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Psychologie

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Il catalogo è questo

26 mai 2008 1 26 /05 /mai /2008 14:42
Je regroupe ces deux spectacles pour une raison simple: je n'ai pas grand chose à dire sur eux découvrant les oeuvres, mais aussi parce que confronter ces deux mise-en-scène me semble éclairer ce qui me gêne toujours dans les mise en scène de Christoph Marthaler, son absence de poésie.



Tout d'abord le Wozzeck de Berg présenté à l'opéra Bastille le 16 avril. Comme beaucoup je me réjouissais de voir oeuvrer Marthaler dans une oeuvre qui pourrait supporter son discours plutôt que de jouer les trublions avec 30 ans de retard dans La Traviata ou Le Nozze di Figaro; de plus après le superbe Parsifal de Warlikowski, je m'attendais déjà de la même manière à être ébloui par ce metteur en scène dont le travail m'avait jusqu'ici déplu. Par ailleurs je trouvais l'affiche excellente (ce jouet grimaçant piégé dans un filet au dessus d'un bac à sable). Et bien c'est raté! Pour la musique proprement dite, ce repertoire m'étant encore inconnu, je ne saurai dépasser le j'aime bien/j'aime pas: Simon Keenlyside et Angela Denoke d'un coté, Sylvain Cambreling de l'autre.



J'ai trouvé ça très convenu, pour ne pas dire traditionnel, du Marthaler en pilote automatique qui semble à cours d'idées. Pour autant je reconnais que c'est extrêmement travaillé et pensé, mais cela ne débouche sur rien de clair ni d'émouvant. L'espace unique (pour signifier l'enfermement, ce n'est pas non plus d'une grande audace) de cette halle ceinte par le monde de l'enfance et du jeux dont les membres finissent par envahir l'espace, la transposition de Wozzeck en serveur, la direction d'acteur minutieuse notemment pour régler le mouvement des figurants, tout cela fait très réaliste... le problème c'est que Marthaler ne sait pas évoquer, il ne sait que montrer de façon surexposée voire pédante (je repense à l'acte chez Flora dans La Traviata, ou comment dire des banalités sur la bourgeoisie de façon lourdement appuyée), or ici il n'a pas grand chose à montrer passée l'intelligence du décor d'Anna Viebrock (qui me semble d'ailleurs faire preuve de bien plus de talent pour la mise en scène mais passons); on perçoit bien les nombreux signes pourtant (ce pianiste à jardin, le ballon monstrueux de l'enfant, les différentes portes d'entrée dans l'espace...) mais faute de pouvoir leur donner sens en les liant les uns aux autres, on les oublie et la mise-en-scène perd en efficacité. Du coup coté cérébral, on a pas grand chose à se mettre sous la dent; or Marthaler étant impuissant à évoquer et se privant des ressources de la multiplicité des décors, l'émotion n'est pas là non plus. On m'a dit que Wozzeck n'était pas une oeuvre censée émouvoir, je veux bien le croire, n'empêche que Marthaler n'a pas réussi à me faire réfléchir dessus pour autant.
Conclusion: aucune fécondité intellectuelle ou émouvante (du moins pour moi). J'en viens donc à me demander si Marthaler ne jouit pas finalement d'une réputation ancienne qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui: je ne connais pas son travail purement théâtral, mais le voir si sec devant une telle oeuvre m'interpelle quant à sa prétendue intelligence d'homme de théâtre contemporain. Au titre des comparaisons Warlikowski ou Py ont bien plus à dire et le disent avec bien plus de savoir-faire théâtral. On est pourtant loin de l'indigence d'un Deflo, mais Marthaler me semble être meilleur théoricien que practicien: il n'a aucune poésie.






Alors pourquoi rapprocher cela du Prigionniero de Dallapicola et de l'Ode à Napoléon de Schonberg présentés à Garnier le 21 avril dans une mise en scène de Luis Pasqual? Simplement parce que cette mise-en-scène tout aussi traditionnelle, ne s'est pas privée, elle, de sa force d'évocation poétique. Tant dans l'Ode à Napoléon façon cabaret interlope qui rappelle le numéro d'Helmut Berger dans Les Damnés (décidemment!) que dans Il Prigioniero, le metteur en scène accompagne magnifiquement le propos dense et puissant des oeuvres sans en rajouter, en suscitant seulement l'imagination du spectateur par un décor somptueux. Il ne dit rien d'étonnant sur l'oeuvre, ni ne se tait devant elle, il accompagne juste son discours en laissant au spectateur le soin de l'interprêter. Je ne voudrais pas faire mon vieux latiniste pédant après avoir reproché ce défaut à Marthaler, mais la conception de l'art selon Lucrèce, le miel, le remède tout ça, bref la poésie et les idées, c'est bien ce que n'a pas compris Marthaler et qu'a mis en oeuvre Pasqual. Quand le discours d'une oeuvre est suffisamment riche (et c'est courant pour ce repertoire), vouloir à tout prix l'enrichir de son propre discours sans auparavant accompagner l'existant avec sa voix, c'est rendre le tout indigeste et inopérant, or un opéra inopérant... (ratata pouet pouet applause).


Musicalement l'orchestre dirigé par Lothar Zagrosek m'a semblé très riche (bien plus en tout cas que sous la baguette de Cambreling à coté, mais peut être est-ce du aux oeuvres elles même); Chris Merritt est décidemment formidable dans le XXème siècle, même si la voix est en ruine, la présence et le sens dramatique sont encore précieux; même remarque pour Rosalind Plowright, une glorieuse ruine parfaite pour la mère éperdue; même Evgeny Nikitin qui me semble toujours pallichon m'a plu ici. Enfin Dale Duesing pour l'Ode à Napoléon c'est du pain béni, j'en regrette même de ne pas avoir lu le texte auparavant: le découvrant j'en ai loupé presque toute la finesse et n'ai pu apprécier toutes les subtilités de l'interprétation délivrée par ce brillant acteur qui enchanta ma découverte d'Orphée aux Enfers ou de Splendeur et décadence de la ville de Mahagonny sur Arte.






En conclusion Marthaler m'a semblé avoir peu à dire sur Wozzeck, mais l'a dit tellement fort qu'on en a plus entendu l'oeuvre, tandis que Pasqual avait tout aussi peu à dire sur Il Prigionniero et a donc préférer nous faire entendre l'oeuvre. Bien évidemment mon jugement est ultra subjectif, donc pour un avis différent et plus connaisseur de ce repertoire, je vous incite à aller lire Friedmund.





Cependant avant de conclure, je tiens tout de même à clarifier mon propos en l'éloignant de la critique habituelle et stupide que l'on pourrait formuler ainsi "le metteur en scene se met entre vous et l'oeuvre":  les mise-en-scène les plus réussies selon moi sont celles où le discours du metteur en scène trouve à s'illustrer avant tout dans la valorisation personnelle de l'oeuvre, valorisation où l'esthétique et l'intellectuel sont liés dans des proportions diverses (Warlikowski, Py, Audy, La Fura dels Baus, McVicar, Engel, Mussbach, Wilson, Carsen...); à coté il existe aussi une valorisation plus impersonnelle des oeuvres qui s'appuie uniquement sur une esthétique tradtionnelle(Zeffirelli, Deflo...); ou bien une valorisation personnelle qui refuse l'esthétique traditionnelle et son pouvoir d'évocation assimilé à du divertissement parasite (ce que l'on appelle l'esthétique de la laideur) et s'appuie surtout sur l'intellectuel (Marthaler, Bieito,...). Au sein de ce schéma grossier, le pire c'est encore quand le metteur en scène se tait, ne fait pas son boulot et par conséquent ne se met pas entre vous et l'oeuvre, un peu comme si un chanteur ne se mettait pas entre vous et la partition en ne chantant pas.
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26 mai 2008 1 26 /05 /mai /2008 14:01
Rossini, Elisabetta, regina d’Inghilterra
Drama per musica en deux actes (Naples 1815)
Livret de Giovanni Federico Schmidt

Elisabetta : Marguerite Krull
Leicester : Gregory Kunde
Matilde : Anna Maria dell'Oste
Norfolc : Antonino Siragusa
Enrico : Blandine Staskiewicz
Guglielmo : Yves Saelens

Choeur et Orchestre Symphonique de la Monnaie
Direction musicale, Julian Reynolds

Paris, Salle Pleyel, le 13 avril 2008

Le temps qu'il m'a fallu pour publier cet article est à la mesure de la déception ressentie suite à l'annulation d'Anna-Caterina Antonacci dans le rôle titre (ça commence bien hein?!). J'aime bien cet opéra qui est loin d'être le plus raffiné ou original de Rossini, c'est même une écriture assez automatique mais interprété par de vraies bêtes de scène avec des moyens vocaux conséquents, le show fonctionne parfaitement, en résumé c'est une oeuvre très efficace à défaut d'être géniale.



Le plateau était plutôt alléchant, surtout pour qui connait les témoignages rossiniens de la grande Anna-Caterina, plus callassienne que jamais dans ce repertoire tant dans la vocalisation "liée" (et non "hachée" comme Horne ou Bartoli, technique tout aussi défendable, n'allez pas croire que je mette l'une au dessus de l'autre) que dans la déclamation et le port de la tragédienne. Pour ceux qui ne connaissent toujours pas, je conseille fortement son Ermione (live de Rome 1991 plutot que DVD de Glyndenbourne), son Mose in Egitto (live de Londres 1994), sa Donna del Lago (live de Gênes 2001) et évidemment son Elisabetta (live de Naples 1991). Mais bon Antonacci n'était pas là ce soir, alors cessons de remuer le couteau dans la plaie.

Toutes les conditions étaient pourtant réunies pour que la soirée soit réussie: l'Orchestre Symphonique de la Monnaie dirigé tambour-battant par Julian Reynolds brillait par sa rutilance, rien qui ne sorte des sentiers battus mais les musiciens faisaient preuve de suffisamment de professionalisme et d'enthousiasme pour placer cette version dans le haut du panier.

Blandine Staskiewicz en Enrico, quel luxe... totalement inutile, tant le rôle est embryonaire, deux récitatifs et hop, tu peux te rasseoir en attendant le choeur final. D'autant que dans ces deux récitatifs Blandine faisait preuve de bien plus de prestance que la reine de la soirée, mais bon... On ne pourra pas en dire plus long sur le Guglielmo d'Yves Saelens, je crois me souvenir que Rossini a gratifié le rôle d'un air totalement insignifiant.

Passons donc aux vrais rôles: nos deux ténors furent les stars de la soirée. Gregory Kunde que les mauvaises langues ne cessent de déclarer fini a fait preuve d'une hargne, d'un élan vocal et d'une présence en scène absolument ravageurs; certes la voix accuse quelques faiblesses dans les extrêmes de la tessiture et l'air suinte souvent dans les vocalises rapides, mais cela se tient encore admirablement avec bien plus de personnalité qu'un Florez par exemple et surtout bien plus de classe qu'un Schicoff (oui quand je dois taper sur un ténor c'est toujours sur lui, je le reconnais, mais c'est à la mesure de la prétention du type). En méchant Norfolc Antonio Siragusa est aussi excellent que dans le disque avec Jennifer Larmore (version de référence à mes oreilles, je recommande fortement): j'ai rarement entendu une voix aussi puissante, franche et assurée et ce qui pouvait sembler un peu violent pour le prince amoureux dans La Cenerentola est ici idéal. Evidemment rien ne lui résiste et l'on ne sait plus quoi louer, les notes longuement tenues, le souffle inépuisable, la caractérisation manichéenne à souhait qui vient irriguer chaque note, voilà un ténor rossinien idéal. Alors quand nos deux bonhommes chantent leur duo, la salle est en liesse et c'est parti pour le bis!

Un peu en retrait par rapport à ces deux bêtes de scène, Anna Maria Dell'Oste a tout de même chanté une Matilde pleine d'humilité et de noble pudeur dans l'émotion, ce n'est jamais bluffant vocalement mais le personnage fonctionne pleinement et, encore une fois, fait preuve de plus de noblesse que la reine. La reine Elisabetta interprétée par Marguerite Krull donc... je sais bien qu'il ne faut pas tirer sur l'ambulance, qu'il n'a pas du être facile de trouver une remplaçante pour toute la série, mais cette chanteuse s'est tout de même batti une réputation de rossinienne et à déjà chanté le rôle à Buenos Aires. On ne peut lui en vouloir d'avoir accepter ce remplacement prestigieux, mais elle n'est clairement pas au même niveau que ses collègues... et à défaut d'une Larmore dans l'idéal, j'aurai donné cher pour que cela soit Staskiewicz qui remplace Antonacci. M'enfin... l'interprétation de Marguerite Krull est difficilement défendable: elle n'a pas la tessiture du rôle, savonne les vocalises, joue les princesses de cour de récré (c'est de qui l'idée du diademe de Miss??!!), sa confrontation avec Matilde est particulièrement pénible, l'entendre crier hystériquement "Custodie!" comme d'autres crient "Maîtresse!". Bref elle n'a rien d'une reine ni dans le port ni dans la voix, ce qui est tout de même gênant pour un opéra qui repose avant tout sur ses épaules. Et puis cette façon de faire croire qu'elle est encore dans l'hallucination de son rôle cinq minutes après la dernière note, je trouve ça  prétentieux, surtout pour du Rossini, faut pas déconner, ça ne demande pas une investissement psychologique abyssal!

Bref une soirée qui aurait pu être excellente avec une vraie reine à la tête de tout ce beau monde.
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28 avril 2008 1 28 /04 /avril /2008 22:23
Roméo et Juliette
Opéra en neuf numéros de Pascal Dusapin
Livret d'Olivier Cadio

Opéra Comique, 28 avril 2008

Mise-en-scène Ludovic Lagarde
Costumes Christian Lacroix
Lumières Sébastien Michaud
Scénographie Ludovic Lagarde et Antoine Vasseur
Dramaturgie Marion Stoufflet
Conception sonore Gilles Grand
Ingénieur du son David Poissonier
Ingénierie sonore IRCAM

Roméo Jean-Sebastien Bou et Marc Mauillon
Juliette Karen Vourc'h et Amaya Dominguez
Bill Laurent Poitrenaux
Quatuor vocal Caroline Chassany, Valério Rio, Jean-Paul Bonnevalle et Pierre-Alexandre Dubois

Choeur Accentus dirigé par Laurence Equilbey
Orchestre de Paris dirigé par Alain Altinoglu


Que dire de ce spectacle ? (soupir)

L'oeuvre elle-même souffre d'un livret volontairement brouillon au propos mille fois rabaché: echec du discours, echec de la relation amoureuse, echec de la pensée, echec de la lutte politique et voilà Roméo et Juliette qui s'engueulent, parlent puis chantent tantôt en anglais, tantot en français,  parfois de la musique contemporaine parfois du jazz, boxent, s'embrassent le tout sous la direction d'un "poète" raisonneur, ils ne s'entendent pas, personne ne s'entend, d'ailleurs les personnages sont doubles, deux Roméo, deux Juliette, les mots s'entrechoquent; au milieu de tout ça on assiste à la révolution communiste et à une scène chamanique autour du drapeau rouge... Bien bien... Bof bof... La perte du sens, l'absurde, l'impossibilité de communiquer, l'être humain cet animal le plus bizarre de la Création... Le problème, c'est que Ionesco et Beckett, c'était dans les années 50, alors certes il est toujours intéressant de voir ça à l'opéra mais on ne peut s'empêcher de penser que le librettiste enfonce des portes ouvertes il y a un demi-siècle. C'est pompeux, pédant, lourd.
Le plus gênant pour quelqu'un qui veut commenter ce spectacle, vient du propos même qui se veut rétif à toute transposition dans la rationalité du langage... moi je veux bien... mais qu'au moins il nous reste l'émotion, le sentiment d'avoir vécu une expérience différente, enrichissante, étrange, indicible... or à force de jouer la carte de la cacophonie avec des platitudes, on se lasse très vite, le temps devient long, on s'extrait du spectacle, on perd en attention, bref on s'ennuie et on ressort de là avec une jolie migraine, mais c'était pour l'amour de l'art et pour soutenir la création contemporaine, alors on est resté jusqu'au bout.

C'est dommage car la musique est intéressante, potentiellement; elle le sera pleinement dans le superbe Perelà, pleine réussite tant pour la musique,que le livret ou la mise-en-scène. Alors ça à coté... j'ai un peu la désagréable impression d'avoir été le cobaye d'une musique expérimentale qui a plus sa place dans un laboratoire que dans un opéra.

C'est d'autant plus dommage que les beaux décors, les lumières léchées, les costumes flamboyants, les choeurs précis, les chanteurs impliqués, l'orchestre réactif, tout aurait pu être très réussi... avec une oeuvre à la hauteur.
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19 avril 2008 6 19 /04 /avril /2008 23:32
Mort à Venise
Danse macabre de John Neumeier, créé à Hambourg en 2003
Ballet de Hambourg
Théâtre du Châtelet
19 avril 2008



Chorégraphie, mise en scène et lumières John Neumeier
Décors Peter Schmidt
Costumes John Neumeier et Peter Schmidt
Piano Elizabeth Cooper
Musiques Bach, Wagner et autres




















Je reviens tout chamboulé de ce spectacle, une des plus beaux ballets qu'il m'ait été donné de voir. Le projet n'était pourtant pas gagné d'avance: chorégraphier le film culte de Visconti, aussi culte que le roman de Mann, voilà qui risquait d'être l'adaptation de trop pour les amours de notre brave Gustav. C'était par ailleurs la première fois que je voyais un ballet de John Neumeier, et je constate qu'il n'a pas volé sa réputation, ce spectacle pourtant réçent ne donne jamais dans la masturbation néoclassique, écueil dans lequel Roland Petit est notemment tombé avec un sujet proche la saison dernière pour son Proust ou les intermittences du coeur.



Un rapide mot sur l'excellent ballet de Hambourg que je découvrais tout autant: n'étant pas assez féru de danse, ni connaisseur techniquement, il m'est difficile de détailler les prestations mais tous m'ont semblé excellents dans une chorégraphie qui ne les ménage pas (Aschenbach danse pendant presque toute la première partie qui dure une heure; nombreuses acrobaties et pas de deux au corps à corps...) sans que jamais l'émotion cède le pas à la virtuosité.







Aschenbach et ses esquisses







Neumeier a choisi une chorégraphie narrative qui suit le même ordre chronologique que le film mais avec des éléments étrangers qui font particulièrement sens et éclairent brillament le film. Evidemment pour qui n'a pas vu le film, beaucoup de choses ont du paraître absurdes et ne restait que la surface d'une esthétique. Ayant vu le film bien trop de fois pour mon jeune age, je n'ai pas eu ce problème.
Romancier chez Mann, musicien chez Visconti, Aschenbach sera chorégraphe chez Neumeier, voilà décidemment une figure hautement autobiographique pour qui s'en empare, mais Neumeier a l'intelligence de ne pas limiter ainsi son personnage qui s'affirme plus comme un artiste touche-à-tout, au milieu de ses "esquisses" ou de ses "concepts" (comme on peut le lire dans la distribution) et qui attache une grande importance à la musique, un artiste qui doute en tout cas au point d'interrompre violemment les concerts chorégraphiques de ses esquisses à plusieurs reprises, et de rejeter les photographies sépia qui le presentent en grand homme des arts.





On découvre donc cette figure faisant danser ses esquisses aux costumes stylisés ou tout droit venu du XVIIIème siècle: on se demande même si ce n'est pas du Kylian que l'on voit là. Un commencement faussement néoclassique donc, à l'image des aspirations aussi perfectionnistes que nobles d'Aschenbach. Puis, première irruption inattendue, au moment où Aschnebach quitte le plateau par l'orchestre, il revient finalement sur la scène où s'entrelaçent deux Apollons en jeans moulants, Ray-Ban noires et chemises enlevées, uniquement ceintes dans le pantalon: cette apparition de deux fantasmes homosexuels californiens étonne d'abord, que viennent faire ces années 70 gorgées de sexe dans notre belle stylisation atemporelle? La réponse ne vient que plus tard, on retrouvera effectivemment les deux mêmes danseurs en gondoliers vétus de longs manteaux de cuir gris (dans le film le gondolier refuse de mener Aschenbach à bon port), lors de la bacchanale, puis en rockeurs guitaristes à la Gene Simmons et enfin en coiffeurs (dans le film le coiffeur vient "embellir" l'artiste viellissant en le maquillant à outrance). Ils représentent les pensées charnelles d'Aschenbach, opposées à ses pensées platoniques qui trouvent à s'exprimer dans sa fascination pour Tadzio.







 Les deux fantasmes californiens







Cet Aschenbach, c'est un peu Tannhäuser finalement, d'ailleurs, autre irruption dans la seconde partie du spectacle cette fois çi, une scène de bacchanale sur la musique bien connue de l'opéra de Wagner, scène où apparait Dionysos et à laquelle succède les jeux des jeunes éphèbes sur la plage menés par Jaschu. Le film avait minimisée cette tension entre l'apollinien et le dionysiaque (exception faite de la figure de Jaschu), mais je crois me souvenir que cette tension est plus présente dans le roman. Evidemment le dyonisiaque est bien trop stylisé ici, pour faire notre pédant-la-bouche-en-coeur on parlerait plutot d'Apollon le couteau à la main, des pantalons aux imprimés Tigre et des torses nus n'ont jamais suffit à faire du dionysiaque. Mais le propos reste intelligent: l'émotion nait de cette déchirure d'Aschenbach entre le monde esthétisé tel qu'il le voit, tel que nous le présente la chorégraphie et dans lequel trône Tadzio au milieu de sa cour d'éphèbes en maillot-de-bain et ce monde gorgé de caresses, à la sexualité explosive tel qu'on nous le présente dans la bacchanale ou pendant le concert de rock (troisième et dernière irruption).









 La bacchanale








Jaschu et les éphèbes sur la plage

Ce concert de rock a clairement interpellé une partie de public qui a du se demander s'il n'y avait pas une erreur dans la bande son: l'assistance bourgeoise, stylée et que venait entacher dans la première partie deux follasses gominées au teint béta-carotène, qui ne dansait que sur des musiques raffinées et contenues, se déhanche d'abord sur du funk avant de se déchainer sur du rock, accompagnées des bacchants de la scène précédente, tandis que des hommes en costumes noirs, portant des masques noirs de processionnaires espagnols tirent de longs draps blancs, suaires dans lesquels viennent s'allonger des membres de l'assistance. Cette scène assourdit Aschenbach. Si l'on se réfère au film, on se souviendra sans doute de la scène du guitariste au sourrire aussi édenté que railleur. C'est lui que l'on retrouve ici. Le propos est clair: la pestilence mortelle qui envahi ce rivage, c'est la débauche de sexe, cette vie gorgée de sensualité, fantasmes, pulsions qu'Aschenbach ne peut concilier avec son esthétique classique; Aschenbach porte en lui dès le début de l'oeuvre, cette déchirure qui le perdra, le faisant sortir saignant de l'orgie puis qui le conduira à se grimer ridiculement chez le coiffeur. La portée autobiographique ici est évidente (et un peu convenue, j'en conviens): la pestilence, c'est le sida qui se répand avec la liberté sexuelle et le déchainement du début des années 80.

Aschenbach chez le coiffeur






Le concert de rock









Or il est particulièrement brillant de souligner cette déchirure chez Aschenbach, lui dont la fascination pour Tadzio est à l'égale de son impuissance devant lui, double drame que le sien: drame de la sexualité et drame de l'artiste; on est loin ici d'une caricature du personnage en pédophile platonicien comme on nous le présente trop souvent.
Le drame de la sexualité trouve sa plus belle expression lorsque juste après l'apparition des deux homos californiens, Aschenbach contemple le battifolage insouciant d'un homme et d'une femme assez jeunes, battifolage qui s'achève sous les frondaisons pendant l'averse: les deux jeunes gens ont droit au luxe de l'orchestre de Tristan et Isolde; quand Aschenbach danse, lui, il n'a droit qu'au martellement aussi poétique qu'abrupte du piano qui joue la même musique.
Le drame de l'artiste lui se joue totalement dans la dernière scène: Aschenbach tente longuement de caresser Tadzio puis réussit enfin à la prendre dans ses bras avant de mourrir à ses pieds, devant l'appareil photo (comme dans le film) de la première scène, tandis que le piano "cogne" la mort d'Isolde et que Tadzio fixe le lointain de ses jumelles, symbole de sa route vers l'avenir, de l'idole qui échappe à son adorateur en même temps que son dernier souffle.

Aschenbach et ses concepts



Les danse des deux amoureux après l'apparition des fantasmes



Tadzio aide Aschenbach à se relever après l'avoir bousculé lors d'un jeu avec ses amis




Mon seul regret est que Neumeier n'a rien fait de Jaschu, l'ami brun, poilu et bronzé de Tadzio qui l'humilie et le plaque à terre dans la scène finale du film (seul symbole de la lutte apollinien/dionysiaque du film) et qui est ici trop intégré dans le groupe des jeunes Apollons (d'autant que j'ai toujours trouvé Jaschu bien plus excitant que Tadzio, pour le coup je ne fais pas vieux pd :o) ); utilisation assez sommaire aussi de la mère (faut dire que sans Sylvana Mangano - la plus belle femme du monde rappellons le! - c'est difficile) ou des soeurs qui sont ici charmantes et ne servent pas du tout de faire valoir comme dans le livre ou le film . Par ailleurs on peut aussi déplorer que ne soit retenue de Venise que la lagune (eau et plage), dont vient pourtant la pestilence, Venise à la fois fascinante et malsaine. Mais ces petits regrets sont bien peu de choses devant l'intelligence de la dramaturgie (qui utilise d'autres symboles que Jaschu et Venise), l'utilisation brillante de la musique et la sensibilité de la chorégraphie.









Aschenbach enlace Tadziu avant de mourir à ses pieds









Sur la plage, la mère, les soeurs, Tadzio, les éphèbes et les concepts dansent sous le regard d'Aschenabch





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14 avril 2008 1 14 /04 /avril /2008 15:17
The Rake's progress de Stravinsky
Palais Garnier, 5 mars 2008



Direction musicale Edward Gardner
Mise en scène et lumières Olivier Py
Décors et costumes Pierre-André Weitz
Collaborateur à la mise en scène Wissam Arbache
Chef des Choeurs Winfried Maczewski

Trulove René Schirrer
Anne Trulove Laura Claycomb
Tom Rakewell Toby Spence
Nick Shadow Laurent Naouri
Mother Goose Hilary Summers
Baba the Turk Jane Henschel
Sellem Ales Briscein
Keeper of the madhouse Ugo Rabec

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris



Mieux vaut tard que jamais, voilà enfin mon pti compte rendu sur ce superbe spectacle aussi passionnant que le fabuleux Parsifal de Warlikowski. L'oeuvre avait déjà été présentée cette saison au Théâtre des Champs-Elysées dans la mise en scène assez classique d'André Engel qui se plaisait à la rapprocher de l'univers de la comédie musicale plus qu'à en souligner le caractère subversif et la cruauté. Le spectacle d'Olivier Py me semble en comparaison bien plus riche et surtout plus à même de soutenir l'attention du spectateur à l'écoute d'une partition assez étrange. C'est la première fois qu'Olivier Py présente une mise-en-scène à l'Opéra de Paris, chose étonnante quand on sait le succès sulfureux de son travail en Suisse et la prédilection de Gérard Mortier pour les metteurs-en-scène novateurs, quoi qu'il en soit, il était temps! Et il serait bon de recommencer l'experience, d'autant qu'Olivier Py, actuel directeur de Théâtre de l'Odéon n'a qu'a traverser la Seine.


On retrouve dans cette mise-en-scène l'esthétique propre à Olivier Py, faite de décors en noir et blanc et d'éclairages au néon assez crus et pourtant très travaillés. La monotonie que peut dégager cette oeuvre est ici, comme chez Engel, évitée grâce à une scénographie très virtuose, mais alors qu'Engel flattait l'oeil, Py reste assez sobre: structures métalliques et pans de mur noirs. L'intelligence de cette scénographie est de transformer sans cesse l'espace de l'action en créant des cadres de scène réduits pour différentes scènes, comme si le spectacle retrouvait le format des tableaux de Hogarth qui ont inspiré Stravinsky. Selon la situation dramatique, ces cadres se limitent à une fine portion de l'espace scénique pour souligner l'intimité de certaines scènes(la première scène; la scène où Nick convainct Tom d'épouser Baba...) ou au contraire l'occupe entièrement pour les scènes plus exposées (la scène au bordel, le mariage avec Baba où même la nuit de noces se fait en public; la vente aux enchères; les deux scènes finales où l'errance et la solitude de Tom trouvent leur parfaite expression dans cet immense espace vide...). Par ailleurs la direction d'acteurs joue beaucoup sur le "hors cadre": par exemple, Nick présent dans l'obscurité de l'avant-scène dès l'ouverture grimpe dans le long et lumineux cadre de la scène première, venant ainsi en pertuber la sereine clareté. Enfin la seconde partie du spectacle bien moins virtuose de ce point de vue, souligne le dénuement de Tom, en perte totale de repères, de cadres justement. Ces décors et leur utilisation captivent ainsi constemment le spectateur sans jamais donner dans le complaisemment joli et teinte l'oeuvre d'une violence géometrique et crue. On regrettera simplement que certaines configurations du décors soient extrêmement nuisibles à la projection des voix (notemment la première scène où les ventilateurs derrière les rideaux dispersent totalement les voix des chanteurs qui semblent chanter comme en répétition).


Mais l'intelligence de cette mise-en-scène ne se limite pas aux décors: les costumes sont souvent symboliques (le sage et humble gris du père, la blancheur des sous-vêtement de la première scène où l'on surprend Tom et Ann au lit; la noirceur lustrée du costume de Nick; le lamé argent tape à l'oeil de Baba...) et les récurents changements de costumes sur scène de Tom sont autant d'illustrations de sa personnalité changeante; symboliques aussi les quelques accessoires (le crane vaniteux à l'extrême avant-scène, la poussette d'Ann pendant la scène du mariage, la multitude d'objets hétéroclites et pourtant tous noirs qui constituent le cabinet de curiosité de Baba...).


Mais c'est surtout la conception des personnages qui frappe par sa pertinence qui ne tombe jamais dans une originalité facile: faire d'Ann une mère n'apporte pas grand chose au personnage mais beaucoup en émotion: enceinte quand elle part, avec une poussette lors du mariage, la trahison n'en est que plus apre, et c'est l'enfant qui le premier ira vers son père devenu fou dans la dernière scène; Tom est un flambeur dont la prestance et l'éclat des premières scènes deviennent déchéance vestimentaire et physique du clochard après la ruine, puis enflures et ridicule clownesque dans l'asile, figure du clown qui était d'ailleurs déjà présente et très voyante  grace à sa tête énorme lorsque Nick persuada Tom d'épouser Baba;  Nick a la beauté du diable évidemment, costume noir très élégant et cheveux gominés à outrance; Baba est la réincarnation du travesti Divine avec ses formes exhubérantes et ses perruques démesurées, perruque qu'elle arrachera d'ailleurs lors de la nuit de noces rendant le personnage encore plus grotesque et effrayant.


Je pourrais continuer ainsi des heures en mentionnant la gestion des choeurs (tournoyants dans le bordel, image inversé du public pour la noce...), la simplicité évidente des éclairages (le rouge backroom du bordel), le personnage sado-mascohiste nu sous un revetement de résille trainé en laisse par Mother Goose dans le bordel et qui semble poursuivre Tom durant tout le spectacle, présence vivante de la déchéance... Mais je concluerai en évocant la fin de cette superbe scène de la noce qui est à mon sens le plus beau moment du spectacle: la scène est grande ouverte avec un immense escalier qui mène à un plateau à mi hauteur du cadre sur lequel repose un lit et derrière lequel se trouvent des gradins occupés par les choeurs. Baba (au début) est à l'avant scène à jardin de dos, la scène fourmille de saltimbanques comme Baba qui viennent rendre cette noce de "freaks" d'autant plus étrange. Pendant que Baba et Tom gravissent les marchent , Ann (qui a laissé sa poussette pour venir parler à Tom) est assise au milieu de l'escalier où la rejoint un clown triste et nain, tandis que des confettis argentés tombent sur la scène: la dérision et le tragique sont encore renforcées lorsque Tom se met à faire violemment l'amour à Baba sur le lit.  L'image est aussi forte qu'émouvante.
Cette mise-en-scène restera donc pour moi l'une des plus belles de l'ère Mortier, quoiqu'en pensent les crétins qui ont hué, sans doute choqués de voir deux bodybuilders en string mimer une fellation dans un coin du bordel...



Musicalement on est aussi à la fête: l'orchestre de l'Opéra de Paris manque certes de couleurs sous la direction d'Edward Gardner, mais j'ai trouvé ça fort honnête car bien calibré pour une partition patchwork qui est de toute manière avare de séduction. Les choeurs sont comme toujours plus bruyants que précis; Toby Spence campe son personnage avec aisance et pallie ainsi par son naturel un timbre un peu trop clair pour le rôle (là où Tom Randle était idéal de rugosité au Théâtre des Champs-Elysées); Laura Claycomb a quelques difficultés avec les vocalises et les notes aigus qui sonnent souvent acide, mais c'est bien peu face au personnage fragile et déterminé qu'elle incarne, loin de la figure sortie du couvent des oiseaux à laquelle est trop souvent réduite son personnage, elle se montre ici parfaitement à la hauteur du personnage de mère conçue par Py; son invocation à la lune est son plus beau moment, glaçant de pureté. Laurent Naouri est un magnifique Nick Shadow, ses "aboiements" ne me gênent pas du tout, au contraire ils font tout le sel de ce dandy décadent et manipulateur.Jane Henschel manque de graves en Baba, surtout pour la scène d'hystérie, mais se glisse parfaitement dans son rôle de travesti underground avec une verve comique certaine.



René Schirrer chante un père très honorable; Hilary Summers est d'autant plus marquante que son apparition est courte en patronne du bordel, son bon mêtre quatre-vingt cinq dans un corset rouge et sa voix androgyne dessinent une figure presque trop fascinante pour un si petit rôle. Ales Briscein et Ugo Rabec se sortent très bien de leurs courtes parties.



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14 avril 2008 1 14 /04 /avril /2008 15:09
Pas le courage, pas le temps, la flemme d'écrire sur ces spectacles dont d'autres ont très bien parlé. Voilà trois nouveaux dans cette série, pour lesquels vous irez voir, si ce n'est déjà fait, chez Baja:

Le récital de Mireille Delunsch à l'Opéra comique qui sentait le manque de préparation mais que c'était quand même vachement bien, c'est pas n'importe qui Mimi!
Le Tolomeo de Handel au Théâtre des Champs-Elysées avec trois des femmes de ma vie.
Le Zampa d'Hérold à l'Opéra Comique, grosse musique qui tache que ça m'a bien fait rire, même si ce n'était pas le but recherché par l'équipe artistique ou les chanteurs (étrange ressemblance dans la finesse du jeu entre Patricia Petibon et Criquette Rockwell...)
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23 mars 2008 7 23 /03 /mars /2008 23:07
Padmâvatî
opéra-ballet d'André Roussel sur un livret de Louis Lalloy (1923)

head_padmavati2-copie-1.jpg

Direction musicale Lawrence Foster
Mise en scène Sanjay Leela Bhansali

Padmâvatî Sylvie Brunet
Ratan-Sen Finnur Bjarnason
Alaouddin Alain Fondary
Le Brahmane Yann Beuron
Badal François Piolino
Nakamti Blandine Folio Peres
Gora Laurent Alvaro
La Sentinelle Alain Gabriel

Scénographie Omung Kumar Bhandula
Chorégraphie Tanusree Shankar
Costumes Rajesh Pratap Singh

Orchestre Philharmonique de Radio France
Chœur du Châtelet

padmavati2.jpg

Magistrale réussite que cette production de Padmâvatî au Châtelet. L'oeuvre tout d'abord est renversante: elle mèle intelligemment scènes dramatiques et ballets, sans pour autant que ces derniers soient hors de l'action; tout ici est atmosphère, décor musical et la moindre des danses évoque une tension aussi inquiétante que les bruits de guerre, une urgence funèbre aussi implaccable que les scènes de confrontation. Le mélange est si réussi que l'on ne fait presque plus la distinction entre une danse et la méditation de Padmâvatî à la fin de l'acte I, tant la musique semble irriguer le drame à chaque instant. Mais que l'on ne se trompe pas, point d'Inde de pacotille ici, au contraire, c'est une Inde presque arabisante, étouffée de senteurs et assombrie, sur laquelle pèse fortement la puissance menaçante du divin. Dans ce cadre, l'action est d'autant plus intense qu'elle est simple: un sultan mongol débarque dans une cité indienne et tombe amoureux de la femme du roi, Padmâvatî; ce premier exige alors cette dernière pour lui seul et menace de détruire la ville si on la lui refuse; c'est évidemment le cas, la guerre éclate et l'armée du roi est sur le point d'être défaite au moment où le sultan accorde une trève et relance son ultimatum, le roi décide alors de demander à Padmâvatî de céder aux désirs du Mongol pour sauver sa cité, mais son honneur et le soin de celui de son époux s'y refusent, elle le poignarde alors et s'immole avec lui au dieu Siva à l'exact moment où le sultan mongol pénêtre dans le temple. Le tout tient en 1h45, environ une heure sans les danses.

padmvati1.jpg

On pouvait dès lors craindre la mise-en-scène du cinéaste indien Sanjay Leela Bhansali, dont je tiens le film Devdas pour le chef d'oeuvre absolu de tout le cinéma indien, mais dont l'esthétique extrêmement vive et colorée aurait pu sembler en désaccord avec un opéra aussi sombre. Pourtant le succès est total: tout le folklore déployé sur scène l'est avec une telle exactitude, un tel goût et un tel savoir-faire que l'on ne peut que rendre les armes devant ce spectacle qui, pour être traditionnel, n'en est pas moins proche de la perfection.
Les éclairages sont ahurissants de splendeur (et on reconnait là le génie du cinéaste, notamment dans la scène finale où les visages des fresques semblent s'animer sous le seul effet des lumières ondoyantes, exactement comme lorsque Paro ère dans le palais dans l'avant-dernière scène de Devdas), les décors d'Omung Kumar Bhandula sont d'une richesse visuelle captivante (une scénographie parfaitement équilibrée et régulée pour les apparitions d'animaux véritables - cheval, éléphant, tigre - et les mouvements de foule; des changements de décors à vue), les costumes fastueux de Rajesh Pratap Singh ne font en rien kitsch ou déguisement (aussi bien Yann Beuron que Sylvie Brunet semblent avoir porté ça toute leur vie) et la direction d'acteur d'une précision constante qui ne laisse aucun mouvement au hasard, on pourrait presque parler de chorégraphie (le choeur inquiet dans la pénombre qu'éclairent les seules bougies portées par les femmes; l'apparition de Padmâvatî au I et sa méditation sur la balançoire; son humiliation dans le temple de Siva quand elle se met à nettoyer le sol comme les servantes; la confrontation avec son époux; toute la cérémonie funèbre).
Seules les chorégraphies de Tanusree Shankar sont décevantes car elles méconnaissent la portée dramatique de la musique sans pour autant pallier par la virtuosité; sans doute peu habituée à cette musique, la chorégraphe a choisi la prudence, ce qui mène malheureusement vite à des danses répétitives, même si les danseurs changent souvent de costume. Seule la danse des sages à la fin du II fut vraiment réussie, lorsqu'ils imitent le vol d'un oiseau de mort tout en adoptant la formation du vol des hirondelles qui semblent fondre sur Padmâvatî effrayée auprès du corps gisant de son époux; mais, manque de pot, à ce moment là c'est la direction d'acteurs qui devient répétitive et les gesticulations au sol de Padmâvatî perdent en puissance à force de multiplications inutiles. Il faut cependant dire à la décharge de la chorégraphe que la quasi totalité des subtilités de la danse indienne restent lettre morte auprès des occidentaux, et là on nous ne voyons que beauté libre, les indiens décryptent un vocabulaire symbolique extrêmement riche.
Les prédispositions, évidentes au travers de ses films, au lyrisme de Sanjay Leela Bhansali se sont ici confirmées avec splendeur et le cinéaste a su parfaitement transposé son univers cinématographique virtuose et multifocalisé pour la scène, là où avait échoué Emir Kusturica par exemple. Il a tout autant réussi à conjuguer son esthétique à celle de l'oeuvre, produisant ainsi un spectacle qui n'est pas sans évoquer les vapeurs du Black Narcissus de Powell et Pressburger.

BlackNarcissus1-copie-1.jpg

Si vous voulez en savoir plus sur ce réalisateur, voilà deux scènes de son chef d'oeuvre, Devdas: la danse pour la fête de Durga et la scène finale; malheureusement la compression ne rend guère justice à la luxuriance de l'image, je vous engage donc très fortement à vous procurer le DVD pour vous faire une idée juste, ou mieux à aller le voir sur grand écran, un cinéma du 10ème arrondissement à Paris le passe tous les dimanche!





L'Orchestre Philarmonique de Radio-France sous la direction de Lawrence Foster s'est montré à la hauteur de cette splendeur visuelle: on est entrainé d'un bout à l'autre de cette partition dense, épaisse et pourtant hautement stylisé avec un art remarquable des contrastes, du drame, de l'exotisme et du mystère qu'il engendre. C'est tout de même bien au dessus de ce que peut faire Sylvain Cambreling que l'on nous présente comme un modéle pour ce repertoire. Les choeurs sont tout autant méritants et envoutants, ce qui n'est guère évident quand près de la moitié de leur partie consiste à faire des variations sur "ahahaha". Avec une scène, un orchestre et un choeur si excellents, on aurait déjà de quoi reléguer Indianna Jones et le Temple maudit (comment? vous ne connaissez pas?!) au rang d'une bleuette en terme d'évocation. Mais c'est sans compter les chanteurs, et surtout la chanteuse, qui viennent parfaire ce succès.

devdas3.jpg

Alain Fondary est un sultan très sonore et à la diction modèle, sa voix est affligée d'un vibrato assez envahissant, mais l'économie du rôle fait vite oublier ce défaut. Le roi de Finur Bjarnason est par contre difficilement audible et manque clairement d'applomb, on le sent incapable de tenir tête au sultan et il peine à rendre le rayonnement du personnage. Yann Beuron est méconnaissable physiquement en Brahmane, tout son jeu de scène est habité par le personnage, le français est comme toujours parfait, et cependant on aimerait voir plus de sacré dans cette figure ambigue, Yann Beuron a l'intelligence de rester sur la réserve, ce qui lui confère une fourbe étrangeté muette, mais bride l'enthousiasme divin du harangueur. Tous les petits rôles sont très bien tenus et l'on est presque déçu que François Piolino ait si peu à chanter.

devdas-2.jpg

Mais la beauté fatale de la soirée, ce fut Sylvie Brunet. J'avais été assez déçu par sa Carmen la saison dernière, mais preuve est faite avec cette mise-en-scène, qu'elle est une actrice qui sait brûler les planches pour peu que la mise-en-scène la considère (ce qui n'était pas le cas de Carmen, adaptation du spectacle berlinois).
Tout d'abord un mot sur sa voix: je comprends qu'aux oreilles de beaucoup elle puisse sonner vulgaire ou poissonière, mais je suis certains que cela ne tient qu'à la particularité du timbre et non aux accents qui sont d'une noblesse et d'une tenue que l'on trouve chez bien peu d'alto de ce calibre.
Et de la particularité, il en faut pour incarner Padmâvatî, celle qui est dédiée au lotus, ce n'est pas un hasard si Roussel avait confié le rôle à Ketty Lapeyrette, qui chanta aussi Dalila et Léonor dans La Favorite, Padmâvatî n'est point une fleur fragile et evanescente, ce n'est pas Aishwarya Rai, mais bien plutôt une femme de la trempe de Mother India. Alors qu'importe que Sylvie Brunet soit plus vielle que le rôle:a-t-on jamais reproché à des Salomé de n'être pas des fillettes de 12 ans?!
Sylvie Brunet est capiteuse, dévorante, fascinante par son étrangeté, par sa présence sacré, à part donc, elle évoque de sa voix seule le mystère de l'Inde que s'attache à développer la partition, sa voix semble chargée des resonances du temple.
Par ailleurs son français est parfait et son attitude réglée au millimêtre près, oubliés les errements de sa Carmen un peu gauche, cette Padmâvatî là est proche de l'idéal avec son visage lisse et ses yeux léonins, la fiereté fauve. Même ses rondeurs semblent n'être là que pour capter l'attention, faire de la resistance visuelle dans tout ce faste; intelligence du costumier là aussi que de l'habiller d'un sari à la volubilité pesante. Bon par contre, on ne louera pas outre mesure le saucissonage dont elle est victime au moment du rite funéraire, soudain ces formes enveloppées d'une gaze grise redeviennent atrocement communes. Mais ce n'est qu'un détail, et l'altérité résolue et tragique dont elle fait preuve sur le bûcher est une image inoubliable.

Motherindia1.jpg
Pour un avis radicalement différent, c'est chez Friedmund que ça se passe.

Nb: les deux premières photos sont tirées du spectacle; la 3ème du Black Narcissus; la 4ème de Devdas; j'ignore d'où provient la 5ème; et la dernière de Mother India.
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18 mars 2008 2 18 /03 /mars /2008 23:28
Récita Mozart  & Salieri
Diana Damrau
Ensemble  Orchestral de Paris
Direction: Joseph Swensen
Théâtre des Champs-Elysées, 18 mars 2008

Mozart : Divertissement en ré majeur K. 136
Salieri : « D’un insultante orgoglio » (Kublai)
Gluck : Orphée et Eurydice, ouverture
Mozart : « Ach ich fühl’s (Die Zauberflöte)
Cosi fan tutte, ouverture
Salieri : « Fra i barbari sospetti » (Kublai)

Mozart : Don Giovanni, ouverture
Salieri : « Sento l’amica speme » (Semiramide)
Mozart : Le Nozze di Figaro, ouverture
« Giunse alfin…Deh vieni »
Mozart : Lucio Silla, ouverture
« Parto m’affretto » 

Bis:
Salieri: "Se spiegar potessi" (La Finta scema)
Mozart: Alleluia (?)
Salieri : « Sento l’amica speme » (Semiramide)
Salieri : « Fra i barbari sospetti » (Kublai)

Cette chanteuse est un rêve! C'était la première fois que je l'entendais en salle ce soir: j'était fan, maintenant je suis amoureux! C'est bien simple, Diana Damrau c'est la technique de Gruberova avec un timbre plus corsé et surtout un style et une tenue parfaite. Pourtant le disque Arie di bravura m'avait laissé sur ma faim: je trouvais qu'elle était un peu too much sur les Salieri dont elle surchargeait la ligne mélodique avec des ornements certes parfaitement éxécutés mais pas indispensables, d'où une nette préférence pour les morceaux de Mozart et Righini et même je le confesse, une préférence pour la version du grand air d'Europa accompagnée par Muti. Avec ce concert, balayée la frustration du cd, retrouvé l'emerveillement premier, quand je la découvrais sur Youtube dans les airs de la Reine de la Nuit à Londres.

La première surprise vient de la voix elle même, bien plus riche en harmoniques que ce que laissaient entendre les disques où ses vocalises semblaient toujours un peu étriquées voire sèches, mais ces défauts mineurs étaient largement compensés par une franchise d'émission et une vigueur dramatique trop rares dans ce repertoire. Or en concert, la voix s'épanouit beaucoup mieux et cette "percussion" des notes vocalisées, à la fois fine et puissante, vient nous caresser les tympans. Je ne trouve absolument RIEN à redire à sa technique époustouflante, alors qu'habituellement il y a toujours moyen de chipoter pour faire son spécialiste sur la stridence de telle note, sur tel rubato trop timide, contre-note criée, cadence décevante, trille mal battu... enfin si, dans son dernier bis, un trille était détimbré, mais c'est plus que compréhensible  après 5 airs virtuoses enchaînés, et je m'étonne même d'une telle endurance, qui prouve que sa technique est parfaitement rodée. Il faut enfin ajouter que son chant dans une salle de concert semble "en relief": au disque je n'avais pas remarqué avec quel à propos et quelle variété elle emettait certaines vocalises en sourdine, comme pour en parfaire la gradation.

Second constat qui n'est pas vraiment une surprise pour qui l'a déjà vue en scène ou en vidéo, Damrau c'est une présence scénique poignante, intense, juste, qui jamais ne tombe dans l'excès où des airs si paroxystiques pourraient cependant la porter. Cette présence se décline de la prestance des airs de Kublai, à la retenue de l'air de Pamina en passant par la fraicheur de Suzanne, la joie de Semiramide ou la bonhommie embarassée de La Finta scema. Damrau a le mérite de pouvoir incarner toutes les héroïnes de la seconde moitié du XVIIIème avec une intelligence qui s'entend jusque dans les vocalises, chose dont je croyais seule Dessay capable: des vocalises à la fois précises et signifiantes théâtralement, on atteint là un véritable idéal que bien des cantatrices ne se donnent pas la peine de chercher, se limitant au succès facile de vocalises correctement enfilées.

Ensuite c'est la qualité de la diction qui m'a frappé: je la savais moins parfaite dans l'italien que dans l'allemand, en entendant son Europa de la Scala ou son Fauno de Salzbourg, l'italien la trouvait plus prodigue de stridence et de sons "coincés". Or les progrès effectués sont aujourd'hui plus sensibles encore que dans le disque: non seulement tout est compréhensible mais cela ne gêne plus la vocalise qui devient aussi parfaite qu'en allemand.

Par ailleurs, la parole a ici une suavité et une densité qui ont fait mouche dans les trois Mozart: jamais je n'avais entendu un "Ach ich fühl's" si poignant, si intégré psychologiquement, là où on l'entend habituellement des versions qui touchent par leur humilité ou leur coté halluciné; on a le sentiment que la douleur de Pamina étouffe peu à peu sa voix qui finit par s'éteindre et disparaitre ("es ist verschwunden"), la puissance d'évocation de Damrau semble sans limite tant la retenue la rend plus intense encore.
Même miracle pour l'air de Suzanne "Giunse alfin il momento" dont je n'attendais plus rien non plus à force de l'avoir entendu et réentendu, quand je pense que je faisais la fine bouche en début de saison en refusant d'aller l'entendre dans Le Nozze, quel con! Cette Suzanne là est parfaite, d'une impatience gamine transcendée par la sagesse de la femme, chaque mot semble sussuré à notre oreille, rien que pour nous, moment magique où l'on oublie qu'elle chante pour 2000 personnes. Moment qui a d'ailleurs été étrangement interrompu: peu après le début du "Deh vieni non tardar", le chef descend de l'estrade, ne dirige plus et va interrompre le premier violon, la voix de Damrau meure alors, cela en est presque angoissant; à ce moment là une petite bonne femme entre avec son instrument en courant dans l'orchestre, il manquait le basson! Et personne ne l'avait remarqué, totalement fasciné par Damrau. Le chef a tout de même été maladroit d'interrompre un si beau moment qu'il eût été facile de bisser après, du coup Damrau a repris l'air "frrrom the beginning" en lançant un appuyé "Giunse alfin il momento" parlé suivi d'un éclat de rire enfantin et cristallin; la salle en a rit, à l'exception de quelques pisse-froid qui ont hué la pauvre fille qui devait avoir un problème technique avec son basson.
Enfin troisième miracle qui fut aussi le plus beau moment de la soirée: l'air de Lucio Silla "In un instante... Parto, m'affretto" excellement interprété, l'angoisse qui alterne avec la détermination, la posture torturée de la chanteuse, les vocalises modulées tantot timidement et de coté, tantot face public comme pour exorciser la douleur par l'éclat. Du coup on ne fait presque pas la distinction entre le récitatif accompagné et l'air, tant la même verve dramatique les anime.

Le public lui a reservé un triomphe amplement mérité avec une double standing ovation; elle semblait surprise de son succès, et génée aussi au point de parfois quitter la scène dans des grands mouvements faussement hystériques. Et l'on peut aussi louer la générosité d'une chanteuse qui gratifie son public de quatre airs pas piqués des hannetons à la suite en bis! Je regretterai juste que le programme n'ait pas intégré un grand air en feux d'artifices de Salieri comme ceux de l'Europa et qu'elle ait préféré se limiter à des airs plus courts, moins redoutables et qui donnent tout de même la facheuse impression que Salieri écrivait toujours la même chose. Mais c'est compréhensible dans la mesure où après un "Ah lo sento" ou un "Quando irato freme", le repos pendant au moins 20 minutes est de rigueur.

Je n'attendais rien de l'Ensemble Orchestral de Paris que j'ai toujours trouvé honnête mais sans plus, à plusieurs occasions et je ne connaissais pas le chef, Joseph Swensen. Il se sont montrés ce soir très bons: vifs, nerveux, équilibrés, avec un vrai sens du rythme sans lequel la musique de Salieri tombe à plat; bref un très bon entourage qui soutient admirablement Damrau et echappe à toute routine. On critiquera juste une certaine "pate sonore" qui uniformise et empêche les harmoniques des différents pupitres de chatoyer.

Décidemment, deux orgasmes lyriques en deux jours, faudrait pas que ce soit comme ça toute la semaine, ou je n'y survivrais pas!

Et pour conclure, un petit tour chez Baja qui a entendu le même programme à Toulouse quelques jours auparavant.

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18 mars 2008 2 18 /03 /mars /2008 00:31

Direction musicale Hartmut Haenchen
Mise en scène Krzysztof Warlikowski
Décors et costumes Malgorzata Szczesniak
Lumières Felice Ross
Dramaturgie Miron Hakenbeck
Vidéo Denis Gueguin
Chorégraphie Saar Magal
Styliste perruque Robert Kupisz
Chef des Choeurs Winfried Maczewski

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris

Amfortas Alexander Marco-Buhrmester
Titurel Victor von Halem
Gurnemanz Franz Josef Selig
Klingsor Evgeny Nikitin
Kundry Waltraud Meier
Parsifal Stig Andersen
Zwei Gralsritter Gunnar Gudbjörnsson, Scott Wilde
Vier Knappen Hye-Youn Lee, Louise Callinan, Jason Bridges, Bartlomiej Misiuda
Klingsors Zaubermädchen Adriana Kucerova, Valérie Condoluci,
Cornelia Oncioiu, Yun-Jung Choi, Marie-Adeline Henry, Louise Callinan
Eine Altstimme aus der Höhe Cornelia Oncioiu


Rarement m'aura-t-il été donné de voir un aussi beau spectacle... et pourtant j'y allais avec réticence: réticence face à l'oeuvre connue pour être la plus longue et la plus contemplative (manière éduquée de dire "chiante") de Wagner, réticence face au metteur-en-scène dont j'avais trouvé l'Iphigénie ratée, brouillonne et L'Affaire Makropoulos filant le contre-sens, embrouillée et proprette. Or non seulement j'ai été conquis par l'oeuvre que je découvrais, tant par l'intelligence du drame que par la beauté de la musique, mais en plus cette mise-en-scène est à cent coudées au dessus des ratages de Warlikowski à l'ONP.


Le spectacle commence cependant assez mal: l'acte I est long à demarrer, c'est le plus long (1h40) et les intentions peinent à prendre sens tout de suite, d'où un spectateur abreuvé de signes auxquels il n'arrive pas encore à donner une cohérence, mettant ainsi sa patience à l'épreuve; de plus la direction d'acteur est assez intermittente, le récit de Guernemanz par exemple ne semble pas avoir inspiré Krysztof Warlikowski: les chanteurs sont en rang d'ognions sur des chaises et ce sont les projections vidéos derrière eux qui meublent.
Prenons la mise-en-scène chronologiquement: la salle est dans le noir total (même la fosse d'orchestre où le chef dirige avec une baguette à diode lumineuse) puis la scène s'éclaire progressivement; la première projection est celle d'un extrait de 2001 Odyssée de l'espace, où l'on voit un personnage (l'accompagnateur dans la mise en scene que l'on retrouve au II et au III - le type qui ressemble à Andy Warhol) dans la chambre au sol lumineux s'attabler pendant qu'un autre semble mourrant sur le lit (évidemment Amfortas), un verre tombe de la table et se brise au sol. Le I s'ouvre sur un écran, où une main d'enfant écrit et gomme consécutivement "amour", "foi" et "espérance"; devant cet écran se trouvent des chaises, l'ecran se lève ou se décalle pour montrer Amfortas sur un lit d'hopital subissant une opération puis assisté de medecins; le récit de Guernemanz se déroule devant cet écran; puis c'est au milieu d'un amphithéâtre d'école de medecine qu'est brandit le cygne tué par Parsifal, amphithéatre qui va effectuer un tour complet et nous réapparaître ensuite les bancs peuplés de la confrèrerie qui n'est hélas pas assez nombreuse pour les remplir, symbole de sa moribonderie. La cérémonie du Graal va se dérouler devant cet amphithéatre sur une table couverte d'une nappe blanche, dirigée par Amfortas en bequilles revêtu d'une toge d'apparat et par Titurel en fauteuil roulant. Sur la tranche de l'amphithéatre se trouvent des lavabos dans lesquels Guernemanz vient se laver les mains avant la cérémonie. La cérémonie s'acheve, l'amphithéatre se retourne. Guernemanz replit la nappe puis renvoie Parsifal qui n'a rien capté du tout.
Le dispositif est intelligent: il symbolise la souffrance d'Amfortas de façon contemporaine et immédiatement saisissable, la marotte sanitaire de Warlikowski est enfin à sa place dans un opéra qui parle sans cesse de pureté et l'assemblée de médecins/chevaliers impuissants à guérir Amfortas forme un théâtre sacré entièrement tourné vers la révelation, le "dévoilement" (enthüllen) du Graal source de vie pour Titurel et de souffrances pour Amfortas qui, blessé comme le Christ, en ressens la passion (si j'ai bien compris). Au terme de cet acte, un constat: l'aseptisation comme forme contemporaine du sacré, on peut trouver à y redire, mais ça fait sens et puis on ne va pas non plus jusqu'à nous dire que Klingsor c'est le Sida :o)


L'acte II est plus réussi car il bénéficie des pistes lancées dans le I, pistes qui permettront au III de fonctionner sans presque rien apporter de neuf, une sorte Parsifal retrouvé après l'ombre des jeunes filles (en) fleurs (aïe - ça m'apprendra à faire des clins d'oeils trop appuyés). On est donc chez Klingsor tout de rouge vêtu qui tripote allègrement Kundry, des fois qu'elle serait tentée de devenir aussi pure que ses copains du Graal, le propos est assez classique et efficace, Klingsor persuade Kundry par la chair. Arrivent les filles fleurs habillées en tenues provocantes des années 30 et coiffées de perruques blondes bien tape-à-l'oeil, assises à des petites tables isolées les unes à coté des autres sur lesquelles se trouvent des petites lampes à abat jour rouge qui clignotent pendant le moment le plus intense de la scène (franchement avec tous ces détails, vous vous y croiriez hein?); on voit Parsifal assis au milieu de l'amphithéatre en arrière scène derrière un écran de gaze, à l'appel des filles fleurs il arrive, elles le séduisent langoureusement, le déshabillent et l'attachent sur une chaise. Arrive Kundry qui le délie puis l'entraine sur un lit; au moment de l'embrasser, Parsifal la repousse violemment et s'extrait de son etreinte au souvenir de la blessure d'Amfortas. Pendant leur superbe duo, la direction d'acteur est un peu plus lache et se repose trop sur la musique et la référence aux Damnés de Visconti (j'y reviens pas de panique!), il faut tout de même noter le miroir de la coiffeuse près du lit, dans lequel Parsifal force Kundry à se regarder pour interroger sa nature. A la fin de l'acte, après l'echec de la séduction de Kundry, Klingsor apparait dans les bancs de l'amphithéâtre (prêt à porter le coup de grace à la confrèrerie), Parsifal est devant, Kundry à l'avant-scène, au milieu, à terre. Parsifal se signe et une lumière laser rouge vient signifier la destruction du chateau, cette lumière est en croix évidemment au pied de laquelle se trouve Kundry/Marie-Madeleine, elle passe par Parsifal et les deux rayons se croisent sur Klingsor. Les lumières se rallument brusquemment, au milieu de l'amphithéâtre on trouve attablé l'accompagnateur que rejoint Parsifal, ce premier brise à terre le verre. Rideau.
C'est dans les costumes qu'est la clé de cet acte, tout y est une référence aux Damnés de Visconti (pas évidente d'ailleurs, si on ne me l'avait pas dit...): le costard de Parsifal (alors qu'au I il était habillé en bleu de travail) puis son humiliation en sous-vêtements, les robes de ces dames et leurs perruques qui jouent la ressemblance avec Ingrid Thullin, la mère incestueuse du film, mère incestueuse que va essayer d'être Kundry (perruque rousse>> Marie Madeleine, la diabolique, Hérodias...) en appelant Parsifal par son nom, lui révelant son histoire, l'amour de sa mère, puis en tentant de lui faire croire que sa délivrance viendra de l'etreinte. La référence aux Damnés permet de cerner le personnage de Kundry, mère et amante; mais Warlikowski se repose trop dessus en négligeant la direction d'acteurs. Tout repose donc sur la clé de cette référence qui n'est ni accessible à tous (tout le monde n'a pas vu ce film) ni clairement présentée. De plus, comme toute référence plaquée de l'exterieur, elle a ses limites et est impuissante à rendre le passage où Kundry raconte son éclat de rire devant le Christ, heureusement que Waltraud est là, elle fascine tellement qu'on en oublie que rien dans la mise en scene ne l'accompagne alors.
Quoiqu'il en soit, cet acte est une grande réussite, tant visuellement (éclairages et costumes somptueux) que dans la force d'impact du propos.


L'acte III (oui c'est le dernier, rassurez-vous, de toute façon si vous me lisez encore, c'est que vous êtes prêts à en reprendre une couche), débute dans le plus profond silence sur une citation de Rossellini évoquant l'amour de la vie à propos de son film Allemagne année zéro, dont la scène du suicide de l'enfant est projetée, toujours dans le silence (n'étaient les huées ahurissantes d'une partie abrutie du public, voire plus bas). L'écran se lève avec le début de la musique, on decouvre à l'avant-scène un potager, Kundry étendue dans les plantes les cheveux grisonnant avec une grande meche blanche, Guernemanz assis à la table des cérémonies à Cour, le cercueil de Titurel à Jardin. En fond de scène, l'amphithéâtre vide, juste devant une masse humaine étendue au sol dans un manteau marron sur laquelle tombent lumière et neige. Guernemanz va reveiller Kundry, la masse se lève, elle porte une immense lance de bois, c'est Parsifal. Kundry le dévêtit, le sert (du thé issu de la bouilloire en alu en guise d'eau bénite) puis lui laver les pieds et les essorer avec ses cheveux (Marie Madeleine, encore une fois). Le miracle du Vendredi Saint ne se distingue pas, n'étaient les paroles, on ne le remarquerait pas, la mise en scène baigne toujours dans une douce lumière, en cela je trouve d'ailleurs que la scène s'accorde bien avec la musique dans laquelle aucune soudaine effusion ne vient non plus signaler le miracle. Parsifal tout en blanc s'assied à la table des cérémonies, l'amphithéâtre s'avance en milieu de scène avec sur ses bancs les chevaliers agités qui baignent dans un bleu electrique, Amfortas apparait sur ses bequilles, pousse violemment le couvercle du cercueil, arrache ses vêtement, Parsifal se lève alors et pose la lance sur sa blessure, c'est Kundry qui vient donner l'impulsion à la base de la lance. Là encore, cette image fait sens, Kundry celle qui a perdu Amfortas, qui est responsable de sa blessure et de ses souffrances devient celle qui, une fois baptisée par Parsifal, le sauve, se redime, par l'intermédiaire de Parsifal; elle prend ensuite Amfortas dans ses bras, l'Accompagnateur passe, se lave les mains et se met au centre de l'Amphithéâtre.
Le final est splendide: pendant que Guernemanz s'assied auprès du cercueil qu'il referme, Kundry ne meure pas elle aide à mettre le couvert sur la table de cérémonie où elle va manger avec Parsifal, Amfortas et l'enfant (j'explique en dessous). On peut être déçu par cette scène qui semble bourgeoise, banale à coté de l'apothéose du livret, mais elle est plus chrétienne que le livret. Plutôt que de doubler la musique en représentant la gloire du nouveau roi dans la lumière du Graal (qui n'est d'ailleurs, au I déjà, qu'un gobelet dans une boite rouge sans intérêt), Warlikowski choisit de nous montrer l'humilité des personnages dans la pauvreté de la scène, de la Cène; humilité de la condition sociale du Christ, humilité à laquelle sont réduits les chevaliers qui ne se nourrissent plus que des plantes qu'ils font pousser comme le dit Guernemanz, humilité du thé servi par Kundry. Cette image est infiniment plus touchante et juste que celle attendue: la religion y est simple lien entre les hommes et non pas pompe ecclésiastique. Les modestes bougies du candelabre sont plus fortes que la lumière extérieure du Graal qu'on a déjà bien assez vu dans cette mise en scène. La simplicité irradie.


Pour terminer, un mot sur les projections parfois interessantes (les dessins d'arbres qui se multiplient, qui se transforment en Graal; l'émasculation de Klingsor...) parfois creuses (le dessin du cheval de Kundry galopant avant la levée de l'écran qui découvre une Kundry à califourchon sur un cheval d'arçon!) mais qui trouvent tout à fait leur place dans une Gesamtkunstwerk wagnerienne (le Tristan de Sellars/Viola l'avait déjà admirablement démontré). L'interêt de ces projections n'est révélé qu'au début du III avec la projection du suicide du petit garçon, l'enfant est une figure qui traverse toute la mise en scene: c'est sa main qui écrit "amour", "foi" et "espérance", ce sont ses dessins aussi rudimentaires que violemment symboliques qui sont projetés pendant le récit de Guernemanz, c'est lui qui jette des boules de papier sur Klingsor au II, c'est lui enfin qui se suicide dans le Rossellini, qui arrose le potager et vient mettre le couvert avec Kundry au III. Et c'est là que je fais appel à votre sagacité: si je comprends qu'il soit un symbole de l'avenir, de la relève, celui à qui l'on doit apprendre à aimer la vie comme le dit Rossellini, j'ai du mal à donner un sens cohérent à toutes ses interventions; pareillement je n'arrive pas à élucider la figure de l'Accompagnateur, il faut dire que je connais mal 2001.


Au final une magnifique mise en scene de Warlikowski donc, qui mérite que l'on s'y accroche dès le début, pas une mise-en-scène qui se laisse comprendre aisément non plus, mais c'est son intérêt, de même que pour comprendre certains tableaux il faut les observer pendant des heures, ce spectacle vivant ne se laisse pas élucider simplement. Si vous n'aimez pas aller voir du Delfo ou achetez l'audioguide :-p


Pour l'aspect musical, il me sera difficile d'être aussi prodigue puisque je découvrais entièrement la musique (quoique non j'ai du écouter une fois le duo Kundry/Parsifal au II avec la Callas dirigée par Gui, je sais pas si ça compte...). Hartmut Haenchen dirige l'orchestre de l'opéra magnifiquement, soutient à merveille les passages dramatiques du II et donne toute sa valeur aux moments de contemplation pendant lesquels l'attention musicale ne faiblit jamais; les choeurs sont bien plus mesurés et moins beuglards qu'à l'habitude, j'ai beaucoup aimé.
Stig Andersen remplaçait Christopher Ventris malade: sa prestation fut très bonne, une voix bien maitrisée et émise, jamais de dégoulinade, toujours audible, on regrettera juste un certain manque de caractère qui lui fait jouer plus aisément le sot du I que le roi du III, mais cela s'explique sans doute par sa méconnaissance de la mise-en-scène.
Waltraud Meier fut électrisante: bien reposée après avoir annuler la précédente représentation elle donne le meilleur d'elle même, tout serait à citer, même son registre aigu qu'on dit défaillant  (et pour cause, ce n'est plus une jeunette) fut stupéfiant, ah cet aigu sur "laaaaachte", pointu comme la lance qui va blesser le Christ, elle fascine pendant tout le duo du II et ne donne jamais l'impression de hurler (pourtant avec une partition pareille je le lui pardonnerai aisément!) et elle reste parfaitemet audible sur toute la tessiture, ahurissant!
Franz-Josef Selig est un superbe Guernemanz, puissant, paternel et quotidien, chaque mot semble être la resonance d'une profonde sagesse; l'Amfortas d'Alexander Marco-Burhmester ne démérite pas, il est captivant dans sa scène du III, la faible humanité, souffrante et belle, incarnée; le Titurel de Victor von Halem impressionne par la profondeur de ses graves et sa sonorité, c'est le genre de rôle où le chanteur doit d'autant plus impressionner qu'il dispose de peu de texte. On ne peut malheureusement pas en dire autant d'Evgeny Nikitin, qui fait preuve d'un louable emportement, mais n'impressionne jamais, sa voix semble trop legère, sans impact, et dessine un méchant de pacotille: on a du mal à voir là le magicien qui a fait tant de mal et qui maitrise une Kundry pourtant capable de l'écraser d'une note. Très bons seconds rôles également, notemment des filles fleurs idéalement cristallines et ravissantes, de vraies sirènes.


Un mot pour terminer sur la bêtise de la partie du public qui hue chaque soir pendant la projection du Rossellini: donner de telles mise-en-scènes à ces crétins, c'est donner des perles aux cochons, non seulement ils gachent de façon éhontée le plaisir des autres spectateurs, mais ils affichent ouvertement leur connerie, il n'y a pas d'autres mots. On savait déjà une partie du public d'opéra angoissé par le silence au point de s'empresser d'applaudir, souvent intempestivement, on le sait maintenant angoissé par la reflexion: j'en veux pour preuve les remarques qui ont fusé ce soir là (je passe sur les "Ceci est subventionné Mesdames et Messieurs!"; les "Wagner!" ou "Parsifal!" indignés; "Warlikowski assassins"; "bandes de connards" ou "Mortier p'tite bite" qui ont été entendus certains soirs, ils ne méritent même pas les pixels avec lesquels je les ai recopiés): le classique "Remboursez!" aussi stéréotypé que déplacé à ce moment du spectacle, je vois bien le type au guichet demander à ce qu'on le rembourse parce qu'il n'a pas aimé les 3 minutes de film sur les 4 heures de spectacle (crétin!); un "Mais quel est le rapport?!", le type accuse ici le metteur en scene de sa propre bêtise (je ne comprends pas, c'est donc que le metteur en scene est con, brillant, avec des raisonnements pareils Kant est un demeuré) et enfin un très fin "Où est la télécommande?" de la part d'un couillon qui ne fait visiblement pas la différence entre le cinéma et la télévision, quant à lui parler de Gesamtkunstwerk... J'accepte tout à fait que l'on puisse ne pas aimer cette mise-en-scène, mais dans ce cas on hue à la fin, pas pendant le spectacle et on argumente au lieu de chier des conneries pareilles devant trois milles personnes. Je n'ai que du mépris pour ces gens qui ne méritent pas que leur opéra national soit un des plus grands du monde.

Pour finir sur une note plus positive, on lira, comme je m'apprête à le faire le compte-rendu de Friedmund sur son blog. Par ailleurs on peut voir des photos du spectacle sur le site de l'ONP.

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17 mars 2008 1 17 /03 /mars /2008 01:09
On me reclame à corps et à cris (bon ok j'exagère un peu) le compte rendu de la Messe en si par Niquet, mais avez vous bien conscience que je n'ai vraiment rien d'interessant à dire sur cette musique qui m'ennuie profondément? Hein! Mais comme j'ai bon coeur, voilà un pti commentaire de ce concert perdu dans une liste d'autres commentaires de la même eau sur des spectacles pour lesquels je n'ai pas eu le courage, l'inspiration ou l'intelligence nécessaire à une vraie critique construite.

*Le Carnaval et la Folie de Destouches à l'Opera Comique (01.02.08)

Un opéra qui se termine pas un "Tonnez tambours, sonnez trompettes" ne peut me laisser insensible. Décidemment j'adore ce compositeur. Baja a tout dit.



*Gardiner, Pires et le LSO dans Beethoven à Pleyel (02 & 03.02.08)

Programme guère original mais parfaitement mené, on regrettera juste que l'orchestre soit évidemment parfait, mais parfait dans la routine (ce n'est pas donné à tous les orchestres!) et qu'un chef comme John-Elliot Gardiner ne nous apporte guère de neuf pour ces pages archiconnues (regardez-le qui fait son blasé maintenant le Licida!). N'empêche que je rempilerai certainement l'année prochaine pour la suite du cycle à Pleyel. Quant à Maria-Joao Pires que j'entendais en salle pour la première fois, son touché est vraiment splendide de douceur et d'élégance, rien de passionnel mais un jeu qui baigne dans une exquise tempérance. Et puis - remarque sans intérêt - ça m'a fait tout drôle de réaliser qu'elle était haute comme trois pommes la Maria-Joao, discrete, humble et surtout souriante quand les trois quarts d'un des plus prestigieux orchestres du monde faisaient la gueule aux applaudissements, visiblement peu satisfaits du triomphe qu'une des plus mythiques salle parisienne leur reservait...



*Die Frau ohne Schatten à Bastille (07.02.08)

Reprise quelque peu baclée pour ce que je considère comme la plus belle réussite lyrique de Bob Wilson avec Madama Butterfly: baclée par les éclairagistes (combien de poursuites s'allument à coté des chanteurs et les cherchent maldadroitement dans le noir total pendant quelques secondes?!!) et baclée par l'orcheste gigantesque que la baguette mollassonne de Gustav Kuhn est incapable de maitriser d'où un capharnaüm effrayant à bien des moments. Ewa-Maria Westbroek semblait assez fatiguée et la franchise de son chant s'en est ressentie, mais je trouve toujours cela fort impressionnant et enthousiasmant; Jane Henschel fut excellente en nourrice, ses faiblesses vocales étant habilement intégrées à un jeu grinçant et acéré; Christine Brewer m'a par contre semblée bien peu féminine et souvent criarde, en accord pour le coup avec son brayard de mari, le fruste Barak de Franz Hawlata. Pas grand chose à dire sur John Villars qui m'a semblé moins abyssallement mauvais que pour Les Troyens, sans pour autant susciter l'intérêt. A lire, le bon compte rendu de Friedmund.



*La Messe en si par Niquet à Pleyel (10.02.08)

Rien à faire cette musique m'ennuie plus que tout, alors quand je lis dans le programme de la salle que cette messe est un recueil des meilleurs morceaux sacrés de Bach, une synthèse de toutes ses messes, je me dis vraiment qu'il ne faut plus que j'insiste... au moins pour un moment. Du coup je n'ai rien à dire sur la direction d'Hervé Niquet dont j'aime tant le travail par ailleurs mais qui n'a pas réussi à me faire aimer Bach; Philippe Jaroussky m'émeut toujours aussi peu dans ce repertoire, où j'ai besoin des graves résonances d'une contralto pour sentir la présence du sacré et devenir mystique (rien que ça!); Judith Gauthier toujours aussi impeccable, mais dans du Bach qui lave plus blanc que blanc ça me laisse de marbre; tout comme Joao Fernandes sur lequel je me pâme ailleur et qui ici a juste laissé entendre sa voix étouffée. Priez pour que je comprenne cette musique un jour!


*Cardillac à Bastille (16.02.08)

Je commence à comprendre la logique des mise-en-scène d'André Engel: des décors impressionants par leur dimension, leur achevement, leur conception et la vitesse à laquelle ils disparaissent. Assurément le spectacle est fort beau et le metteur-en-scène soucieux de l'encrage de l'action dans un espace précis et parlant, encrage auquel concourt une belle et vive direction d'acteur (surtout pour les mouvements de foule). Mais tout ce premier degré finit par lasser; en entendant une musique si forte, si puissante, si seche, j'en étais presque géné par cette vision si respectueuse de l'oeuvre, quelque chose ne collait pas... cela m'a fait repensé à la géniale production du Nez de Chostakovitch par Yuri Alexandrov dans cette même salle, voilà un type qui avait compris la portée de la musique qu'il mettait en scène. Sinon orchestre très bien dirigé par Kazushi Ono, choeurs toujours un peu trop gueulards, Angela Denoke parfaite, tout comme Christopher Ventris ou Charles Workman, le Cardillac de Franz Grundheber m'a peu marqué à vrai dire, mais c'était très honnête.


Oui je n'avais pas grand chose à dire mais vous étiz prévenus!

Je publierai bientot un compte rendu (un vrai!) du superbe Rake's Progress d'Olivier Py et la semaine qui vient devrait apporter son lot de beaux spectacles: Parsifal lundi, récital Damrau mardi, Zampa mercredi, récital Delunsch jeudi, Padmavati samedi, et je finis en beauté avec le récital et La Cenerentola par Bartoli pour le lundi de Pâques. En voyant autant de spectacles en si peu de temps, vous m'excuserez de n'être pas toujours prodigue en commentaire ;-)



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