe des draps du lit et quitte la scène après son duo avec Wolfram. Les pelerins reviennent avec les cadres dépourvus de toiles des tableaux emportés par les paysans-doubles du peintre au I (tout le monde suit?); évidemment, seul Tannhauser à garder le blanc soucis de sa toile et à son entrée, le pan du mur se referme et le rayon de lumière (par lequel étaient entrés Wolfram et Elisabeth) disparait.

 

 

6. Pendant leur duo Tannhauser menace Wolfram de son chevalet vide avant d'invoquer Venus en se remettant à peindre (il réinstalle sa toile sur son chevalet), celle-çi réapparait drapées de blanc comme au I, exactement comme... Elisabeth. 

 

 

7. Vénus ne disparait pas quand Wolfram parle d'Elisabeth, au contraire, les deux s'installent sur le lit devant le peintre qui achève sa toile, sur laquelle ses deux muses, ses deux sources d'inspirations se marient enfin. Le pan de mur noir se lève alors, découvrant des murs blancs comme au II sur lesquels trônent des grands nus de l'histoire de la peinture; le choeur-public habillé de tenus colorées félicite alors Tannhauser pour son chef d'oeuvre que l'on accroche parmi les autres... à l'envers, le chef d'oeuvre inconnu. Personne il est mort, tout le monde il est content, y compris le public qui n'apparait pas comme réac au II, mais comme le juge véritable de l'art.

 

 

 

Comme on peut le voir, la mes est riche, y a du contenu, mais les idées apparaissent trop ponctuellement et la direction d'acteur ne les exploite pas juqu'au bout, du coup on a de quoi réfléchir environ une fois toutes les demi-heures; entre c'est le vide complet. C'est déjà ça me direz vous: certes, mais les incohérences sont nombreuses, fruits du plaquage de l'idée de départ sur une oeuvre qui ne l'accepte pas.

 

C'est tout d'abord la transposition: dans les années 70, choquer le public est un gage de valeur artistique, plaire au bourgeois c'est donc se vendre au mercantilisme, or ici au final c'est bien ce que fait Tannhauser, à cette époque sa reconnaissance finale est donc contradictoire; ensuite on voit mal ce que Tannhauser va foutre à Rome dans la mesure où il n'existe pas de pape, c'est à dire de détenteur du dogme dans cette période artistique post moderne caractérisée par la perte des critères artistiques. 


Ensuite si le glissement du poète au chanteur était logique, le glissement du chanteur au peintre l'est bien moins: Carsen l'a sans doute senti en refusant de nous montrer les oeuvres peintes pour ne pas voler la vedette plastique au chant et conserver ainsi une part de caché, de sacré dans l'oeuvre de Tannhauser; mais cette part est bien maigre au regard de toute la dimension spirituelle qui passe à la trappe, surtout qu'à l'époque de la transposition, l'art devenu pure valeure marchande n'a plus rien de sacré! La dialectique entre pagannisme et christiannisme, entre amour charnel et amour chrétien perd tout son sens en étant transformé en opposition entre art brut et art classique; c'est d'ailleurs pourquoi Carsen travestit completement la fin de l'opéra.
 

 

 

 

 

 

Enfin opposer l'art "trop érotique" inspiré par Venus dans l'intimité de l'atelier à l'art "classique" inspiré par Elisabeth aux deux concurrents, cela réduit la portée des figures féminines, simples inspiratrices qui ne font que poser: Venus n'a plus rien de menaçant ("rhabille toi et dégage!"), Elisabeth n'a plus rien de salvateur ("vas-y mets toi à coté de Venus, je sens que ça vient!").

 

Au rang des réussites, on notera cependant les superbes éclairages de Peter van Praet, qui ont la qualité rare de se faire oublier alors qu'ils dessinent toute la caractérisation qui manque au décor rudimentaire.

 

 

En conclusion, Carsen aurait pu faire un superbe spectacle mais s'est trompé d'oeuvre: l'art de Tannhauser n'est que secondaire, ce n'est que l'expression de sa "religion"; transformer l'oeuvre en débat esthétique c'est donc la saboter et du coup tomber dans de nombreuses contradictions qui auraient pu être évitées dans une oeuvre plus adéquate. A croire que Carsen ne sait que raisonner sur l'art du spectacle (Capriccio, Les Contes d'Hoffman, Alcina, Candide portent plus ou moins sur l'art théatral/lyrique/télévisuel) et qu'il ne comprend pas la spiritualité, le sacré dont il découle pourtant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voilà pour la mes; si vous me lisez toujours :o) parlons maintenant du versant musical: Seiji Ozawa est le chef favori de l'orchestre de l'ONP qui donne donc ici son meilleur; pourtant j'avoue avoir trouvé tout le I, et surtout l'ouverture, trop sages pour ne pas dire timides, le travail du détail n'est pas à remettre en cause, mais cela manquait de panache et de drame. Heureusement le II les trouve plus en forme, c'est vraiment remarquable de luxuriance; le III est tout en dentelle symphonique, c'est d'une finesse et d'une émotion admirables. Découvrant l'oeuvre je manque malheureusement de réferences pour en dire plus, si ce n'est que rien que pour l'orchestre, je ne regrette pas de m'être cailler les miches dehors pendant 2 heures pour avoir une place debout... pendant 3 heures!

 

 

Le même handicap - en même temps je suis sur que je vous rends jaloux et nostalgiques de l'époque où vous découvriez tant de splendeurs wagneriennes inconnues gnarf gnarf - m'empechent également d'être prodigue sur les chanteurs: Stephen Gould chante un héros vaillant mais à l'allemand pateux, et à l'émission en force qui impressionne mais n'émeut guère, tenir la route dans un tel rôle tient déjà de l'exploit (d'autant qu'il s'investit beaucoup dans son rôle de peintre) mais on ne s'attache guère à son personage.

 
Ewa-Maria Westbroek est mon soprano wagnero-straussien idéal, j'avais déjà été ravi par sa Chrysothémis et sa Lady Macbeth de Mentzsk, ici je ne saurai mieux la résumer qu'en mariant les adjectifs: cette émission à la fois puissante et calme qui rend le chant si naturel, si élégant, ce timbre si limpide et coloré, cette présence scénique si téllurique et vive, ce chant si minéral et souple, fluide et percutant, pesant et cristallin me font soupirer (et c'est pas tous les jours que je soupire pour une wagnero-straussienne, je vous le dis!). 


A coté d'elle le Wolfram de Matthias Goerne ne dépare pas, c'est d'une tenue, d'un moelleux et d'une pudeur profondément émouvants, il habite de son chant la scène où il ne se passe absolument rien pendant son air au III. 


On ne peut malheureusement pas en dire autant de Béatrice Uria-Monzon qui souffre de l'absence de direction d'acteur claire pour sa scène du I: son timbre mate et chaud, son chant serré aurait cependant pu faire un contrepoids idéal à celui de Westbroeck mais quelque chose ne passe pas: la dureté d'Uria-Monzon, ses graves étouffés empêchent de voir en elle la déesse de l'amour charnel, la séductrice capiteuse. De plus la mes ne l'aide pas en faisant de son personnage une semi-pute furibonde loin de la colère divine.


Je ne m'avancerai guère sur les autres rôles dont aucun n'a choqué mon oreille, loin de là.

 

 

 

 

 

 

 

 

Bref si vous n'avez pas pu avoir de places pour le spectacle mondain de l'année, vous vous consolerez aisément avec la retransmission radio et je suis certains que la saison nous reserve d'autres occasions de discuter de l'art de la mise-en-scène lyrique: rien que pour ça, merci Gégé! :)

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